mardi 1 novembre 2011

Grenoble gris moderne

On pourrait démarrer comme ça par le ciel :


Le boulevard Joseph Vallier est visé par le photographe de carte postale. Il met l'accent sur la ville proche de l'horizon montagneux. Une ville grise.
Mon regard s'attache immédiatement à deux constructions qu'il reconnaît. En bas à gauche l'église St-Jean apôtre et en haut je reconnais à la fois le Palais des Sport et la tour de la houille blanche des frères Perret.
L'église a encore son très beau toit conique, nous verrons plus loin en détail cette construction.
Rapprochons-nous du centre :



Deux très beaux bâtiments dans un parc. Toujours le Palais des Sports et le nouvel hôtel de ville dont l'éditeur Iris nous donne les architectes : messieurs Novarina, Welti et Giovannoni.
En 1977 voici comment la ville se représente :



On retrouve les stars (icônes ? Ai-je le droit ?) de cette ville moderne : le stade de glace, les tours vues ici, la maison de la culture de Mr Wogensky, la gare et son stabile de Calder et la mairie ou l'hôtel de ville. La carte est une édition André.
Voici l'un d'eux :



Le Palais des Sports qui est donc aussi appelé le stade de glace est ici parfaitement photographié pour une carte postale typique. Un panache de branches et de feuilles au premier plan ouvre la vue vers la construction qui ne démérite pas face à ce modèle de la "nature"!
J'aime beaucoup cette construction que nous devons à Messieurs Demartini et Junillon.
Revenons au Boulevard Vallier :



Le canyon que produit cette artère nous offre encore une vision un rien sévère de la ville qui est accentué par la barrière de la Montagne au fond. Et malgré la largeur de ce boulevard, j'étouffe un peu.
Qui nous racontera l'histoire de cet urbanisme à Grenoble qui semble avoir poussé d'un coup et de manière si homogène ? Les jeux olympiques ne peuvent pas être les seuls responsables de cette sensation ?
Pour venir à Grenoble, vous arriverez par la gare :


Elle est avec son stabile de Calder (ici admirablement ignoré par le photographe), une carte postale très populaire.
En voici un autre exemple :


On pourra un peu mieux voir le beau stabile et aussi regarder la belle qualité du traitement graphique du sol. On regrettera sans doute les inévitables jardinières bourrées de fleurs qui atterrissent on ne sait comment comme s'il fallait absolument combler le vide. Je déteste toutes ces jardinières, petites poésies minables d'un manque probant de qualité paysagère.
Et voici la preuve :



La nuit aurait pu baigner la ville d'une étrangeté puissante et orange. La nuit serait tombée sur l'œuvre de Calder et l'aurait effacée doucement par le haut. Mais la jardinière emplie de fleurs droites et figées bien moins libres que la sculpture offrent l'occasion au photographe de s'agenouiller et de se planquer derrière ces plantations : un premier plan inutile.
La gare de Grenoble est donc photographiée à 11h45, 13h10, et... 21h50.
altitude urbaine :



La carte postale André nous donne : Tour de l'exposition, Parc et Place Paul Mistral. A l'angle du Boulevard et à gauche, le Park Hôtel. On a même le numéro de téléphone ce qui me fait penser à une carte postale promotionnelle pour cet hôtel.
Mais revenons un peu en arrière en retournant vers l'église Saint-Jean apôtre de l'architecte Maurice Blanc.





On a déjà conté l'histoire de sa couverture et de ses problèmes dans ce message mais ces deux cartes postales nous permettent de bien comprendre et regretter la grande beauté de ce toit disparu. Et je me permets de dire que ce très beau tressage n'avait rien à envier à ceux de Shigeru Ban...
La nuit tombe, nous devons quitter Grenoble et sa grande richesse architecturale. Certainement que nous y reviendrons bientôt.
Alors...


