Une belle série de cartes postales de Ronchamp qui ont toutes en commun d'être des photographies de Lucien Hervé dont on sait l'importance pour l'architecture moderne.
Nous avons déjà évoqué son travail sur ce blog.
Il est aisé de trouver toutes informations nécessaires sur la relation exceptionnelle que les deux artistes entretenaient.
Je vous propose donc surtout de voir et mieux de regarder.
On s'attachera à l'unité lumineuse de l'ensemble de la série au ciel gris léger, aux ombres peu marquées.
On remarque aussi qu'il y a peu d'effets abstraits, de cadrages audacieux mais une mise au service du bâti, une forme de discrétion photographique.
Lucien Hervé ne fait pas une œuvre photographique mais il est au service d'une œuvre architecturale. C'est une approche modeste, voire timide.
Seule une carte postale propose ici un risque.
Genou à terre, butte de terre fraîche à gauche, la plongée fait monter la pointe du bâtiment et étire ainsi dans une image assez évocatrice (oui oui regardez bien) les courbes du toit.
Suis-je le seul à voir ce que je vois...
ici :
Les cartes postales sont des éditions de la Société Immobilière de Notre-Dame du Haut. L'architecte Le Corbusier est nommé tout comme le photographe Lucien Hervé. On trouve également une nomenclature qui fait rêver à une multitude d'images E.III.129, E.III.122, E.III.132...
Peut-on raisonnablement penser qu'il exista au moins 129 références ?
Cela serait aussi le signe de l'impossibilité de réduction de Ronchamp à une image et prouverait l'incroyable complexité formelle de l'ensemble obligeant à chaque instant à croire qu'on tient là dans le cadre de son objectif l'image de la chapelle.
Je vous donne le texte au verso de cette carte postale expédiée en 1955 :
"Cher Vieux,
Je m'attendais à trouver "Ronchamp" bien, mais j'ai vraiment été soufflé par la réussite d'ambiance et la foule d'astuces. Tout est vraiment baisant (sic!) et j'espère que tu ne tarderas pas trop à venir juger sur pièces, car aucune carte ou illustration n'est à la hauteur. Je rentre à Paris le 15 septembre après un petit voyage en Alsace.
B. Michaud."
C'est adressé à Ivry sur Seine à un certain Peillien.
Des architectes ? Des séminaristes ?
En tout cas, on peut à la fois lui donner raison sur le fait qu'aucune image ne puisse rendre compte mais je crois que Lucien Hervé peut lui au moins inventer une manière de regarder.
On peut aussi dire que la carte postale peut ainsi permettre d'accéder à la fois au travail d'un immense photographe et d'un immense architecte.
Un rêve modeste.