jeudi 11 août 2011

un livre important : le temps des églises mobiles



En octobre 2008, je vous faisais part de la très belle thèse de Monsieur Pierre Lebrun sur la construction des églises pendant les trente glorieuses.
Aujourd'hui cette thèse a fait l'objet d'une édition sous la forme d'un livre qui mérite notre attention.
Je dois ici remercier tout de suite Valérie Herran, une fidèle parmi les fidèles de ce blog pour m'avoir envoyé l'ouvrage que j'ai lu toutes affaires cessantes.
On y retrouve tous les aspects de la thèse dans une écriture limpide. On ne s'ennuie pas tant les informations sont nombreuses, parfaitement documentées.
Ce qui semble le plus particulier dans cet ouvrage c'est la place que l'auteur accorde aux expériences de disparition d'une certaine forme d'ouvrages architecturaux par trop monumentaux et agités au profit d'œuvres plus modestes, plus discrètes mais néanmoins souvent subtiles dans leurs constructions qui tentent le "multi-service" religieux, un œcuménisme polyvalent !
C'est absolument passionnant comme question pour ce blog qui vous donne souvent à voir effectivement des églises qui sont soit des exploits formels soit au contraire des hangars pour la Foi.
Vous pouvez vous rappeler ceci ou bien cela ou encore ça !
On sent bien que la mobilité nouvelle des paroissiens, l'avenir incertain de leur nombre et de leur localisation et l'évolution probable des mœurs religieuses argumentent des constructions plus sereines qui vont à l'encontre par exemple de Ronchamp.
Fondre le lieu de culte dans la vie, en faire un événement important mais pas figé sur le sol furent des voies de recherches parfois hardies et extrêmement modernes comme l'expérience d'une église gonflable par Hans-Walter Müller à Montigny-lès-Cormeilles.
Pourtant Pierre Lebrun termine son livre par l'expérience de Sainte Bernadette du Banlay de messieurs Parent et Virilio. L'analyse en est solide.
Je ne peux donc que vous conseiller vivement ce livre qui déborde les questionnements des seuls gens de Foi.
Il s'agit d'architecture, d'urbanisme, de programmes et de questions essentielles comme la pérennité ou l'éphémère d'une construction.

Comme je vous sais gourmand(e), je vous propose par exemple cette église de Creil dans l'Oise par Monsieur Prioleau architecte.


Pierre Lebrun en fait une analyse complète dans son ouvrage qui nous dit combien une carte postale tout en étant souvent une sorte de porte d'entrée pour la découverte d'un lieu ne peut remplacer la visite de celui-ci.
La carte postale Combier nous donne également les noms des sculpteurs, Messieurs Zaco Léon et Kozppelin Philippe.
Mais un indice sur cette carte postale nous révèle bien cet édifice.
C'est la modestie de la croix sur le très beau porte-à-faux de l'entrée.
Cette modestie du signe religieux est à la hauteur de l'ensemble d'une grande rigueur constructive.
Alors si vous voulez connaître les autres particularités de cet édifice, plongez-vous rapidement dans le livre de Pierre Lebrun.

le temps des églises mobiles
l'architecture religieuse des trente glorieuses.
Pierre Le brun
Collection Archigraphy, édition Infolio.

Présence Urbaine : une collection.

Par le biais de mon désir de partager avec vous l'une de mes architectures parisiennes préférées, je découvre une maison d'édition de cartes postales modernes : collection Présence Urbaine.
Voici la carte postale, voici l'objet architectural :


