mardi 5 juin 2012

Montparnasse trois horaires



Regardez-moi ça !
Une barre parfaite, tendue, dure, trouve son écho dans des wagons de trains alignés sur le même plan dont tout à la fois on se réjouit de la proximité en jubilant des contrastes : fixité-mobilité, lumière-ombre, étroitesse-ampleur, unicité-multiplicité.
Et, miracle du point de vue, le photographe des éditions Hachette, Phedon Salou trouve une ouverture à gauche pour caser la Tour Eiffel. Le Dix-neuvième siècle, celui du métal et de la vapeur fait un signe lointain à l'électrification des lignes et à l'architecture métallique contemporaine.
Cette image est sévère je vous l'accorde et je m'en réjouis.
J'aurais même pour ma part fermé mon cadre et conservé uniquement la grille contre les lignes...
Une frontalité...



...un peu comme ça !
Toujours la gare Montparnasse par, cette fois, Abeille-cartes éditions. Savoir l'heure du cliché est aisé : 13h14. Sur le parvis, les voyageurs font leur chemin sous un vent fort venant du Nord-Est qui plaque leurs vêtements.
J'avoue beaucoup moins aimer l'image que produit cette architecture depuis ce point de vue. Surtout le pied de la barre avec son bourrelet brun. Mais comme le dit parfaitement la phrase notée au verso de la carte postale expédiée en 1986 : "en parlant peu on entend davantage !"
Et ainsi les heures passent...



...il est maintenant 17h55. La nuit donne alors une grande beauté plastique à l'ensemble en effaçant le bâti au profit des percées lumineuses. La grille se révèle presque festive et aussi comme un carton perforé des vieux réseaux informatiques. Temps de pose long qui étire en néon les feux arrières des automobiles. La carte postale Yvon se veut pédagogique et son verso nous donne le plein d'informations : Façade principale vue de nuit. La Gare la plus moderne et la plus belle de France, par son étendue et ses installations (10 000 m2 de surface au sol). Construite par la S.I.G.M de juin 1966 au printemps 1969. Les études architecturales ont été réalisées par l'O.A.M. messieurs Beaudouin, Cassan, de Marien, Saubot, architectes.

lundi 4 juin 2012

prototype Claude Prouvé

Une exposition à ne pas manquer si vous êtes dans la région de Nancy, celle consacrée au prototype SIRH de Claude Prouvé. Le sauvetage de l'un des modules est en route.
L'exposition a lieu à la Maison de L'architecture du 7 au 13 juin 2012, Galerie 9 rue Gustave Simon.
exposition SIRH_7 au 13 juin 2012 Nancy.jpg

ici et maintenant : Fernand Pouillon

Et si nous donnions la parole à ceux qui écrivent les cartes postales ?
Si nous le faisons si peu c'est que, bien souvent, rien dans la correspondance ne fait signe positif ou négatif à l'architecture représentée. Le correspondant explique simplement sa localisation et ne juge que peu la construction, l'urbanisme et son espace.
Pour aujourd'hui je vous propose donc de voir que parfois en une ligne, une petite intonation on peut sentir un jugement, un avis. Je vous préviens : c'est court !
Profitons-en pour évoquer un architecte que nous aimons beaucoup ici : Fernand Pouillon.
Commençons :



Cette carte postale Abeille-Cartes en photo véritable nous montre Meudon-la-Forêt et la Résidence des Deux Bassins dans un noir et blanc bien senti. La perspective sur les blocs alignés, la rigueur du dessin, sa fermeté, la gestion des espaces font écho à un cadrage qui libère le premier plan avec un champ de graminées vibrant mettant la ville à la campagne. C'est, à n'en point douter, une belle image de cet ensemble. Et voici le verso :



"à Meudon la Forêt, il n'y a pas de petites villas mais des grands immeubles. Cette carte vous en donnera une idée. Il y en a déjà une assez grande quantité et on en construit toujours."
Il est aisé de s'amuser de l'aspect déceptif de l'absence de petites villas, il est aisé de saisir comme un regret soufflé dans le fait que l'auteur affirme en même temps qu'il y a beaucoup de constructions et qu'on en construit toujours...
L'image reprend alors bien cet avis en proposant à la fois la multitude répétée du construit et le vide du premier plan qui évoque les futures constructions...
Une autre :



