C'est vrai que, déjà par son titre, ce film prend d'une certaine manière position sur ce type d'étalement urbain que nous connaissons tous et dont, je l'avoue pour ma part, je ne sais plus quoi penser.
Parfois, circulant dans ma région j'ai envie de raser tout ça, qu'on arrête un peu ces lotissements de maisons toutes pareilles et d'une laideur grandissante et parfois je me dis que, finalement ce genre de constructions est une évidence bien difficile à contrer.
Le film de Frédéric Ramade est aussi, et c'est important quant à la position qu'il prend, un film nostalgique ou au moins un film de "famille", c'est un retour sur ses lieux.
Car c'est bien aussi mon problème !
Alors que le sous-sol de mon pavillon Phénix est rempli d'ouvrages sur l'architecture la plus moderne, utopique et radicale qui soit, je vis là, dans une maison faite de dalles de béton préfabriquées, d'une charpente en métal et d'un crépi blanc bien lumineux.
Alors si l'histoire d'un bonheur familial n'arrive pas à la hauteur des ambitions et désirs architecturaux les plus fous, faut-il pour autant se dire que cet espace là, cette maison Phénix n'est pas un lieu d'architecture ?
Souvent, pour rire mais aussi assez sérieusement, je dis que la maison Phénix est la vraie "machine à habiter". Sa radicalité de plan, sa brutalité constructive pourrait en faire une œuvre finalement moderne. J'aime encore ses volets tout plastique en accordéon.
Mais ce qui la réduit à une vision bien trop rétrograde c'est avant tout "son image", je veux dire que le toit double pente sur une base rectangulaire lui donne des allures de maison dessinée par un enfant. Et encore lorsque je regarde ce pavillon qui aujourd'hui a 35 ans, je le trouve bien mieux dessiné que les nouveaux. Les détails et les matériaux y sont pour quelque chose. Il faut dire que la famille n'a jamais succombé à des transformation du type : mettre des volets en bois, une véranda en poutres de chêne véritable, un ravalement en ocre marron-rose pour tenter le rapprochement avec une chaumière !
Alors le film de Frédéric Ramade a ce mérite de faire jouer cette impression curieuse d'un dégoût culturel contre une réalité heureuse, comme si finalement dans les murs même où nous avons grandi et appris l'architecture nous avions également compris ses défauts. Une sorte de suicide du lieu lui-même, offrant tout le possible d'y renoncer !
Restent les films Super 8, les témoignages des parents ayant cru (et avec raison sans doute) faire là un choix nécessaire pour leur famille et voulant avec leur bagage culturel et leurs moyens financiers de l'époque gagner quelque chose : une autonomie, un bonheur.
Ce film a beaucoup d'humour, beaucoup de tendresse aussi, quelque chose parfois d'un rien ennuyeux comme la fin impossible des repas de famille, mais toujours sans dédain et même avec une belle émotion.
Et si Duchamp est convoqué dans un ReAdy MADE au nominalisme joyeux, c'est bien pour faire un signe d'un monde vers un autre. On entend dans la recherche d'un livre dans la bibliothèque le nom de Nicolas Bourriaud, autre tentative de faire un signe, d'instaurer une passerelle.
Dans le film, Frédéric Ramade lâche cette phrase : "Nous avions tout."
Nous souhaitons la même chose aux nouveaux propriétaires des lotissements à venir...
Ode Pavillonnaire
Frédéric Ramade
Filigranes éditions 2007
Alors je cherche dans ma collection de cartes postales ce type de construction et c'est étrange mais il y a en très peu !
Souvent il s'agit de cartes postales d'entrepreneurs ou de constructeurs qui servaient à la promotion de leurs constructions.
Alors regardons...
Pour commencer voici Fleurissement en Alsace par les éditions Mage sans plus de précision :
Puis et là je trouve que c'est pas mal dessiné mais c'est vrai que ce n'est pas à vraiment parler un pavillon, il s'agit du hameau de Vacances "Arnaga" à Cambo-les-bains. Une réalisation OCIL/A.RE.FO :
Et pour vous prouver que je ne suis pas rancunier de ce genre de paysage, voici ce que je vois de ma fenêtre : un pavillon Phénix décoré à la normande...