mardi 3 mars 2009

Palace


C'est pour ce genre de rencontre que je continue à fouiller dans les boîtes à chaussures.
Voici le Riyadh Palace Hotel.
Je n'ai pas beaucoup de renseignements, franchement rien. Mais c'est vraiment un dessin que j'aime. Un cylindre central aveugle articule deux barres écrans aux vitres fumées comme des lunettes de soleil de contre-bande. Ce marron foncé est si daté...
Puis, à chaque extrémité à nouveau deux cylindres ajourés à peine, presque une architecture de défense, des meurtrières. Les escaliers de secours sans aucun doute. C'est brutal et franc comme construction et comme dessin. On aimera également les pilotis très élevés et de base carrée comme si on n'avait pas fini de descendre la façade jusqu'au sol. La structure ici se donne à voir.
Pas de débauche de matériaux luxueux, pas de marbre en fine feuilles sur la surface. Le luxe se cache ailleurs, dans un service impeccable, une attention discrète au client. Du moins j'imagine.
J'imagine le silence des pneus des énormes limousines glissant sur un parvis ombragé.
J'imagine.
Ce bâtiment pourrait être une sous-préfecture, un centre bancaire, un palais de justice n'importe où.
Il baigne pourtant dans un air surchauffé en Arabie du Sud.
International.
La carte postale n'est pas datée, elle nous indique : Saudi Hotel Services Company. Riyadh palace Hotel P.O box 2691 Riyadh Saudi Arabia telephone 4012644 telex 200312 Kasser SJ
Si vous vouliez y réserver une chambre...

axe majeur plié


J'aime les livres à systèmes que l'on appelle parfois pop-hop.
J'aime l'architecture.
J'aime les villes nouvelles.
J'aime la sculpture contemporaine.
Donc : j'aime ce livre que je reçois ce jour.
Etrange publication éditée par l'Etablissement Public d'Aménagement de Cergy-Pontoise en 1992, ce livre se déploie et nous donne à voir, à la manière de nos livres d'enfance, l'Axe Majeur dessiné par Dani Karavan à Cergy-Pontoise.
Il s'agit certainement là encore d'un ouvrage promotionnel. C'est en tout cas un bel objet éditorial mettant en balance à la fois la monumentalité de l'œuvre et la fragilité extrême du livre à systèmes.




 
Déplié on est en avion au dessus de 1m (!) de paysage. C'est tout bonnement spectaculaire. Je connais mal l'œuvre de Dani Karavan, je veux dire de visu (de visée).
Pourtant Cergy n'est pas loin. ma visite de son site me permet de comprendre un peu mieux son univers formel très orienté vers des bases géométriques alliant puissance, cheminement, point de vue et monumentalité.
Il fait des monuments. Moins des sculptures. 
Il me faudra parcourir cet Axe Majeur bientôt.


Je trouve dans ma collection bien rangée maintenant une carte postale de Cergy-St-Christophe nous montrant un coucher de soleil sur l'Axe Majeur. Cette carte lyna est une photographie de Paul Viard qui a su mettre en scène l'inscription astronomique de l'œuvre de Karavan. Nous sommes sur la trace des Aztèques, des Indes ou encore de Stonehenge ou la cosmogonie rejoint l'espace sous les pieds. Impressionnant. Il me faudra vérifier si cet alignement céleste et terrien a lieu tous les jours et à quelle heure...


En attendant je tente une reconstitution où le soleil est une lampe de poche.
Je vous rappelle que l'architecture est de Ricardo Bofill. Il semble que là, dans cette rencontre avec Karavan un ensemble incroyable d'influences se soient rencontrées : le jardin à la française (à l'italienne donc) revisté façon New-Age dans une remarquable piste d'atterrissage pour soucoupe volante.
Mais je suis trop sarcastique peut-être et je ne suis pas certain de savoir quoi faire de ce genre de travail, à la fois remarquablement spectaculaire et grandiose et totalement épuisé par justement ce trop grand sens d'une métrique spirituelle qui m'exaspère un peu. Comme on disait dans les années 80 : too much. Mais reste l'incroyable monument à Walter Benjamin en Espagne et le magnifique monument aux morts de la Brigade Neguev à Beersheba.
www.danikaravan.com/ 