Pour le bâtiment vous aurez tous reconnu le superbe Palais Omnisports de Paris-Bercy qui demeure donc l'une des pièces maîtresses du travail de messieurs Andrault et Parat que j'aime tant.
Et je trouve que cette carte postale par son cadrage lui rend un hommage bien senti même si l'abstraction un rien trop poussée ne nous donne pas de lecture de l'objet. Mais je crois que cela n'est pas un reproche possible tant les architectes ont fondé eux-mêmes cette sensation pour leur construction en troublant même le jeu de l'élévation par le recouvrement du bâtiment par du gazon...
Cette colline artificielle, cette pyramide végétalisée, temple dédié à la réunion d'un public avide de spectacles, est un spectacle elle aussi qui sait rendre mystérieuse son identification.
Mais revenons à la carte postale.
L'audace (relative) du cadrage, la présence de bords blancs sur le recto et tout un ensemble d'inscriptions sur le verso placent cette carte postale dans un registre bien particulier : la carte postale de création.
Au dos en effet les termes la photographie contemporaine de luxe (sic), Collection Présence Urbaine et même Perfect Design nous indiquent qu'il est question d'un autre type de regard sur l'architecture et sur la carte postale. Il s'agit bien d'une ambition de différenciation, d'une mise à l'écart du tout-venant de la carte postale, d'une échappatoire au cliché.
On perçoit cela également avec la précision sur l'objet photographique car le photographe est cité comme un artiste : Philippe Etienne.
Et également les noms de nos architectes : Pierre Parat et Michel Andrault.
Mais ce type de précisions est également visible sur des cartes postales plus... traditionnelles.
Il n'empêche qu'il y a bien ici une volonté de faire si ce n'est une œuvre au moins un objet identifié comme "artistique" et "original" et même "luxueux" comme cela est inscrit.
On pourrait s'amuser de cette volonté naïve mais enfin, on peut tout aussi bien se réjouir de cet effort de qualité car, oui, elle est belle cette carte postale.
Belle ici veut dire qu'elle dit un regard particulier et inédit sur la construction, qu'elle le dit dans une qualité éditoriale poussée et offre finalement un point de vue non pas particulièrement original mais un point de vue... édité (re-présenté) !
Il va de soi qu'il faudrait pour tirer une conclusion encore plus grande sur cette édition connaître les autres cartes postales de la collection Présence Urbaine dont d'ailleurs le titre est bien choisi.
Est-ce une spécialisation sur les architectures modernes ? Sur un regard de biais sur des objets architecturaux originaux et peu diffusés en cartes postales ? Est-ce une proposition arty de cartes postales moins vulgaires ?
Philippe Etienne est-il le seul photographe de ce collectif ?
On connaît les travaux des éditions Prestige qui, dans la même période tentaient avec succès une remise en question de l'objet carte postale, serions-nous avec les éditions collection Présence Urbaine devant le même type de réflexion ?
Beaucoup de questions, je sais !
Mais internet est plein de réponses et il va de soi que bientôt Philippe Etienne nous les donnera !
Pour une fois je vous présente le verso de la carte postale. Regardez le choix de typo et la réponse au jeu.


Et puis comme pour prouver la différence ténue entre la carte postale qui se veut artistique et celle qui rend compte de l'existant, voici une édition Lyon :


Est-ce que ce cadrage démérite ? Est-ce que la qualité éditoriale est plus pauvre ?
Non.
Au dos figurent également les noms des architectes et le nom du photographe : Luc Nemeth.
Il a fait un beau travail en allant chercher le jeu magnifique des escaliers devant la pyramide. Il a su donner toutes les informations importantes sur la construction en cadrant à la fois, les escaliers donc, la structure métallique de Jean Prouvé, les magnifiques et puissants points d'appui en béton et évidemment les pentes de gazon.
Rien ne manque pour identifier le bâtiment, aucun signe de cette architecture n'est absent et pourtant son image est originale, serrée et même puissante.
Ce qui, malheureusement, la ramène dans le domaine d'une carte postale plus traditionnelle c'est l'inscription sur la photographie : Palais omnisports de Paris Bercy.
D'ailleurs dans une typo un rien ancienne mais là, je ne suis pas assez spécialisé pour affirmer son retard sur l'image.
Est-ce que Guillaume Grall peut nous aider ?
On remarque aussi que les deux photographes (les deux éditeurs surtout ?) choisissent une vue vide de visiteurs et de passants. Pourtant la photographie d'architecture gagne souvent à voir fonctionner la construction avec son public.
Certainement, dans les deux cas, un désir de pureté formelle qui d'ailleurs ici fonctionne parfaitement.
Alors encore une fois, la leçon des éditeurs est donnée. Le mystère de la photographie d'architecture errant entre objectivité et subjectivité reste entier.
Car, je crois bien qu'à la différence des Becher ni Philippe Etienne, ni Luc Nemeth n'ont arraché d'arbres pour prendre leurs clichés...
Peut-être ont-ils tous deux passé un coup de tondeuse...


PS : vous aurez sans doute remarqué que de nombreuses cartes postales de ce blog sont des réponses à des jeux concours télévisés ou radiophoniques.
Si quelqu'un connaît la piste qui fait revenir ces cartes postales dans les classeurs des collectionneurs...
J'ai volontairement effacé les noms des correspondants.