Toujours à Meudon-la-Forêt, Toujours les Deux Bassins, cette carte multivues par Yvon éditeur nous donne à voir d'autres aspects du bel ensemble. On retrouve sur la vue en haut à droite la perspective ici retournée de la carte postale précédente. Cette fois une croix agrémente la photographie et Denise se sert de la carte postale pour se donner à voir, se représenter dans la ville. Lisons-la :



Pour moi, tout tient dans la phrase d'introduction : "Je commence à m'habituer à ma nouvelle ville, heureusement que j'ai beaucoup à faire ces temps-ci..."
Pour que les occupations soient perçues comme une chance c'est bien que l'installation et l'acclimatation doivent être un rien difficiles ! Denise marque par deux fois sa carte postale, d'abord d'une flèche puis d'une croix. Cet "acharnement" à se situer pourrait bien aussi être une manière de s'assurer à elle-même que c'est bien là maintenant qu'elle vit. Au moment où elle a tracé ces signes, j'imagine son état de projection, j'imagine son attention à lire l'image de sa vie, de sa géographie. "ici et maintenant"




Nous, nous profiterons surtout une nouvelle fois de la grande qualité de l'ensemble architectural. Et pour finir, parce que justement nous aimons Fernand Pouillon, nous irons cette fois à Boulogne-Billancourt voir l'ensemble du Point du Jour par l'intermédiaire de cette carte postale Lyna :



On se demandera comment le photographe a fait le pari de viser le vide entre l'architecture, la rue et son ciel nuageux. Comment, de la sorte, il définit l'espace urbain, comment il fait glisser l'œil vers le reste de la ville, rejetant de gauche et de droite les belles constructions qui donnent à voir par leur larges ouvertures l'intimité des intérieurs :


Pas de texte au verso de cette carte, mais le silence du carton doit nous servir à nous raconter à nous-même notre plaisir de la ville et de son exploration par les images.
Et ne manquez pas la visite du très beau site sur Fernand Pouillon ici. Vous y trouverez des images contemporaines des lieux que vous venez de visiter par les cartes postales.

dimanche 3 juin 2012

Toutes les maisons sont dans la nature

N'écoutez pas Roland Castro.
(pour une fois)
N'écoutez pas Roland Castro et précipitez-vous chez votre libraire pour acheter le très beau livre de Didier Cornille Toutes les maisons sont dans la nature.
S'il s'agit d'un livre pour enfants qui permet de leur faire découvrir la grande diversité de l'architecture moderne et contemporaine, l'exercice du dessin de Didier Cornille permet de dépasser ce public et de nous régaler à notre tour de ce livre.
Dans cet ouvrage, vous ne trouverez pas, si vous êtes un aficionado de l'architecture, des constructions que vous ne connaissez pas car l'auteur s'est attaché à ce qu'il est aisé d'appeler les "icônes" de notre culture architecturale. Vous ne trouverez pas non plus de polémique ravageuse sur ces constructions car ce n'est pas l'objet d'un tel ouvrage dont la vocation première est bien, au coin de la table du salon, le gamin à vos côtés, de lui faire un peu (beaucoup) saisir la grande diversité de l'architecture, les choix et les particularités de ces bâtiments, la relation entre l'architecte et l'habitant.
Il faudrait être bien amer et désabusé sur ces choix pour se priver du très beau dessin fin, coloré et aiguisé de Didier Cornille, dessin qui permet même une analyse des plans, la compréhension du chantier et de contextualiser les constructions.
Il y a dans son trait parfois un peu de Sasek, parfois un peu de Sempé, parfois un peu, comme au public auquel il s'adresse quelque chose d'une belle naïveté sérieuse de l'enfance.
C'est un livre clair, ouvert.
Ce n'est pas une déclaration sociale et politique. C'est simplement une promenade que l'on aura plaisir à faire en compagnie du neveu, du filleul, de sa petite fille ou de sa petite sœur. Et dans le désert éditorial du livre pour enfants consacré à l'architecture, ce livre a le mérite de poser une belle pierre. Le livre commence par la maison Schröder et se termine par la maison écologique de Wigglesworth et Till.
Et puisque certains se permettent de mal citer Madame Arpel, sans doute pris dans leur droit de parole à la radio, je rétablirai en disant que dans le livre de Didier Cornille comme dans la maison Arpel : "C'est pratique, tout communique !"

