vendredi 2 juillet 2010

47 + 3, Reina Sofia

Si Madrid compte beaucoup de merveilles architecturales (Torres Blancas), il faut affirmer que l'une des plus justes est sans aucun doute l'extension du Musée Reina Sofia par Jean Nouvel.
La greffe consiste en un corps étranger, défiant totalement l'intégration et proposant même, si j'ose dire, la déflagration.
Collés par l'espace, eh oui c'est possible, d'une place intérieure publique ménagée par l'architecte, les nouveaux bâtiments rouge et noir citent, à la fois par l'imposant auditorium et par les matériaux, l'industrie automobile et l'électroménager.
Mais ce qui pourrait, exprimé de la sorte, apparaître comme un défaut, une critique, tient ici du miracle tant l'ambition est grande et maintenue.
L'immense visière de casquette rouge percée de trous sur le ciel protège et signe le bâtiment. Elle se dégage aussi en permettant la création d'un des lieux architecturaux les plus émouvants : la terrasse.
Il faut aller là.
On comprend le génie de l'architecte tout particulièrement dans cet espace entre ciel et ville, nous offrant une compréhension du tissu urbain madrilène, la certitude que l'architecte aime la ville et la donne à voir, la révèle.
Vous passerez par un corridor de tôles ondulée en arrivant de l'ascenseur. Il vous faudra descendre dans ce tube aveugle pour que soudain s'ouvre puissamment la ville et l'espace d'un coup fort et émouvant.
Et tout se mêle dans une féerie (oui) de transparences, d'opacités et de reflets jouant la déstabilisation totale, accordant luxe et pauvreté des matériaux en une alternance inventive. Là aussi se révèle l'échelle et la taille du bâtiment, ses canyons de métal vernis et laqués de rouge.
On voit.
Je veux dire que la vue est le sens premier, celui sur lequel Monsieur Nouvel à tout misé : couleur, jeux d'ombres insensés, grilles, lignes et plans.
L'œil cherche parfois sa marche et ses appuis et les reflets renversés de la ville pris dans le rouge du toit déstabilisent encore comme des écrans de projection.
Au sol la place publique nous place devant des panneaux démesurés qui reçoivent les ombres comme des peintures abstraites et la bibliothèque protégée dans un trou devient un spectacle.
Ne pas oublier d'aller dans la somptueuse cafétéria, aménagée à l'envi, dont le spectacle est assuré par le dos de l'auditorium et par l'impossibilité de se savoir dedans ou dehors tant la confusion magnifique est habile.
Et surtout il y a l'espace. Comment sur une parcelle l'architecte réussit ainsi à non pas remplir mais ouvrir est remarquable. Il offre de la ville. La place est libre ouverte à tous. On peut ici venir à l'abri des automobiles, leur échapper, on peut aussi sur la terrasse en faire un spectacle.