Ce qui est remarquable c'est la volumétrie.
La dissociation des deux objets, la tour de vigie et le réservoir d'eau douce produisent des vides délicats, des interstices si fins et contrastant fortement avec les masses.
Presque à touche touche.
Un couple dont les différences de chacun nourrissent l'autre.
Laurel et Hardy.
Le grand fin, terminé en éventail aplati s'ouvre sur l'extérieur, c'est sa fonction de vigie, balcon dans le ciel regardant le trafic des pétroliers. Le dessous nervuré comme une aile de chauve-souris déployée, le plissé d'une jupe fait un peu d'ombre mystérieuse au cône.
Pointue, découpée en plaques assemblées la vigie est, si on regarde bien, moulée en béton brut aux coffrages striés délicatement travaillant la surface de petites lignes dont la fonction constructive reste inédite.
Le petit cône, en dessous mais prenant ses aises en allant à la rencontre de la vigie, offre une forme simple bien connue mais à la justesse réelle en opposition avec sa sœur.
Les horizontales du coffrage disent bien son moulage, son ascension tranquille. Ça pousse du sol.
Le versoir dessiné par Le Corbusier sans qu'il le sache, comme un petit bec doit offrir les jours de grandes pluies une cascade merveilleuse tombant en fracas sur le sol, c'est ce qui a nourri la pousse. L'eau douce dedans, l'eau douce dehors.
N'oublions pas le morceau de dessin géométrique de la façade en bas à gauche et le V du toit à droite.
Partout encore, ce bleu de ciel contre ce gris du béton. Il faudrait écrire sur ces deux couleurs fonctionnant comme un désir du moderne. Ce gris indifférent, qui prend chaque ombre des interstices des planches de coffrage, laissant apparentes aussi les coulures de l'humidité.
Et ce bleu capté encore et encore par les peintres découpe les formes comme aux ciseaux en se dégradant vers l'horizon.
Je n'oublie pas le contrepoint d'un orange de carrosserie. Une Wolkswagen garée là par hasard, nous ramène au sol et nous dit l'échelle.
Mon œil n'arrive pas à quitter ce petit espace entre les deux formes. Si proches...
Sur le toit du cône, le coffreur a dû s'appuyer contre la vigie réunissant là les deux compères. Quelle chance !
Voyez ce que nous dit notre guide d'architecture contemporaine en France :
les architectes messieurs Jaubert et Lopez ne sont pas nommés sur cette belle carte postale "La Cigogne". la carte fut expédiée en 1985 de Martigues.