mardi 15 février 2011

une bible... communiste ?




Je reçois ce matin un livre que j'attendais depuis longtemps, depuis en fait que j'avais découvert les photographies de Frédéric Chaubin dans une revue de mode.
Ce livre CCCP, Cosmic communist constructions photographed est pour les amateurs de brutalisme architectural et de fantaisies monstrueuses une sorte de bible.
Chaque page est l'occasion de rester bouche bée, incrédule, et nous met au bord de la crise de nerfs tant la jubilation et l'émerveillement sont grands.
Les édifices sont rangés par catégories et on parcourt ainsi le vaste empire soviétique à la rencontre de constructions réellement effrayantes, subjuguantes comme le sont souvent les monstres.
Nous en avions déjà évoqué quelques-uns ici, ici ou encore ici.
Mais l'autre découverte c'est aussi la grande poésie de certaines constructions qui offrent une liberté formelle, décorative et inventive très surprenante.
Les photographies de Monsieur Chaubin sont d'un registre documentaire simple et mettent parfaitement en avant la sensation de rencontre. Pas d'effet, pas de jeux artistiques mais pas non plus de dureté froide, d'objectivité vaine et cynique.
On est ainsi parfois les pieds dans la neige devant la réalité du désastre avec des contre-jours et même des reflets sur les vitres.
Tout cela rend le voyage abordable, nous donne l'incroyable sensation de le suivre comme si nous étions derrière lui à chaque instant, surpris et heureux de rencontrer les lieux pour ce qu'ils sont aujourd'hui.
C'est aussi la qualité de ce livre qui n'est pas seulement un livre d'images et sa préface nous offre une analyse et une critique historique bien senties.
Deux très petits regrets : des photographies vraiment coupées en deux par la mise en page et un index des architectes manquant.
Mais... cela n'est vraiment rien et ce livre est sans aucun doute un événement, un de ces ouvrages qui font date, que l'on se doit d'avoir parce qu'il est bien plus qu'un constat, presque l'invention d'un genre.
Alors je cherche dans ma collection quelques points communs avec l'ouvrage de Monsieur Chaubin et j'en trouve, grande honte, finalement très peu !
Alors on n'hésite pas et on se fait ce cadeau car en plus c'est un livre tout à fait abordable car édité par Taschen. Vite, comme moi commandez-le !
Voici :
on peut sur une carte faire aussi le voyage.

le ministère géorgien des autoroutes :

le Palais des Nations de Tachkent et sa carte postale :



le nouveau musée du Fort IX en Lituanie, cela doit vous rappeler quelqu'un...

le terminal portuaire de Leningrad et ses cartes postales :



le théâtre dramatique Fiodor Dostoïevski, Veliky Novgorod :

le parc de loisirs à Douchanbé qui aussi nous rappelle quelque chose...

l'hôtel "Ouzbékistan", Tachkent :

un mémorial en Lituanie :

lundi 14 février 2011

la Réserve de Patricia



Patricia qui enseigne l'anglais à de futurs jeunes architectes m'a offert il y a peu cette très belle photographie de la Réserve à Agadir au Maroc.
Il ne s'agit donc pas d'une carte postale.
On y voit un superbe bâtiment tout en courbes posé sur la plage grâce à de magnifiques pilotis.
C'est d'une grande beauté lyrique que je trouve bien brésilienne.
Mais je n'avais aucune information sur cet objet architectural.
On remarquera tout de même la très belle qualité du document à la photographie équilibrée.
Il me fallait apprendre.
J'ai donc entrepris de trouver une carte postale de ce lieu et cela fut fait :


Cette carte postale Cap en Real-Photo et Bromocolor nous dit bien également que nous sommes à la Réserve à Agadir et... et... et... nous donne les noms des architectes !
Messieurs Duhon et Bassières.
Mais cela ne nous dit pas la fonction de la construction.
Un restaurant ? Un bar ?
Un club-house pour les marins chics ?
Mais la transparence de la façade nous permet de pénétrer le bâtiment et d'y voir là aussi de bien belles choses...