Toutes les maisons sont dans la nature
dessins et textes de Didier Cornille
éditions Hélium
isbn 978-2-35851-095-0
14,90 euros
Achetez-le !
















samedi 2 juin 2012

une réunion amicale

Allez !
Comme ça !
Parce que des amis me font des envois, parce que j'ai envie de revenir sur de vieilles connaissances, nous allons regarder trois cartes postales qui n'ont rien en commun.
D'abord une très belle piscine dont nous avons déjà vu l'extraordinaire plongeoir ici.



Nous sommes donc à Lagnieu dans l'Ain et on peut enfin mieux voir cette piscine fort belle que l'on doit à l'architecte Perrin-Fayolle, Grand Prix de Rome. La carte postale est expédiée en 1977 et possède une belle particularité car l'oblitération reprend le dessin du plongeoir ce qui pourrait bien vouloir dire que la qualité architecturale de l'ensemble fut même remarquée par la Poste !



 Notons que la carte postale Combier est datée de 1966. Il faut dire que cette piscine possède vraiment de très belles qualités plastiques notamment dans le traitement spectaculaire de son toit et... de son plongeoir. Après une dizaine de longueurs en dos crawlé, une bonne glace Gervais vous attend à la sortie !



Et là ?
Une merveille non ?
Toujours heureux de retrouver le Group Ludic avec ce beau jeu de plein air au V.V.F de la Grande Motte. Tout est à l'unisson : l'objet d'abord qui reste sans doute l'un des plus beaux exemples de design de jeux d'enfants, la photographie qui le met en valeur grâce aux éditions Yvon et la méthode d'impression Draeger 301qui donne ici vraiment toutes ses qualités. Vous voulez des détails ?
En voilà !



Puis, pour finir, retrouvons l'église Temppeliaukio d'Helsinki :



Cette belle carte postale Janne Harala Tmi, photographie de Pentti Harala m'est expédiée par Stéphane Degoutin dont nous aimons l'action urbaine de NOGOVOYAGE. Toujours sensible aux lieux et à leurs représentations, il fait par cet envoi, une fois de plus la preuve de son regard aiguisé. Merci Stéphane.
Notons que les architectes Timo et Tuomo Suomalainen sont nommés sur cette édition.

mardi 29 mai 2012

Xenakis ? Chiche !

Il semble bien que l'événement du Centre Pompidou fut aussi marqué pour les éditeurs de cartes postales par l'événement du Diatope de Monsieur Xenakis. Une fois encore, et malgré l'éphémère de l'objet architectural, le Diatope se trouve représenté sur des cartes postales.
Sans doute qu'ainsi animée la Piazza trouvait à cette époque la justesse de son programme : un lieu d'événements, d'animations, voire d'agitations. On pourrait croire à une sorte d'agit-prop culturelle. En tout cas, les deux cartes postales suivantes nous montrent la construction de Monsieur Xenakis sur la partie haute de la Piazza et si les points de vue semblent presque similaires on remarquera que l'un inscrit le Centre Pompidou dans un environnement urbain et parisien et l'autre l'isole un peu du reste de la ville.
















Les deux éditeurs choisissent un moment très animé de passants, de visiteurs en grand nombre d'ailleurs. On y voit même une femme photographier son enfant et j'avoue que trouver la photographie prise ce jour-là serait pour moi une joie immense car j'aurais ainsi une sorte de pli temporel et spatial à ajouter à cette carte postale !





