http://www.cergypontoise.fr/sortir/axemajeur/site.php

samedi 28 février 2009

Cartes postales de New York, une collection d'architecte


Je reçois ce jour "New York, 1850-1950" aux éditions Acte Sud. 
Il s'agit de la collection de cartes postales de Monsieur Italo Rota architecte. C'est donc pour ce blog très intéressant. 
Dans la préface l'architecte nous parle de la constitution d'une iconographie new-yorkaise, de la manière dont  l'image influence la ville et la construit en chacun d'entre nous comme un lieu imaginaire, vocabulaire pour le cinéma et la littérature.
 Voir New York serait voir des images de New York, une des rares villes au monde où finalement l'expérience réelle de son parcours serait moins la ville elle-même que le phantasme construit par juxtaposition de ses images. En fait, et par expérience, voir New York c'est en reconnaître ses images.
Italo Rota nous parle peu de la constitution de cette collection, il ne nous dit rien de ses choix, à peine aborde-t-il le classement opéré dans l'ouvrage. On ne saura rien de la manière dont cela a pu constituer un modèle pour son propre travail. (La couleur ? Le factice ? Le point de vue ?) Cela le place entre les "Boring Postcard" de Martin Parr et "Postcard Century" de Tom Phillips mais pas du côté de Rem Koolhaas et de son "New York délires".
On appréciera à la fin de l'ouvrage la liste des lieux, les nom des architectes et les dates de construction, ce qui agit comme un guide de voyage. On regrettera lourdement la mise en page qui coupe les cartes postales en deux par la reliure, les agrandissements qui sectionnent également les images, il aurait été si simple (trop ?) avec le même format de laisser à leur échelle ces cartes postales et de les imprimer une à une et page à page. C'est incompréhensible.
Mais c'est tout de même un très beau livre dont on aime la masse, le papier et la très belle qualité d'impression et son prix abordable.
Le livre fut publié en 2000.


J'ai cherché dans ma collection des cartes postales communes avec le livre. Page 114 apparaît le Lincoln Center que je compare immédiatement avec une carte postale, c'est assez étonnant mais il semble bien qu'il s'agisse de la même image retravaillée. Les voitures sont à la même place mais semblent avoir été redessinées pour paraître plus actuelles. Plus étonnant encore ma carte postale est une production française ! Au verso apparaît la mention made in France... Retour au pays donc pour cette image expédiée vers Laigueville dans l'Oise en 1935. L'éditeur est bien américain, il s'agit de la Manhattan Card Pub. Co de New York city. L'ouvrage nous indique que l'architecte de ce bâtiment est R.H Robertson et qu'il fut construit en 1890 ! Il semble qu'il y ait une confusion entre celui reproduit et celui qui est bien attribué à Robertson.
Celui de la carte postale et du livre est bel et bien de J.E.R Carpenter. On retrouve d'ailleurs cette information et des cartes postales sur ce très beau site :
">

Voilà qui est réparé mais qui n'est pas rassurant quant à la validité des informations du livre d' Italo Rota.


Dans ma collection je trouve le Woolworth Building chez MP Co éditeur. Pas de date, l'immeuble fut bâti en 1913 par Cass Gilbert. Information vérifiée !



Voici le Chrysler Building. Une merveille.



Mais regardons bien ces deux cartes postales et notamment le dessin de la flèche. On perçoit nettement une différence entre les deux images. Je crois que nous tenons là une image d'avant la construction et une image du bâtiment tel qu'il est aujourd'hui, même la grille des ouvertures est différente. On se régalera du grand ciel vidé de la concurrence sur l'image interprétée et de la réalité de l'urbanisation sur l'image prise du ciel. Rappelons que l'architecte est William Van Alen en 1930.





mardi 24 février 2009

un Solex, un hôtel, un Tati




Rapidement et parce qu'une fois de plus je trouve d'excellentes informations sur le blog de Joachim, je vous soumets des petites gourmandises sans prétention, quelque chose comme une guimauve qui n'en finit pas de tomber et qui n'en finit pas d'être secourue par Monsieur Hulot.
D'abord un Solex, celui de cette dame en pleine vitesse tendant le bras à gauche toute (un signe des temps ?).
Elle circule dans les rue de Gennevilliers, dans le quartier des Agnettes (3000 logements), la première tranche, comme nous l'indique cette carte postale.


