Un peu mal imprimée, un peu mal photographiée, cette carte nous propose une ambiance bien marquée par les automobiles (toujours) et par sa fontaine.
Le bâtiment moderne avec sa visière relevée est le Théâtre 71 qui aurait été dessiné par Lana et Rozen architectes.
Je ne trouve rien d'autre que ces noms.
Les halles que l'on voit à droite n'existent plus, remplacées par des modernes et le théâtre est accolé à la mairie de Malakoff.
Une fois de plus le point de vue sur le jet d'eau semble vouloir apporter une touche de gaieté et de luxe à un coin de ville dont finalement on voit peu de chose.
Les voitures cernent et ferment l'image en son milieu.
Trois personnes discutent autour d'une 2cv et d'une Renault 8. Sont-ils des membres d'une troupe de marionnettes venant faire un spectacle ici ?
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai une impression bizarre très post-68 sur cette image, quelque chose à la fois joyeux et pathétique, minable et superbe.
Et les images d'une troupe de théâtre dans un film avec Miou-Miou me reviennent.
Elle est, je crois dans ce film, une jeune commissaire désabusée rencontrant une troupe de théâtre d'avant-garde un peu dépassée dans une banlieue noire et sombre du nord de la France il me semble.
Quelque chose des illusions perdues et de la mise en avant de l'action avant le rêve : un peu ... déplaisant.
Alors au-delà de l'image il y a toujours cette capacité à construire soit du récit soit de la projection (toutes projections).
Une couleur, la dégradation d'une trame, un coin de bâtiment et un détail vestimentaire fabriquent des images, en retrouvent d'autres dans un jeu incroyable mêlant la mémoire et l'imagination pour former à nouveau récits et images.
Mais ce goût au fond de la gorge est d'une force surprenante et surtout incontrôlable. Ça vient un point c'est tout et il faut alors fil à fil retrouver la chaîne concaténée (je connais ce mot depuis 3 semaines) des événements et de l'imaginaire pour admettre qu'il est impossible de partir d'un blanc total et de croire en la virginité des images. Non seulement il ne faut pas lutter contre cette chute dans le chaos des sensations revenantes mais au contraire se jouer d'elles comme autant de preuves d'un éveil jouissif et inventif, d'une salle de cinéma aux projections permanentes logée dans le corps.
Alors je m'autorise à penser que oui, les trois hommes sont des comédiens, qu'ils discutent du décor qui n'est pas terminé et que de toute façon depuis que José a quitté la troupe il faut l'admettre tout semble s'effilocher.
L'un parle d'un retour sur Montpellier pour un poste d'enseignant-remplaçant, l'autre finalement de faire ce voyage vers la Pologne de ses aînés et le troisième évoque Marie, la jeune stagiaire du pôle culturel qu'il a rencontrée hier.
Demain soir après le spectacle, on abandonnera le décor pour le centre aéré. La troupe se diluera dans les transports en commun, les périphériques et les trains vers la province.
L'hiver suivant le jet d'eau se brisera sous le gel d'un hiver rigoureux et le maire décidera au conseil municipal de le supprimer.
Mais toujours et encore dans le théâtre 71 de Malakoff des espoirs et des réalités oniriques de marionnettes continueront à fendre les paupières d'enfants de la ville.