Dans une très belle lumière, les trois tours de Anger et Junillon font horizon. Le soleil chatouille encore un rien les montagnes de Belledonne.
Il ne fait aucun doute que je devrais revenir à Grenoble.

lundi 31 octobre 2011

génie civil, scientifique et religieux

Il m'arrive de perdre la tête, d'aimer des formes en oubliant leur raison d'être ou de comprendre leur fonction.
Il faut dire que parfois, les architectes, les ingénieurs et les techniciens se retrouvent pour brouiller les pistes.
L'église de Royan n'est-elle pas construite avec le système de l'ingénieur Laffaille pour des silos à grains ?
Alors je ne sais plus si ce que j'aime est une forme vidée de sa fonction, sa fonction même transcendée dans une plastique dépassant son cadre, voire le mystère même de cette forme et de sa raison d'être.
Vous me suivez ?
Je vous explique par l'image ?
Oui, allons-y !



Voici à Hamburg la Fernsehturm. Il s'agit d'un relais-antenne pour les télécommunications. Mais au-delà de cette fonction n'est-ce pas une très belle architecture ?
Ne pourrait-elle pas être tout autre chose ?
Ne me dites pas que vous n'êtes pas sensible à la grande qualité de son dessin, à l'équilibre de ses formes...
Et ici :



La grande oreille de Pleumeur-Bodou avec son antenne P.B.2 du type "Cassegrain" (1969) n'a-t-elle pas un sens plastique au-delà de sa fonction ?
A moins que, représentée, lisible, presque symbolisée cette fonction aussi clairement établie dans sa forme ne fasse toute la puissance de cette architecture, une forme de transparence fonctionnelle.
On écoute ou on voit ?
Et là alors, non mais là :



Pas de science, pas de fonction industrielle ici non.
Il s'agit d'un tout autre type d'outil que cette construction puisque c'est une église...
Nous sommes devant St Botvids Kyrka à Oxelösund.
L'architecte Rolf Bergh n'a-t-il pas fait un clin d'œil à quelques amis ingénieurs du génie civil ?
N'a-t-il pas un jour rêvé d'être astronaute ? De construire un radar pour la défense de son pays ?
Bâtiment aveuglé posé sur le sol avec fermeté voire lourdeur, il fait partir vers le ciel quelque chose qui pourrait à la fois recevoir ce ciel et tendre vers lui, un campanile.
Mais l'image est trompeuse car l'église est bien plus ouverte sur l'autre côté. Et si on regarde le beau travail d'appareillage du béton (?) on remarque un jeu subtil de teintes. Pourtant...
Comment ne pas perdre la tête devant la capacité des formes a évoquer d'autres champs, d'autres fonctions.
Ne serait-ce pas simplement la beauté ?

dimanche 30 octobre 2011

la donation Catherine Schwartz

Catherine Schwartz est une artiste.
Elle est aussi une amie.
Comme preuve évidente de ces deux choses, elle m'offre une série de cartes postales que j'avais d'abord décidé de publier séparément mais je n'ai pas le cœur à cela alors, ainsi rassemblées, elles forment un bouquet dont chaque fleur est la preuve de l'attention de Catherine à notre amitié.
Un très beau bouquet donc.
On démarre :



Les feux des voitures jouent avec le temps de pose de l'appareil photographique et forment des néons de couleur sur le sillage des automobiles allant et venant vers l'aéroport de Paris-Orly que nous avons déjà visité ici. Il s'agit là d'une édition Pi.
Prenons le chemin du sud :



Sur la plage de la Grande Motte, ville fétiche de ce blog, les vacanciers vivent heureux dans des couleurs vives à l'ombre de la belle architecture de Monsieur Balladur. Les corps bronzés et alanguis semblent avoir perdu toute pudeur pour une joie de vivre bien méritée.
Encore les vacances :



Certes c'est un peu loin le Golden Dolphin Holiday Resort à Izmir en Turquie, certes c'est un peu loin pour bien voir l'architecture des loisirs mais on peut bien si on le veut deviner une architecture très marquée, brutale et structurée. On trouvera bien à l'occasion, par une autre carte postale le moyen de s'en rapprocher.
Plus proche :