Voici maintenant l'hôtel de la plage où j'ai séjourné en 1993. C'est celui des Vacances de monsieur Hulot un peu transformé depuis le film. Je n'y ai rien retrouvé du film à part les quelques affiches de film de Tati, une certaine ambiance familiale et les rochers sur la plage. Nous avions fait la route depuis la Normandie dans ma superbe Renault 10 de 1967 que je venais tout juste d'acquérir.


Me voici photographié par Jeannette, 86 ans à ce moment. Je tiens beaucoup à cette image parce que c'est elle qui a cadré, parce que c'est un triangle : Jeannette, Jacques Tati et ma pomme. Si on regarde bien elle a visé aussi un peu son doigt !

La carte postale de l'hôtel est une édition Combier au timbre bien choisi.


Ce timbre nous emmène vers la troisième carte postale. Il s'agit d'une carte promotionnelle reprenant l'image du célèbre facteur  François qui fait "l'hélicoptère" et qui distribue le courrier "à l'américaine". 
Pas de date mais on est au milieu des années 90.
Nous avons quitté un peu l'architecture aujourd'hui, disons que nous avons parlé un peu moins des architectes. Nous avons parlé de lieux et souvent ils n'existent ces lieux que par la présence ou l'absence de personnes ou de personnages. Certains lieux nous manquent mais nous manquent également ces présences qui les arpentaient.
Pour comprendre cette journée, n'oubliez pas de jeter un œil sur le blog de Joachim ici :
http://365joursouvrables.blogspot.com/
Je donne n'importe quoi pour une heure à Saint Marc sur Mer avec Jeannette. Pour une heure avec Monsieur Hulot, il me suffit d'un bon DVD.

les absents et les présents

Je continue mon interrogation sur les lieux vides ou vidés de  présence humaine. La photographie objective allemande a dû trouver dans ce genre de cartes postales une influence bien sentie. Je vais jusqu'à penser que Martin Parr au travers de sa collection de Boring Postcard se moque doucement et de biais de cette école allemande en proposant la preuve directe de cette influence d'un art populaire. (voir ses fameux albums Boring Postcards)
Là c'est moi qui construis.
Voici donc quelques exemples (il y en a chez moi des dizaines...) de chaises vides, lits vides, salles vides.
Je commence avec une carte postale de la salle de conseil d'administration du Centre Technique du Bois, 10 avenue de Saint-Mandé à Paris 12ème. Cette carte manifestement des années soixante fut pourtant expédiée en 1986 ! On admirera le beau sous-bois qui fait le mur.

On poursuit avec cette carte postale du groupe Ancienne Mutuelle de Belbeuf en exclusivité chez Ellebe éditeur. Admirable...

Nous voici maintenant à la colonie Foyer des jeunes de Littry Calvados dans le dortoir des garçons. Une carte postale en photographie Poppé expédiée en 1962 par Patrick. C'est euh... intime !

Il nous faut une salle de repos et de convalescence à Baccarat. Voilà qui est fait grâce à cette carte postale  en Cimcrome. Pas de date mais pas de convalescent non plus...

Mais parfois les salles se remplissent et pas toujours de manière naturelle. Voyez ce merveilleux exemple avec cette carte postale du Beef Club à Zürich. Tout est parfaitement orchestré, mais surgira bientôt un Monsieur Hulot qui fera de ce lieu une vraie fête. Pas une miette !
Un peu moins posée, cette carte postale de la Sirène de la Baie (véhicule amphibie, intérieur du bateau) chez N.C.A éditions.
A votre santé ! Parfois quand c'est plein c'est aussi un peu vide non ?

Pour finir avec ce petit jeu du vide et du plein, voici deux exemples de théâtre. L'un vide, c'est celui de Munich, le Théâtre National chez Lengauer Karte. Madame Candida Höffer n'a rien inventé...

L'autre totalement plein, il s'agit de la Scala de Milan en Vera fotografia expédiée en 1960. Tout le monde fixe le photographe, incroyable !!
Entre Shinning de Kubrick et l'homme qui en savait trop de Hitchcock.

