Certainement moins spectaculaires, certainement beaucoup moins connues, elles ont sans doute aussi moins l'idée et la prétention de faire sculpture.
Pourtant elles sont indéniablement d'une grande qualité.
Elles font partie de cette histoire modeste de l'architecture contemporaine, celle qui nous entoure et qui ne demande qu'à nous dire une fois de plus sa richesse et que nous devons aujourd'hui aimer sauver et partager.
Commençons par Poitiers !
Vous venez de voir l'église Saint-Cyprien de Poitiers.
Poitiers est une ville romane de tout premier plan et il est donc aisé de penser que l'architecte a dû composer avec cet héritage.
Il n'a pas pastiché, il n'a pas cédé à l'influence formelle trop vite mais a su tirer une forme de quintessence qui tout en rendant hommage aux merveilles romanes de Poitiers fait de cette église une église de son temps. L'entrée de celle-ci est l'exemple parfait de cette réussite. On la voit à la fois massive, solide et même sévère, elle offre comme une faille adoucie entre les deux courbes, faille dans laquelle le croyant devra passer. Il est à la fois menacé et protégé, écrasé et accueilli.
Le toit, feuille posée sur des pierres, d'une finesse magnifique fait une visière dont l'ombre dessine les courbes.
Le clocher est presque un campanile car s'il est encore accroché à l'édifice, il est comme une tour de guet d'un château fort : superbement dessiné.
On remarquera également que ce vocabulaire un rien défensif est aussi accentué par les ouvertures systématiquement allongées dans la hauteur et comme striées.
Mais regardez également le détail du parement de pierres avec des moellons qui parfois dépassent et créent ainsi un décor simple et rigoureux. L'architecte de cette église serait Monsieur Marcel Baudouin. Son église a obtenu aujourd'hui le Label Patrimoine du XXème siècle.
Il nous faudra aller voir cette belle église à la prochaine descente vers Royan. La carte postale Théojac n'est pas datée mais l'église est de 1965. On s'amusera aussi du ciel parfaitement nettoyé...
Et maintenant à Longueau...
On pourrait presque retrouver l'idée des courbes de Poitiers. Mais l'échelle est moindre et le dessin ici permet de lire la fonction. L'un des deux cylindres abrite le baptistère.
On regardera aussi le seuil que je trouve un rien maladroit.
Mais une flèche audacieuse rompt avec toutes ces courbes et monte en fusée vers le ciel chargé de Longueau.
La flèche est de béton et percée de vitraux et les murs sont en pierres. Là aussi le matériau et la forme de double cylindre emporte l'ensemble vers une imagerie de construction défensive de château fort raccourci !
Depuis le point de vue de James Platel, le photographe de cette carte postale aucune ouverture n'est visible. On peut comprendre ici un peu mieux la pourtant grande clarté intérieure de cette église.
On sait que ce jeu de la surprise lumineuse est souvent l'une des bases de travail de l'architecture religieuse qui se doit de la mettre en scène, de la tirer de l'usage commun vers le symbolique. C'est là limpide. De l'extérieur l'église semble impénétrable, fermée même dure puis dès l'entrée franchie le prisme triangulaire disperse le jour à l'intérieur en le localisant dans une forme surprenante et symbolique puisque ce jour est cerné dans une pointe montant au ciel...
Marcel Gogois en serait l'architecte.
Au dos de la carte postale qui a servi pour un jeu-concours, la correspondante a écrit : on ne peut voir bien qu'avec le cœur.
Je vous laisse voir donc...