Sur cette carte postale de Lisieux, on voit bien l'horrible Basilique de Sainte Thérèse. Typiquement le genre d'architecture que je ne supporte pas comme Montmartre ou Notre-Dame de la Garde à Marseille. Mais je sais aussi que ce lieu fut souvent celui d'une enfance étrange ou dans certains moments compliqués, la vie nous poussait en famille vers cette construction afin d'y trouver quelque chose dépassant de très loin la question de l'architecture. Je pense encore que Sainte Thérèse aurait mérité mieux, plus fort, plus secret, plus discret aussi sans doute, quelque chose qui aurait accueilli une pluie de roses sans entreprendre de la faire oublier.
Au fond de l'image le quartier Hauteville vient rappeler la vraie vie ordinaire et terrestre. Certainement ici, dans cette image, on peut voir comme un raccourci saisissant d'une géographie spirituelle et politique. La carte postale est une édition La Cigogne par Henrard l'opérateur !
Toujours religieux :



La cité-secours Saint-Pierre à Lourdes est très commune en carte postale. Elle est un rien étrange offrant une volonté moderne qui a eu droit à un article dans Architecture d'Aujourd'hui en décembre 1958-Janvier 1959. L'architecte de ce bel ensemble est Pierre Laborde :




Partons en Afrique du Nord :



Magnifique non ?
Nous sommes à Tanger devant l'immeuble qui porte le nom de son architecte le " Toledano".
La carte postale La Cigogne nous indique en effet que ce très joli petit immeuble est dû à Toledano sans plus de précision. Quelle image !
Enore ?


Voici la place de l'Hôtel de Ville de Mostaganem grâce à cette carte postale Cap en real-Photo expédiée en 1962.
On admire les très beaux immeubles dans ce paysage urbain. Qui nous donnera leurs noms et leurs architectes ?
Finissons avec une autre merveille :



Nous sommes en Italie devant un très beau Palais du Tourisme à Cesenatico.
Et là on ne peut que rester sans voix devant le très beau travail du dessin des piliers comme des arbres de béton qui soutiennent la terrasse. Et regardez le beau dessin de l'étage !
Superbe !
J'arrive à trouver ce lien qui vous en dira plus sur ce " Palazzo del Turismo" dont l'architecte serait Saul Bravetti. Il faut lire l'italien !
Je me dois de remercier Catherine pour cette belle donation et je vous invite à mieux la connaître en allant voir par exemple son irresistible blog "tu sais l'artiste..."

samedi 29 octobre 2011

Souvenirs des années Art Déco



Je reçois cette semaine par le service de presse des éditions Thames & Hudson, un superbe livre intitulé Souvenirs des années Art Déco de Patricia Bayer. Merci à cet éditeur.
Le livre pourrait en quelque sorte être la prolongation du Moderne Grusse Modern Greetings vu ici.
Au fil des pages défile la collection de cartes postales de l'auteur aidée de quelques autres collectionneurs pour un panorama de l'architecture et de la décoration entre 1925 et 1930, période faste de ce style un rien étrange parfois : l'Art Déco.
Beaucoup de cartes postales américaines en couleurs pastel si caractéristiques de la production des U S A voisinent avec des cartes européennes ou d'autres pays.
L'ensemble est rangé par thématiques comme les bâtiments public ou les restaurants par exemple. Un petit texte introduit à la fois le style et la collection puis viennent les cartes postales parfaitement reproduites avec soin, parfois même des détails. C'est, il faut le dire, totalement jubilatoire et incroyablement appétissant !
On regrettera l'absence quasi-totale des noms des architectes. Un petit glossaire final eut été parfait.
Mais, tout au bout de la lecture, vous trouverez 8 fac-similés de cartes postales détachables à envoyer à vos amis.
Ce livre trouve donc sa place dans ma bibliothèque et vu son prix modique pour un tel ouvrage, pas de doute qu'il trouvera sa place dans la vôtre.
Une très belle idée de cadeau pour... Noël !
Bon, allez j'arrête la promotion, pour vous offrir quelques pages et vous donner envie de le voir et je tente dans ma propre collection de trouver quelques pépites Art Déco. Ca va être un peu dur...