Dans un numéro d'Architecture d'Aujourd'hui de septembre 1955, je trouve deux hôtels dessinés par Monsieur Duhon.
C'est bien dans l'époque.
C'est franc, moderne et blanc.
Voyez :








Nous nous rappelons également que Mr Duhon et Mr Zevaco ont travaillé ensemble : rappelez-vous cela ici.

dimanche 13 février 2011

Le Corbusier concret


Comme pour le message précédent : une forme de symétrie.
Il semble que l'architecture de Le Corbusier pousse les photographes à couper leurs images en deux. Ici nous sommes à Rezé-lès-Nantes dans la maison radieuse et comme nous l'indique la carte postale Gaby plus précisément dans la chambre des enfants.
Oui..
C'est un peu... dur.
On pourrait sans difficulté se croire soit dans la cabine un peu grande d'un bateau, soit dans une chambre d'internat ou de résidence universitaire.
D'abord l'espace semble parfaitement symétrique avec une égalité de surface gauche-droite accentuée par la cloison coulissante un rien fine.
Personne n'habite là c'est évident.
Rien ne traîne, rien ne remplit les meubles et les lits ne sont couverts que d'un couvre-lit au motif très 50.
On ne peut pas bien saisir si la partie de droite est aussi une chambre ou s'il s'agit d'une banquette. Imaginons trois personnes, trois enfants dans un tel espace...
Oui c'est possible.
L'un est sur le toit en train de courir avec ses camarades.
L'autre est dans la rue intérieure et fait des courses pour le repas du soir.
Le troisième est en bas de l'immeuble et observe timidement la voisine du quatrième étage. C'est le plus âgé, il a la chambre de gauche.
Finalement le soir, ce dernier ferme la cloison et fait ses devoirs pendant que les deux autres juchés sur leur lit lisent l'île au trésor et le dernier numéro du journal de Tintin.
Parfois cela se chamaille un peu mais il suffit au grand frère d'entrouvrir la cloison, de balancer un coussin sur ses frères pour obtenir à nouveau un semblant de silence.
De toute manière, il part en apprentissage à Nantes aux Chantiers navals l'année prochaine.
Et puis partout une belle lumière inonde la chambre.
Pas de papier peint, pas de tapis, une sorte de tranquillité formelle, presque un abandon décoratif.
Regardez comme le dessin des lits est incroyablement simple et beau.
Cette carte postale est bien aussi une carte témoin comme je crois qu'il s'agit d'un appartement témoin. Un lieu laissé vide pour les visites des futurs locataires et des curieux.
Je pense qu'aujourd'hui cet endroit doit être habité, rempli, décoré.
Des trous de punaises pour des posters des Spice Girl, des chaussettes sous les lits, des briques de Lego sur l'armoire.
C'est normal.
C'est concret.
C'est la vie.

Il faut noter que le nom de Le Corbusier n'est pas donné par l'éditeur.

samedi 12 février 2011

Le Corbusier abstrait



Nous voici de retour à Ronchamp, chez Le Corbusier.
Et voici une carte postale éditée par la Société Immobilière de Notre Dame du Haut.
Nous avons déjà publié cet éditeur de cartes postales et une nouvelle fois ici ce qui est surprenant c'est la très grande qualité du document.
Qualité qui place cette carte postale autant du côté du champ documentaire que du champ artistique.
Le cadrage d'une grande beauté plastique et d'une grande radicalité formelle dépouille le bâtiment jusqu'à son essence même.
Dans une approche presque intime avec la surface du mur, le (la ?) photographe coupe par la verticale l'image en deux comme avec une lame.
Laissant à gauche la blancheur d'un crépi épais descendant tout droit et à droite une courbe au sol, celle de l'estrade, il installe au fond le seul volume architectural reconnu : la chaire du prêtre pour les cérémonies en plein air.
L'ensemble des masses compose ainsi une abstraction dont finalement seul, dans un flou à l'horizon net, le petit morceau de paysage reste l'élément figuratif.
Mais une fois de plus comment déterminer qui décida de cette composition ?
Car s'il ne fait ici aucun doute que la prise de vue est une séquence possible d'une promenade à Ronchamp, on peut tout de même se demander si c'est l'architecte ou le regard sur son architecture qui produisent cette abstraction.
Le photographe est debout, il ne fait pas de manipulation particulière ni de torsion incroyable pour obtenir cette image. Il est dans une forme de "réalisme" de la rencontre avec Ronchamp. Autrement dit, il montre, à hauteur de regard de pèlerin, ce qu'il est possible de rencontrer et de comprendre de cette architecture.
Mais par définition, le cadre est limité et les angles droits aux quatre coins de la carte postale obligent à des choix.
Comment dire à celui qui n'a pas vu Ronchamp et comment permettre à celui qui l'a vu de se reconnaître en train de visiter ce lieu ?
Il s'agit bien là de la mission d'une carte postale.
Ronchamp est insaisissable par l'image tout simplement par ce qu'elle est une fabrique à images.
La complexité formelle de ses courbes, le jeu inouï de ses matériaux, les séquences de vides et de pleins en font une œuvre mouvante dont on ne peut saisir à son pied ni son plan ni son élévation comme il est impossible au promeneur sur un chemin inconnu de savoir à l'avance ce qui se trouve derrière la montée.
Et le Corbusier offre alors toujours comme des points nécessaires à un rétablissement de l'équilibre une forme géométrique simple permettant aux sens de se ressaisir et d'offrir au corps un lieu pour se tenir.
Qui osera me dire voyant cette carte postale que l'on peut ici comprendre l'espace réel du lieu ?
On ne peut que saisir ce désir de dessin et de composition, admettre que ce lieu est le lieu de cette expérimentation plastique exactement comme il est difficile en regardant la surface complexe d'un coquillage de deviner les courbes intérieures de son colimaçon.
C'est Ronchamp.
Mais il me reste aussi, devant la multitude des images éditées de Ronchamp, à dire que le photographe de cette carte postale a su au moins ne pas tricher. C'est dans cette honnêteté du regard qu'il a compris le lieu. Il se pose finalement au pied de la machine à images, ramasse les dessins de l'architecte en s'étonnant sans doute lui-même dans le cadre de son appareil d'une construction inventive permanente.
On pourrait nommer cela une photogénie.