Blow Up

Je réponds un peu mieux à Joachim qui dans un commentaire, hier, posait le postulat que les cartes postales le plus souvent affirmaient la présence humaine par au moins une silhouette lointaine.
Je crois pour ma part que les cartes postales ont souvent le goût du vide. Un goût qui m'autorisa à nommer l'un de mes classeurs de rangements de cartes postales du terme "les absents". Il s'agit, c'est vrai, surtout de vues d'hôtels, de restaurants ou de collectivités où il semble que tout le monde ait disparu d'un coup. Les cartes postales de villes vidées existent bien également. Je n'ai eu aucun mal à en trouver dans ma collection. Mais connaissant un tout petit peu Joachim, je suis certain que celui-ci, à l'image de la célèbre séquence de Blow Up d'Antonioni, trouvera à la suite d'agrandissements et de recadrages successifs une présence dans ces images. J'espère qu'il ne s'agira pas comme dans ce film d'un assassinat !

Je commence donc par une carte postale de Sarcelles nous montrant le parc central, éditée chez Leconte. Pas de date et personne...

Voici maintenant le Gratte-Ciel et collectif de Bloux de Macon. Cette carte postale fut expédiée en 1956, c'est une Combier en photographie véritable et il n'y a personne...

Une carte postale de Courrières, les Blocs (sic !) aux éditions de l'Europe en Eurolux. Des automobiles mais toujours personne...

Ici à Argenteuil, la place Diderot chez Lynacolor. Personne quoique... regardez bien... vous voyez ?

Une carte postale de Grand Couronne tout près de chez moi. Encore le Parc Diderot oui !! Carte postale éditée en 1994 par la Société d'Histoire de Grand Couronne, une photographie de Monsieur Boulanger, une photographie sans personne...

On terminera avec ces deux vues que j'adore. La première est une carte postale de Fauville en Caux, le Stade municipal, éditée par La Cigogne en 1951. Un vide sidéral.

L'autre est une carte postale de Millas qui nous présente le terrain de Sport et le Canigou en Romacolor chez Apa expédiée en 1970, le vide ici est sidérant.
Je n'ai effectué aucune recherche sur les architectes concernés. Cela viendra un autre jour.


dimanche 22 février 2009

les petits, ensemble, et les grands ensembles



Je tente un rapprochement.
Voyez ces deux images. Voyez les similitudes de point de vue, de qualité éditoriale, d'époque. Mais voyez aussi comment au milieu et en bas de chaque cliché des enfants viennent se planter là pour être sur la photographie.
J'ai déjà publié celle de Bondy "la Noue Caillet" le dimanche 25 novembre 2007.
Nous sommes encore à Bondy avec cette autre carte mais cette fois rue A. Blanqui. La carte est une édition Raymon en Bromocolor. Je dirais que nous sommes à la fin des années cinquante. Est-ce que ce petit garçon allait à l'école avec ceux-ci ? Se sont-ils raconté la visite du photographe de cartes postales ? Ont-ils exigé que leur maman achète celle-ci chez le marchand de journaux ?
Ont-ils encore cette carte postale dans une boîte à chaussures ?
Je pense toujours à ce moment où le photographe appuie sur le déclencheur et comment il peut percevoir cette présence un peu distante mais droite et franche.
Le regard vers l'objectif, les mains derrière le dos, le gilet tricoté à la main et les genoux éraflés.
la distance...
C'est surtout ça qui m'intéresse. Comment est-elle déterminée ? Par le photographe, l'enfant ?
L'un disant: "si tu veux oui mais pas trop près, c'est ton immeuble que je photographie pas toi"
L'autre muet : "il est rigolo l'appareil du monsieur, je vais me mettre là pour pas le gêner."
On peut à ce point réaliser ce type de collage :



Ou encore celui-ci.

Car je suis certain qu'ils se sont rencontrés ces gamins là.
D'ailleurs il faudra faire l'inventaire des personnes ayant posé ou figurant sur les cartes postales. Ceux qui ont cette chance d'avoir leur trombine sur des présentoirs à cartes postales, ceux qui se souviennent du monsieur venu prendre en photo leur coin de réalité. Si vous avez des témoignages de ce type merci de nous les communiquer.