D'abord...
...cette carte postale Abeilles-cartes pour Lyna par le grand photographe de cartes postales : Rolf Walter.
Une carte postale somme toute qui pourrait dans l'accomplissement de sa tâche ne rien dire de particulier que la présence d'un piéton qui regarde Paris. L'escalator dans sa diagonale semble relier deux morceaux du Vieux Paris mais bien vite deux particularités de cette image excitent l'œil averti. On retrouve en effet un peu caché le diatope de Xénakis dont nous avons parlé ici. Sur cette image, il semble un peu sali, déjà la toile se distend ce qui le rend fragile et réel. La foule est à ses pieds.
Mais dans le ciel de Paris un timbre et un tampon déclarent le centenaire de la naissance de Pompidou. Pour ce centenaire et cette commémoration postale, la Poste choisit de coller la face du Président contre l'établissement qui porte son nom créant une confusion possible entre centenaire de Pompidou et... centenaire du Centre Pompidou car le langage populaire aime à dire "je vais à Pompidou !" ou "les expos sont nulles à Pompidou" ou encore "j'ai adoré Pompidou"...
Ajoutant encore à l'hommage, le tampon oblitérateur reprend le profil du Président un peu à la manière des médailles et pièces de monnaie et la ligne de ce profil vient amoureusement embrasser la construction. Pompidou embrasse Pompidou en quelque sorte !
Mais une autre particularité postale de cette carte vient de la double oblitération. Envoyée une première fois en septembre 1978, cette carte postale fut à nouveau oblitérée en 2011 année du centenaire mais cette fois elle n'a dû rejoindre personne à part le classeur du philatéliste qui le jour de l'oblitération "premier jour" s'est rendu au bureau provisoire de la Poste pour obtenir ce cachet. Pourrai-je à mon tour, le jour du centenaire du Centre Pompidou en 2077 faire une oblitération supplémentaire sur cette carte postale pour encore faire rejoindre Pompidou et Pompidou... J'aurai 90 ans... qui sera à mes côtés ? Qui poussera le fauteuil roulant ?
Puis...
... cette très belle édition Chantal choisit de faire un cadrage serré sur la façade. Quel incroyable réseau de lignes et d'ombres ! Presque une jungle.
Le rouge gagne l'image et la brillance du tube fait vernis. La machine Pompidou fonctionne, le tube délivre des visiteurs que l'on devine et l'un des panneaux manque, remplacé par un plastique flottant.
Devant la beauté d'une telle image on peut s'interroger si la jubilation plastique provient de l'image ou du Centre Pompidou. Il ne fait aucun doute que l'un compose l'autre dans le jeu subtil des désirs d'images des architectes et des réalités iconiques des cartes postales. L'abstraction vient du bâtiment, sa matérialité de la photographie. J'oserai dire ici son existence. Mais Beaubourg (ou Pompidou si l'on veut) est pour moi toujours et encore ce lieu merveilleux ayant dans ma poitrine serré quelque chose d'inaliénable, quelque chose qui me fonde comme un amoureux de l'architecture et des espaces, une surprise indéfiniment renouvelée, des souvenirs d'amitié puissants et le retour triomphant dans une maison Phénix en Province en ayant ce sentiment fort d'avoir vécu son époque, d'être debout au Monde et de raconter raconter raconter Paris, sa modernité vivante, son actualité sans attente d'un futur ambigu et sans cynisme.
Alors les noms des architectes au dos des cartes postales ont pour moi ce mystère étrange d'être ceux de personnes inconnues mais familiers, une petite formule magique qui agite quelques particules : Rogers et Piano. Un instrument de musique un peu italien et une sonorité anglaise de personnage de bande dessinée.