Nous sommes à Bagneux devant le terrain de jeux et la Tour 4. Les éditions Leconte ne nous en disent pas plus et je ne trouve pas de réponse claire pour attribuer à des architectes ces constructions dont on pourra avec un peu de recul s'apercevoir qu'ils ont, sans aucun doute, tenté ici une réalisation bien marquée par les formes et les idées de leur époque.
Mais, c'est certain que cette image dans son vide, dans son noir et blanc, dans la fermeture de l'horizon, dans sa minéralité et sa géométrie, offre d'abord un aspect anxiogène assez terrible.
Je crois que c'est surtout ce vide de vie, cette désertion encore plus grande de ce qui devrait être un lieu convivial, l'aire de jeux qui produit sur nous un effet étrange.
Comment se sortir de cette sensation ?
Faut-il en sortir ?
Le silence de cette image est immense. Son abandon semble total.
J'ai beau scruter, le compte-fil sous l'œil, je ne vois rien qui donne à penser qu'ici on habite, joue, cuisine, se rencontre. Même les arbres maigrelets semblent rétifs à la pousse.
Pourtant cette architecture, celle de la barre à droite, celle de la barre du fond, si on y regarde bien sont intéressantes.
D'abord à droite :
Une barre longue alimentée par des coursives épaisses et marquées d'un blanc fort strient et allongent le bâtiment. Le dernier étage offre une variante avec de grandes baies dont on a du mal à dire la fonction.
On sait que souvent la coursive, sorte de rue, fut promue comme un lieu de convivialité sociale, de rencontres par une distribution des habitants à la fois sur un extérieur ouvert et dans le même temps déjà partie intégrante de la construction. Aujourd'hui cette forme ouverte est décriée car... trop ouverte et donc, dans un contresens remarquable, ouverte à l'indésirable et fermée à son contrôle !
Dans une société où rien n'est apaisé, le privatif à double sas de portes blindées à codes, semble aujourd'hui la norme. Et on peut aussi le comprendre.
La barre ou Tour 4 au fond offre une façade à la grille alternant des ouvertures horizontales et verticales. Une fente verticale et vitrée doit protéger l'escalier ou l'ascenseur. On devine une façade lisse, sans aspérité. La rythmicité sans être exceptionnellement plastique ne manque pas de rigueur (trop ?)
Mais l'aire de jeux ainsi cernée distribue de petites formes frêles qui réalisent une sorte de partition faite de cercles, de carrés, de triangles dont les fonctions d'animations, de mouvement, ici sont totalement éteintes...
Et de ce contraste entre un lieu au grand nombre de logements et donc d'habitants et un espace de convivialité vide est le "ça" de cette image. Ce point focal fait de rien, de vide, d'attente est la beauté étrange de cette image : son objectivité photographique.
Un dimanche après-midi du mois d'août ?
Un matin morne de février ?
La guerre déclarée au loin et l'abandon des constructions ?
Une épidémie ravageuse ?
Une alerte au nuage radio-actif ?
Une bombe de la seconde guerre mondiale retrouvée dans un chantier proche ?
Un match de la coupe du monde de football à la télé ?
Le silence avant l'implosion des constructions ?
Une photographie nettoyée sous Photoshop par un artiste contemporain ?
Une misanthropie passagère du photographe des éditions Leconte ?
Vous choisirez votre option. Vous en inventerez une...