Mais si nous sommes attentifs (et nous le sommes !) on devine aussi quelques changements dans le Diatope et notamment dans une partie de sa toile tendue :





























Sur le détail du haut, Claude Rives le photographe (C. E. D. R. I ?) nous montre le Diatope en partie ouvert sur le haut, puis sur le détail du bas, le photographe des éditions Yvon nous le montre fermé par un voile gris et blanc et une bordure blanche vient surligner la courbe. Mystère...
Une réparation ?
Un renfort ?
Sans doute une petite transformation en cours de fonctionnement pour ce qui fut l'une des interventions sur la Piazza que je regrette vivement de n'avoir pas vue. Allez ! Rêvons un peu ! Pas de doute que pour un anniversaire soit du musicien et architecte soit du Centre Pompidou nous verrons un audacieux qui proposera la reconstitution du Diatope !
Chiche Monsieur le Président du Centre Pompidou !
Chiche Madame la Ministre de la Culture !
Chiche Monsieur le Maire de Paris ! (pour la nuit blanche tiens !)

lundi 28 mai 2012

Ils ont filmé (photographié) les grands ensembles

Mon ami Erwan Venn qui est un artiste accompli me conseille vivement un film.
Je suis toujours les judicieux conseils filmiques d'Erwan et je regarde sur la chaîne Public Sénat Ils ont filmé les grands ensembles de Laurence Bazin et Marie-Christine Delacroix.
C'est une occasion unique de voir des films d'amateurs et d'habitants ayant pour objet leur lieu de vie, la vie même, dans ce que l'on appelle les grands ensembles.
La récolte de films Super 8 permet ainsi de saisir à la fois la transformation du regard sur cet urbanisme, une vie heureuse (celle des souvenirs) et une réalité d'aujourd'hui peut-être un peu cachée, à l'image des bambins qui y jouent au magicien, sous le drap de la nostalgie réparatrice.
C'est beau, touchant, et on se demande pourquoi autant de bonheurs avoués devant la caméra Super 8 et devant la caméra vidéo d'aujourd'hui ont pu s'écraser sur les ruines des tours que l'on "déconstruit".
Mais le ton est juste. Les gens sont justes.
Ne manquez pas cela.
Voyons en forme d'échange comment certains photographes ont représenté ces grands ensembles au travers des cartes postales. Nul doute que les habitants visibles dans ce documentaire sont parfois descendus chez le marchand de journaux acheter une de ces cartes postales en passant chez le photographe pour déposer la cartouche de Super 8 à développer. Avec un peu de chance, la marraine restée à la campagne aura reçu ainsi l'invitation à venir à Noël et pourra sur l'écran tendu dans la salle à manger moderne agrémentée de l'armoire normande voir l'anniversaire ou la communion du petit dernier. Les trois cartes qui suivent ne sont pas forcément celles des lieux du documentaire.
















Alors que cette carte postale Raymon comporte de nombreux défauts, j'en fais pour ma part des qualités. Nous sommes à Vigneux et le stylo-bille baveux qui a marqué cette carte postale me trouble un peu. Les lettres tremblées posées dans le ciel sali et percé de cette image affirme la localisation comme s'il était impossible en retournant la carte postale de la retrouver. Imprimées avec la gaucherie d'un décalage des couleurs, les tours de Vigneux semblent fragiles ou perçues à travers un filtre ophtalmique bien curieux.















On notera que l'éditeur nomme la carte postale "Les Grands Ensembles" ce qui dit que cette appellation existait déjà à l'époque de cette image.
Puis...

















...en avion au dessus de Villiers-le-Bel, nous voyons les quartiers des Carreaux et de la Fauconnerie. Les éditions Lapie nous proposent une véritable photographie expédiée en 1964 mais bien colorisée...













Au premier plan, la ville est encore en construction, tout comme la vie de la correspondante qui indique qu'elle vient de prendre son travail à l'usine.
Plus récente...
















...cette carte postale d'Evry Ville Nouvelle (sic) nous montre aussi d'avion le centre. La photographie est de D. Planquette pour les Images Chouettes éditeur !
Certainement l'une des plus belles villes de ce type en France, l'une des plus vues dans le film également.
On y apprend la chose incroyable que les remblais de cette ville nouvelle viennent du trou des Halles de Paris !
La carte postale est une carte envoyée pour un concours en 1986.
Ne me reste qu'à remercier Erwan pour son conseil.