jeudi 10 février 2011

Valérie Herran n'a pas résisté.

Valérie Herran est une lectrice assidue de ce blog et nous offre souvent des commentaires avisés sur les architectures modernes.
Hier, une jolie surprise postale m'attendait.
Dans une enveloppe à bulles un petit paquet de cartes postales envoyées par Valérie Herran firent ma joie matinale.
Je vous en propose quelques-unes.
On commence avec une carte postale à vues multiples très dans le courant Martin Parr. On voit et devine comment les éditeurs de cartes postales pouvaient mélanger les genres architecturaux pour tenter de cerner l'image d'une ville. Ici c'est Valence qui voit son "célèbre kiosque des amoureux de Peynet" associé au... supermarché Casino !
Il s'agit d'une édition Italcolor.


Viennent ensuite deux cartes postales de l'abbaye de la Rochette, Belmont-Tramonet, à Pont-de-Beauvoisin.



On perçoit assez mal l'ensemble mais on devine à ces détails que celui-ci tente de conjuguer un mélange de sobriété classique (arcades et matériaux) avec des élans modernes comme ce traitement d'entrée et ce pignon en béton (?) appelé le mur des cloches.
Les éditions Jansol nous donnent le nom de l'architecte : Monsieur Mauletti.
Je ne trouve rien sur internet ni dans mes ouvrages à propos de cet architecte.
Passons à la montagne :


Cette carte postale nous montre la station du Corbier.
On y retrouve sa barre assez belle et son tripode qui fait l'objet d'un court et dur article dans notre guide vénéré.


Il est étonnant d'ailleurs que le nom de l'architecte J.C. Bouillon ne soit nommé nulle part sur internet alors que son tripode vient d'être restauré par un autre architecte qui, lui, voit son nom très souvent donné : Monsieur Maucourt.


On trouve sur les sites de skieurs jugeant les stations de ski avec toutes les qualités requises qui sont les leurs cette phrase amusante : "Le Corbier, pour moi on peut pas faire pire.
Pour ce qui connaisse, je suis sur que Le Corbier c'est pour abréger le nom de
l'architecte le CORBusIER (c'est un gars qui voulait raser intégralement Paris dans les années 30 pour faire des grandes tours)"

Il s'agit certainement du complot international des architectes modernes... faites gaffe les mecs...
Il faut croire que la blancheur de la neige altère non seulement le regard mais aussi la faculté de jugement...
Le ski wahou c'est trop cool, fun, grave Mec....
Poursuivons...


