samedi 3 octobre 2009

des archétypes de la carte postale de banlieue

Voici trois cartes postales de Montreuil et tout particulièrement du quartier du Bel-Air.
Trois cartes postales chez le même éditeur Raymon qui publia énormément de cartes postales de la banlieue.
Ces cartes postales sont typiques de ce genre de production. On y voit les nouveaux quartiers photographiés simplement, à hauteur d'homme mettant au service des futurs acheteurs une image dans laquelle ils se retrouveront.
Descriptives oui mais aussi j'ai envie de dire amicales.
Le point de vue n'accuse pas l'ampleur des bâtiments mais se met un peu en recul, pour ne pas sentir d'écrasement et aussi, très pratiquement pour avoir le bâtiment dans sa totalité. Ainsi on remarque les espaces souvent très vastes au pied des immeubles mis en valeur, espaces qui créent des perspectives et des ouvertures généreuses.
Par exemple, si nous regardons cela :



Au premier plan le photographe cale un immeuble à sa gauche, nous offrant ainsi des détails de la façade nous permettant de lire sa fabrication. Il laisse au centre une trouée, un canyon dans lequel va venir se loger la succession des opérations immobilières jusqu'à la très haute tour au fond apparaissant ici d'une échelle bien tranquille. Puis à droite à nouveau un immeuble plus bas et rappelant celui de gauche. Cela constitue un cheminement visuel qui permet de penser que l'on peut ici se promener, déambuler sans obstacle. Pas de voiture, juste une silhouette féminine un peu loin. Un panneau de propriété privée nous invite à rester à l'extérieur alors que l'espace est totalement ouvert...
Voyez :


Cette vue de l'église Notre-Dame des Foyers à l'identique nous met d'abord devant l'espace vide du jardin. Puis l'église et enfin en fond comme un écran l'immeuble-barre qui doit être celui que nous venons de voir. Là aussi, le photographe choisit de situer l'église dans son quartier, ne serrant pas son sujet et le laissant ainsi respirer dans son espace. Pourtant l'église n'est pas totalement une réussite et seul son campanile encore vide de cloche nous indique la destination de l'édifice posé sur une estrade d'escaliers certainement pour signaler son caractère particulier et aussi peut-être pour dégager au sous-sol un espace utile. (utile à quoi ?)
Le landau abandonné là attend sans crainte la mère ou le père parti dans l'église.



J'aime la solitude de cet objet dans une ville là encore bien vide. Personne...
J'arrive à la loupe à saisir pourtant sur deux balcons deux silhouettes qui se parlent et aussi l'encombrement des pots de fleurs et des sèche-linge.


Mais je ne sais pourquoi je m'attache aussi sur cette parcelle de terre fraîchement retournée. J'aime toujours cela quand en ville, à cause de travaux par exemple, la terre remonte à nos yeux, parfois si proche, brutale et primitive.


Sur la dernière carte postale de la série, il se passe ce pourquoi finalement ce type de carte est fabriquée.
La situation.
Dans la grille pourvoir dire où nous vivons à ceux qui reçoivent l'image. Ici c'est simplement un coup de stylo bille désireux de montrer mais aussi, prudent ne voulant pas trop avec l'inscription abîmer l'image.
Le compromis est toujours difficile et entre discrétion et visibilité le signe choisi prend alors un sens particulier.


Là, dans ce cas, deux points bleus parfaitement émouvants et sensibles. Au dos, une maman fait semblant que sa fille écrit à sa marraine et de sa belle écriture signale que la petite fille au moment des récréations, sous la surveillance de Chantal peut apercevoir sa maman sur le balcon.
Renversement des positions et de la fiction, la mère se place comme sa fille en bas de l'immeuble et se regarde regardant sa fille.
Cela me pousse une nouvelle fois à glisser œil sous la loupe et, là , soudain je perçois bien un groupe d'enfants jouant au pied de l'immeuble. Vérité.



On peut aussi parler de la forme de ces cartes postales.
Il s'agit de clichés en noir et blanc colorisés à renfort de trames en tons pastels qui ont du mal à recouvrir le gris.
Mais ce n'est pas triste cette manière, juste un peu étrange. Personne n'était à l'époque, je crois, dupe et savait bien qu'il s'agissait d'un faux-semblant de couleur mais on jouait avec. Les pochoirs décalés et les tons se mêlant les uns les autres ne pouvaient entamer l'enthousiasme d'une joie de vivre dans du neuf, du pratique, du moderne. Alors même si l'image ment un peu, ce qui compte finalement c'est que Pépé et Mémé soient tranquilles.
Les enfants habitent bel et bien quelque part et ce lieu mérite une image.
Tous le monde est rassuré et les enfants grandiront là.

les architectes sont messieurs Leroy et Faure.