Comme un très lent travelling.
Sauf que...
Si on regarde bien ces trois cartes postales du très beau village-vacances du comité central d'entreprise d'Air France à Gassin, on pourrait croire (et je l'ai cru) que le photographe s'est rapproché petit à petit du hameau en visant l'arbre toujours dans son cadre.
Eh bien non.
Rapidement on s'aperçoit que cela ne colle pas. Pourtant l'idée est belle d'une succession de cartes postales faites par exemple tous les 10 mètres par un photographe nous évoquant ainsi son parcours.
"Ed Rucha, sors de ce corps."
Mais finalement ce faux-vrai travelling, puisque tout de même on réalise bien une progression vers l'avant, bref ce vrai-faux travelling nous permet tout de même de suivre le chantier de ce magnifique village que nous devons à L'A.U.A. Rappelez-vous ici.
De très loin, on perçoit la colline comme grattée laissant la terre jaune faire chantier. Aucun remodelage de la topographie, ça épouse.
On se demande d'ailleurs à ce stade du chantier pourquoi diable faire une photographie qui ne rend pas compte ni dudit chantier ni même de son avenir. Seul l'arbre au premier plan d'un paysage de verdure semble le centre d'intérêt de cette carte postale. Une manière de nous dire le lieu du village en le maintenant à distance et en l'inscrivant parfaitement dans sa géographie.
Le chantier n'est PAS photogénique pour une carte postale.
Le deuxième cliché nous rapproche du village et le photographe nous colle encore un arbre à droite, arbre noir presque inquiétant, torturé. On voit enfin bien les volumes de l'architecture dont on admirera au passage l'habile jeu coloré dont il nous sera difficile de déterminer s'il est voulu à ce point par les architectes ou si la coloration du cliché n'emmène pas l'ensemble dans des tons plus chauds que nature. Le jaune teinte le béton en photographie ?
Mais l'architecture est là, belle cascade de volumes qui dégringole la pente de la colline sachant en jouer, se l'approprier tout en imposant sa radicalité sans tentation régionaliste. C'est du dessin.
Il clair que sur ce cliché, l'ensemble sort tout juste de terre et on perçoit même encore les traces parallèles de la pelleteuse dans le terrain. Une mère y promène pourtant son enfant.
La troisième image laisse à nouveau un arbre sur la droite. Seul, il fait le premier plan avec son écorce très sombre.
La carte précise en son verso que nous sommes au hameau Joseph Kosma et au "Mas". Il suffit alors de reprendre la première carte postale pour comprendre que nous avons en fait une vue générale et deux vues latérales...Vous me suivez ?
On peut donc sans trop se tromper penser que le photographe a réalisé ses clichés le même jour, se déplaçant au gré de son exploration du lieu ou de la commande. Ici, nécessité d'avoir des cartes postales idéales pour une localisation des vacanciers : c'est ici que nous sommes.
D'ailleurs et c'est toujours étonnant, aucun des expéditeurs n'évoque en bien ou en mal l'architecture de leur lieu de vacances sauf Lucien et Julienne qui nous disent qu'ils sont bien nourris et bien logés.
Voilà qui rassurera la famille et les architectes !
Les trois cartes postales sont des éditions du comité central d'entreprise d'Air France imprimées en Eurolux et peut-être éditées en hâte pour le premier été de vacances en 1970.