Le Grau du Roi et ses floralies II qui pourraient bien être aussi de Mr Balladur. Si on retrouve sur la façade le jeu des courbes et contre-courbes, on ne peut s'empêcher de trouver cela juste un peu triste et bien moins marqué par la fantaisie joyeuse de la Grande Motte.
On s'en rapproche un peu plus avec cette carte postale multivues de Port Camargue et sa superbe capitainerie du port.



Encore un peu ?
Pour finir du très beau, du très classique :

L'hôtel de ville de Villeurbanne.
Nous reste à remercier pour ces beautés postales et cette promenade, Valérie Herran. Merci.
Me reste à bien tout ranger dans mes classeurs.

mercredi 9 février 2011

La Grande Motte depuis le ciel et sur la terre



Voici une carte postale de la Grande Motte encore en construction mais bien avancée tout de même. Il s'agit d'une édition SL expédiée en 1975.
A partir de cette vue nous allons tenter de situer d'autres cartes postales et nous amuser dans cette superbe ville à voler au-dessus des constructions et à descendre sur son sol.
Une promenade de nuit :


Cette très belle carte postale "MAR" nous montre la vie palpitante de la Grande Motte en soirée. Et je m'amuse des silhouettes regardant le port depuis le bacon éclairé.


Sur la carte précédente nous sommes ici :


Le lendemain matin.
Sur une petite langue de sable qui brise les vagues, les enfants chanceux vivent pleinement les joies d'une architecture moderniste et d'un soleil amical :


On aimera la ponctuation colorée des parasols formant une ligne défensive et des points de ralliement pour les enfants.
Nous sommes ici exactement et depuis cette vue la langue de sable est bien visible !


Reprenons le chemin vers la location.


Un regard en arrière vers la Grande Motte depuis l'arche du pont de bois suspendu.
On le retrouve bien ici et il ressemble à une énorme pince à linge !


Une vue malheureusement impossible aujourd'hui vu l'état d'abandon de ce lieu par la ville :


Il s'agit du Point Zéro que l'éditeur Théojac nomme rien moins que " La Nouvelle Floride française " !
Il faudra sans doute remettre ce lieu en l'état et le considérer un peu mieux. Il le mérite.
Pour finir avec la Grande Motte aujourd'hui, une carte postale un peu plus rare aux éditions Yvon, il s'agit du V.V.F et V.V.T.


On aperçoit ici un bungalow.
On regardera la très belle volumétrie et le choix rude des matériaux.
Qui est l'architecte ?
Certainement Monsieur Balladur à moins que....

mardi 8 février 2011

René Gagès à Berlin



Voici un exemple parfait pour dire combien on peut apprendre en regardant une carte postale.
J'ai acheté celle que vous voyez au début de cet article pour, vous vous en doutez, cet horizon pris dans une géométrie orthogonale.
Mais aussi pour la couleur.
Je veux dire que tout de suite ce qui m'étonna sur cette carte postale c'est le jaune vif et le rouge qui s'organisent sur ces immeubles.
Et puis l'énorme logo de la poste allemande sur fond jaune peint sur un bâtiment en bas de l'image qui passe au-dessus de la route.
En faisant des recherches, je tombe rapidement sur une multitude d'informations sur ce quartier de Berlin (car nous sommes à Berlin) ce quartier qui s'appelle Märkisches Viertel.
En fait il s'agit d'un énorme projet urbain de plusieurs milliers de logements.
Mais ce qui me trouble le plus c'est d'y retrouver un architecte que nous aimons bien sur ce blog : Monsieur René Gagès.
Nous lui devons entre autres la gare multimodale de Perrache à Lyon.
Voyez ma gare de triage sur cette page à droite.
Mais en regardant dans l'ouvrage consacré à René Gagès je trouve un article consacré à ce travail et quelques images.

cliquez pour lire !

Il me semble bien que là, dans ce détail de notre carte postale on retrouve l'un des immeubles de notre architecte français.


On pourra aussi grâce à un article publié dans Architecture d'Aujourd'hui en avril-mai 1972 sur ce Markisches Viertel sentir déjà quelques doutes.
On retrouve pourtant sans difficulté le nom de René Gagès et on est certain cette fois que ce détail est bien son dessin. Mais curieusement l'enquête du magazine ne lui donne pas la parole.

cliquez pour lire !


Le bâtiment visible directement à droite serait de Ludwig Leo.

René Gagès
Les chemins de la modernité
Pierre Madraga éditeur
1988

(merci Madame Gagès)