Souvenirs des années Art Déco
Patricia Bayer
Thames & Hudson
22 euros !








mercredi 26 octobre 2011

la plus belle chapelle de France

Je vous propose un petit retour sur la chapelle de Saint Rouin que nous avons visitée au début de ce mois.
D'abord parce que le coup de foudre pour ce lieu reste très vivace et que ensuite quelques cartes postales nouvelles sont arrivées dans ma collection pour entretenir mon attachement à ce qui peut être considéré comme une petite merveille de l'architecture religieuse du siècle dernier.
Allez la voir, la visiter et l'aimer (ça c'est le plus simple !)
D'abord vous remarquerez que les cartes postales nous montrent toutes la chapelle sans ses vitraux, donc en cours de construction offrant ainsi des trous géométriques noirs sur la façade ce qui étonnamment donne aussi une belle composition !
Toutes ces cartes postales sont des cartes-photos c'est-à-dire qu'il s'agit d'un tirage argentique sur un papier photographique dont le verso est imprimé avec une séparation type carte postale. Il doit donc s'agir de petits tirages effectués par un amateur.
Seule la première carte postale est une édition Combier, c'est aussi la seule coloriée et expédiée.
Voici :


On remarque au bas de l'image le toit d'une automobile, celle du photographe ? A noter qu'aujourd'hui il est impossible d'aller en voiture jusqu'au pied de la chapelle Saint-Rouin et heureusement car ainsi elle apparaît lentement entre les arbres. L'accès est certainement aussi à cette époque celui du chantier...





Sur celle-ci on remarque les planches du coffrage qui restent encore sur place. La ligne qui court sur le mur n'est pas un cheveu oublié sur mon scanner mais une ligne moulée dans le béton !
Remarquez le beau noir des percées pour les vitraux à venir, vitraux dessinés par une enfant japonaise de 8 ans, Kimié Bando. Qui sait ce qu'elle est devenue ?
Une autre :



Prise depuis le chemin, aujourd'hui la végétation a un peu poussé... Regardez comme la croix blanche se détache bien et comment cette géométrie joue avec les végétaux.



Disparaissant sous les feuillages, l'arbre du premier plan coupe l'image en deux et donne un sens fort à cette architecture sereine et moderne, presque intégrée.
Et pour finir :


Point de vue depuis l'intérieur et cadrant la forêt au travers de l'ouverture encore sans vitrail, cette carte postale superbe nous dit bien comment l'ensemble architectural joue à la fois d'une intégration et d'une opposition. Finalement comme un énorme rocher.
Rappelons que le Père Rayssiguier établit les plans et que Monsieur Szekely se chargea de l'aménagement et du mobilier.

tétrodon participation

Pour tous ceux qui aiment l'architecture étrange, l'architecture mobile, l'architecture modeste, l'architecture éditée, l'architecture menacée, l'architecture à sauver, l'architecture regardée et aimée voici une belle occasion de montrer votre engagement en versant une petite somme ou une grosse à cette association qui se charge de sauver le tétrodon vu ici et ici.
Chargez la fiche pdf ici et envoyez votre obole :
C'est rapide, efficace et surtout indolore.
Pour ma part c'est fait !

mardi 25 octobre 2011

une possibilité



Il avait bien cru qu'avec une telle modernité et un tel appui des sciences il obtiendrait le premier prix au concours d'architecture pour la construction de cette église.
Il avait d'abord vu cette forme au Palais de la Découverte et avait cru trouver là une belle solution plastique pour son toit en lamellé-collé qui posait problème depuis le début de ses recherches.
Il pensait qu'une église se devait en ce milieu de XXème siècle recourir ainsi aux sciences mêlant la spiritualité la plus pure à la beauté des mathématiques car il avait beau être un laïc il aimait croire que, quelque part dans l'univers, régnait un ordre supérieur qui dessinait le monde.
Alors pourquoi ne pas penser que la surface à section horizontale elliptique, montrant la variation de la corrélation théorique entre 2 variables liées par la loi de Gauss, dans la salle des mathématiques ne pourrait pas être une architecture superbe pour l'église de Royan.
Mais voilà, Guillaume Gillet emporta le concours haut la main avec un projet plus élancé, plus structurel alliant génie civil, art de l'ingénieur (Laffaille et Sarger) et une forme d'une certaine manière plus classique.
Cet échec au concours remit en cause son engagement dans l'architecture et il retrouva vite son goût pour la musique pensant que là aussi, les formes et solutions mathématiques donneraient bien plus de solidité à ses mouvements symphoniques.
Il plongea dans la musique sérielle et dans l'anonymat le plus strict.
On dit que parfois, quand le vent vient du large, le béton de l'église de Royan vibre et laisse échapper un son qui ressemble étrangement à sa troisième composition pour percussions et piano préparé.