lundi 20 août 2012

Reconstruction Déconstruction

Il y a des livres importants pour ce blog et pour la manière dont j'ai appris à aimer l'architecture, la ville et sa représentation, notamment ici par les cartes postales.
Du Guide d'architecture contemporaine en France de Monsieur Dominique Amouroux en passant par les Boring postcards de Martin Parr, la liste serait maintenant un peu longue de ces jalons qui ont formé petit à petit cette conscience débutante et toujours ouverte à mes images.
Si, on me demande où je suis allé cet été je dirais que je suis allé là :


























Reconstruction-Déconstruction de Bruno Vayssière est le plus beau, sérieux, intelligent livre sur le Hard French que j'ai pu lire.
Avec une méthode remarquable, il reconstitue notre particularité française d'un territoire parsemé de chemins de grue, de cités H. L. M et des typologies qui s'y rattachent. En s'appuyant sur le fond iconographique et historique du M.R.U, il réussit l'exploit d'en arpenter toutes les composantes et fonde l'impossibilité française de faire autre chose que cette typologie architecturale. Creusant dans les racines profondes des deux reconstructions (celle qui suivit la Première Guerre mondiale comprise), il interroge avec une pertinence fondée comment la mécanique esthétique, industrielle, graphique, sociologique et politique ne pouvait que produire du Hard French. Le chapitre sur le graphisme est particulièrement passionnant.
C'est vertigineux ! Devant de tels livres, on se sent bien minuscule à l'analyse de nos images.
De plus, c'est un beau livre qui éparpille généreusement dans ses pages des documents rares, des photographies de la reconstruction pendant les Trente Glorieuses. Et tout cela en gardant à la fois une position critique mais aussi sans dénigrer, rejeter cette période et même avec un certain optimisme pour regarder, aimer, découvrir cet héritage qui pourrait bien devenir du Patrimoine.
Un livre fondateur donc.










































































Je me dois de remercier Didier Mouchel pour ce prêt. Bien vite, j'ai fait l'acquisition de mon propre volume qui trônera maintenant avec mes autres briques de papier dans ma bibliothèque. Il y a fort à parier que de temps en temps j'y fasse à nouveau référence.
On peut tout aussi bien compléter cet ouvrage par Photographies à l'œuvre, enquêtes et chantiers 1945-1958 consacré au service photographique du M.R.U qui faisait des enquêtes sur l'état des lieux du logement après-guerre et qui servit de base et d'excuses selon Bruno Vayssière à l'implantation massive du Hard French.
On y trouve un très pertinent texte de Didier Mouchel sur la question de la photographie en tant que moyen de constat, d'œuvre presque autonome, voire même associée en partie aux courants photographiques de l'époque. On pourrait dire une école de la représentation urbaine. Là aussi la qualité éditoriale est au rendez-vous. Avec ces deux ouvrages se répondant l'un l'autre, vous ferez en quelque sorte une promenade très éclairée au milieu de nos tours et de nos barres, percevant à la fois leur révolution, leur particularité et l'étonnant mélange de spécificité et d'académisme.








Mais vous devez avoir envie de voir des cartes postales !
Allez ! On en regarde quelques-unes !
D'abord Bobigny et le groupe H.L.M du Pont de pierre par les éditions J. Godnef d'Aubervilliers, éditeur un peu rare dans nos cartons ! L'architecte serait Monsieur Stopskof que nous connaissons un peu sur ce blog : voir ici par exemple. On remarque un détail amusant sur ce cliché, les herbes folles sur la symétrie gauche de l'image et bien tondues sur la droite ! Avouez qu'il s'agit là d'une belle image !






Puis partons vers Reuil-Malmaison, vers les immeubles de la rue des Blanchettes par les éditions Abeille-Cartes cette fois. Le correspondant fait une belle croix au stylo bille bleu sur sa carte pour situer l'immeuble et non son appartement car il habite au rez-de-chaussée invisible sur l'image. On regardera surtout le détail des habitants, des enfants qui savent la présence du photographe et posent un peu loin toujours avec cette même distance respectueuse que l'on trouve tout le long des éditions de cartes postales. Il faudra écrire sur l'exactitude de cette distance : loi, respect, volonté de ne pas personnaliser l'image ?




















Partons en Province à Cenon en Gironde. Voici la Cité Palmer, les Quatre Tours réalisées par la SEG et les architectes G.P.A messieurs P. Dautrel et R. Tagini. Du moins c'est bien ce que nous précise la carte postale "la Cigogne". On notera l'implacabilité de l'alignement, le jeu graphique une fois de plus assuré par les stores de couleurs (je vous en prie que quelqu'un fasse une étude sur ce point essentiel de l'esthétisme des Trente Glorieuses !) On remarquera aussi un étrange balcon isolé qui surgit bien seul sur cette façade parfaitement lisse... étrange... Pour les pompiers ?





Un peu de local maintenant avec une vue panoramique de Sainte-Lucie-A à Grand-Quevilly. Une belle édition Leconte en couleur prise d'un peu haut et permettant de voir à perte de vue ce paysage de barres là aussi habillées par les stores de couleur : oranges puis bleus puis jaunes puis oranges... à l'infini...
Une belle DS Citroën file sur la chaussée, une certaine France, un certain paysage, une certaine idée de l'esthétique de cette époque.


Reconstruction-Déconstruction
Bruno Vayssière
éditions Picard
collection Villes & Sociétés
isbn 2-7084-0375-3
1988

Photographies à l'œuvre, enquêtes et chantiers de la reconstruction 1945-1958
Collectif
éditions du Jeu de Paume, Point du Jour
isbn 978-2-912132-70-3