Premier exemple avec ce petit livre de Andrée Clair et Bernadette Després qui s'appelle Nicole au quinzième étage.
Ce livre fut édité en 1969.
D'abord je fus séduit par son dessin , ses qualités graphiques. Bernadette Després joue la proximité avec un dessin d'enfant, une naïveté très construite qui s'amuse tout particulièrement de la hauteur de la tour en nous proposant des plongées et contre-plongées d'une belle facture.
C'est aussi un livre très "blanc" laissant beaucoup d'espace à la page et ne fermant pas son dessin dans une surcharge matérialiste. La ligne est en avant.
Mais ce qui est très intéressant dans ce livre c'est bien aussi la position des auteurs vis-à-vis de ce genre d'objets architecturaux. Ici pas de doute il s'agit d'une ode aux nouveaux ensembles. La petite fille Nicole quitte son appartement serré dans une cour fermée pour gagner en confort (moderne) dans son nouveau logement. On imagine le nombre d'enfants ayant eu ce livre pour admettre le déménagement vers les nouveaux quartiers !
Mais finalement, c'est assez juste. Le ton est simple, les avantages du nouveau logement sont bien expliqués même si la maman reste un peu une maman modèle. On a même droit à un plan du logement ! Il faudrait retrouver le modèle !
La petite Nicole regarde le monde depuis son nouveau point de vue en hauteur et semble bien profiter des effets visuels. La nuit qui tombe par les fenêtres de sa chambre ressemble bien à celle de Van Gogh !
Un autre exemple qui contrarie un peu le premier.
Il s'agit du livre La Tour part en voyage de Jean Garonnaire.
Le parti-pris est très différent car ici c'est la tour elle-même qui est l'héroïne de l'histoire. Elle devient un personnage qui exprime ses désirs. Et quoi ?
Son désir c'est de... quitter la ville et les autres constructions parce que vraiment la ville ce n'est pas bien.
Les enfants au pied de la tour sont enfermés derrière des grilles et il n'y a pas de nature...
Pour partir, c'est drôle, la tour demande aux voitures de l'emmener dans la campagne !
Au milieu de la forêt le jour se lève enfin, les habitants de la tour se réveillent, c'est merveilleux partout la nature, les animaux et puis les habitants mettent des rideaux avec des couleurs...
On est en 1974...
On pourra rire un peu (beaucoup) de cette image de la tour d'habitation. D'ailleurs le dessin lui-même de la tour est vraiment pathétique mais enfin Jean Garonnaire ne fait qu'exprimer d'une certaine manière le désir d'idéal de certains architectes réfléchissant sur la manière de faire jouer nature et construction. Dommage que cela passe par une histoire aussi... poétique !
Il ne manquait pas pourtant à l'époque d'exemples à mettre en avant d'architectures jouant une relation étroite entre paysage, nature et jardin.
Et puis à la dernière page l'auteur nous apprend que : ..."des plantes se sont accrochées partout à son béton et la font paraître plus jolie..."
"...les papas vont toujours travailler mais en voiture c'est vite fait (sic !), et le soir ils sont contents d'entendre chanter les oiseaux et de sentir les fleurs."
On remarque deux choses : les autos sont l'instrument libérateur de l'architecture vers la nature (!) et les antennes de télévision restent tout de même accrochées au sommet de la tour une fois celle-ci à la campagne !
Donc... pas si libérateur que cela...
Une époque je vous dis, tout une époque...
Voici pour finir la tour libérée !