mardi 16 février 2010

Claude Parent expose aussi là

Une nouvelle fois, un but et une dérive.
le but était d'aller voir les dessins de Claude Parent à la Galerie Natalie Seroussi rue de Seine.
Ce but fut facilement atteint.
De grands signes noirs à la fois expressifs et maîtrisés voire réglés alimentent la surface blanche du papier en ombres, sols et espaces.
Parfois on se perd suivant une courbe tendue, parfois une silhouette minuscule vous ramène à l'échelle : gigantesque.
Car il ne s'agit pas là de délires graphiques gratuits dont seule la beauté équilibrée pourrait suffire mais bien de projets d'architecte, de constructions. Et on chemine ici suivant un chemin inattendu mais jouissif, comme on le fait parfois d'une colline à une autre en croyant que le chemin le plus court c'est l'oeil qui nous l'indique.
Et la bâtisse immense comme un plan, visible à la fois en coupe et à vol d'avion, arrive même à se parer des épaisseurs et des jus d'encre noire parfois transparente nous disant, si on est attentif, le cheminement sans reprise d'un pinceau sûr de lui car conduit pour bâtir un rêve. Et c'est sérieux, c'est solide.
Ça tient le mur de la galerie. Les entrelacs jadis de l'oblique ici s'accordent en boucle et ville bouclier dans des offensives parfois plus fortes que les défensives. Des plis et des dégringolades, des grottes profondes et des promontoires s'ordonnent sous une main franche pour nous éveiller.
Il ne faut pas avoir peur, ces villes qui se défendent n'ont rien à craindre pour le moment. Il faut espérer que cette prémonition défensive de l'architecte ne soit encore qu'un songe car si, un jour nous avons besoin d'un plan, nous pourrions bien y voir là une fois encore l'acuité formidable de Claude Parent.
Une dérive maintenant :
Je n'ai photographié de mémoire que la tour Montparnasse somptueuse à contre-jour, que des éclats rectilignes de soleil dans les vitrines et les sas fumeur des étudiants sur les trottoirs ordonnant la marche d'haleines fétides de tabac froid.
Et puis la ville, la foule des touristes finalement joyeux devant Notre-Dame. Foules amoureuses que je traverse. Je suis si proches d'eux, à la fois toujours étonné de Paris et ravi de pouvoir encore m'y perdre.
Incroyable sensation tout à l'heure de me retrouver par hasard à un carrefour vu hier et enfin me dire : "je sais où je suis."
Si j'avais eu une carte postale, j'y aurais dessiné une croix.

sur place

Hier, dans une toute petite boutique de presse rue Monge j'ai acheté ça :



Elle n'a rien de spectaculaire cette carte postale mais je l'aime bien.
D'abord et avant tout parce que pour la première fois, j'ai vu les arènes de Paris, par hasard d'ailleurs. Cela faisait longtemps que je me disais qu'il me faudrait y faire un tour. L'espace est superbe, calme, et permet d'observer les dos des immeubles, joyeux bordel formel fait de cages d'escaliers, de murs aveugles et de fenêtres semblant répondre à un ordre inconnu. Par ce froid, personne, mais j'imagine les partie de foot, les courses de vélo qui auront remplacé les jeux du cirque !
Surtout ce qui m'impressionne toujours c'est le silence tombé sur ce lieu pendant des centaines d'années. Puis l'espace ré-ouvert perdant sa fonction d'origine, il revient dans la ville avec immédiatement sa reconnaissance et son usage. En sera-t-il de même pour nos centres commerciaux, parking et autres piscines ?
Mais si je regarde cette carte postale qui a du passer une bonne vingtaine d'années sur son tourniquet avant que je la choisisse, au fond on aperçoit l'un des plus beaux bâtiments parisiens : la tour Jussieu.



D'ailleurs l'éditeur GUY nous l'indique au verso, signe de son intérêt et aussi de la jubilation du collage entre l'un des plus vieux monuments parisiens et l 'un des plus modernes. Dans sa discrétion presque floue, dans sa solitude sur l'horizon ouvert au creux d'une forêt urbaine, j'aime la voir surgir ainsi droite, fière, presque hautaine. Nous la devons, comme celle que nous avons vue hier à Monsieur Edouard Albert.