mardi 16 mars 2010

un coin du monde



Sur une chaussée grise et large une Jaguar en pleine vitesse s'échappe de la ville.
Le ciel, quoiqu'un rien nuageux, laisse son bleu céruléen teinter la carte postale.
La ville change, c'est visible.
De nouveaux immeubles blancs écrasent un peu les petites constructions du début du siècle mais rien de grave, de méchant, juste l'époque qui signe son temps.
Finalement le plus étrange c'est la Jaguar rouge.



Voiture superbe de ligne, de couleur.
Voiture d'exception ici dans ce décor.
Celle du pharmacien, du notaire, de l'avocat.
Mais le photographe inconscient se place au milieu de la chaussée.
Attention !
Derrière !
Ouf ! de justesse...
Nous sommes à Epinay-sur-Seine en Seine Saint Denis sur l'avenue De Lattre-de-Tassigny.
Une carte Combier expédiée en 1999 mais bien plus vieille !



les images parlent

Imaginez un bâtiment dont vous entendriez les habitants dire les choses suivantes :

On y a vécu sept ans, l'été on se posait dehors, on discutait, les enfants jouaient.

Notre centre culturel, j'y vais souvent.

Quand on fait un bouquet de fleurs, il faut en mettre de différentes couleurs. C'est ça la beauté.

à..., il y avait un peu une vie de souk. On voyait les enfants jouer. Ça donnait une empreinte de vie.

Les gens aux... disent ce qu'ils veulent dire ! C'était un quartier sympathique.

Les gens avaient fait des affiches, venez pas squatter le bâtiment.

Des fois je regrette même d'être partie.

Quand j'étais gosse c'était bien.

Maintenant vous penseriez quoi de cette construction ?
Qu'elle vient d'obtenir un prix d'architecture et d'urbanisme ? Qu'il s'agit d'un nouveau quartier écologique ? D'une réhabilitation exemplaire ?
Vous auriez tort. Il s'agit tout simplement d'une affiche collée sur les murs de Pierrefitte-sur-Seine pour justifier la destruction du quartier des Poètes !
Difficile de croire à une telle communication qui fait des qualités du bâtiment les raisons même de sa démolition !
Étrange retournement de la communication !
Je vous donne maintenant la dernière phrase qui finira d'achever le ridicule de la chose, à côté de photographies d'une habitante on peut lire :

Si vous ne connaissez pas la valeur des choses, vous ne les mettez pas en valeur.

Je crois bien que cette phrase à elle seule résume l'incroyable lucidité des habitants.
Le plus tragique, c'est que la valeur de la cité des Poètes est reconnue par les services culturels et patrimoniaux car elle avait obtenu le Label Patrimoine du XXème siècle !
Doit-on rire, doit-on pleurer ?
Merci Agnés Cailliau pour cette photographie.