lundi 30 janvier 2012

un écran libre, une grande image inutile ?

Voici Nanterre :


Nous sommes devant le centre commercial des Fontenelles.
Un grand ensemble, un parking, un centre commercial, rien d'autre qu'un morceau de ville à la fois banal et particulier.
Je ne sais pas si nous devons parler d'architecture, d'urbanisme devant une telle image. Rien ne nous invite à rester là. Rien... ce n'est pas si sûr...
Car un élément m'invite à entrer dans l'image :



Ce panneau vide de publicité, cet écran blanc est une invitation à le remplir. Mais avec quoi ?
Amusons-nous un peu...
D'abord avec l'image elle-même dans une mise en abyme bien sentie... (cliquez dessus pour agrandir les images)


Puis avec du ciel pour une poésie un peu cucul...


Avec un autre quartier de Nanterre dessiné par Mr Kalisz, pour s'amuser d'une comparaison...


Avec un hommage sage à un photographe contemporain qui me touche, Félix Gonzales-Torres...


Un nombril...


un effet caméléon...


Si vous avez des idées...
On pourrait aussi laisser cet écran vide et reposant comme un signe de la disparition rêvée de la publicité et de ce désir toujours de nous imposer de grandes images.

dimanche 29 janvier 2012

Royan noir blanc

Les éditeurs de cartes postales sont parfois un rien farceurs et blagueurs.
Voici une nouvelle preuve de cette qualité avec un procédé déjà évoqué ici qui consiste...



...à nous faire passer le jour pour la nuit.
En effet cette carte postale de Notre-Dame de Royan par CAP intitulée "vue de nuit" est bien une rigolade éditoriale.
Le procédé est simple et permet de régler la question du temps de pose et de l'éclairage de l'œuvre de Monsieur Gillet facilement : on édite le négatif !
On pourrait facilement y croire tant qu'on regarde le ciel et la construction qui semble bien, elle, éclairée violemment par des projecteurs mais dès que nos yeux quittent l'église et glissent sur le parking, plus de doute, on est bien dans une image négative.
Remettons les choses dans l'ordre et hop !



D'ailleurs cette photographie positive a-t-elle été éditée ? Je ne la possède pas dans ma collection.
Mais parfois, les photographes de cartes postales savent saisir un moment météorologique et alors l'image hésite seule entre jour et nuit.



Cette édition est encore due à CAP, elle est datée de 1963 et le ciel semble bien hésiter entre jour et nuit. Cette dernière grignote le haut de la flèche qui disparaît. Les ombres indiquent pourtant que le soleil est haut dans le ciel et que nous serions en milieu de journée !
Qu'importe finalement, Notre-Dame de Royan sait faire architecture de jour comme de nuit, de positif en négatif, elle monte dans le ciel noir ou blanc avec la même puissance et c'est bien ce que nous aimons.





samedi 28 janvier 2012

Sens Super 8

Me voici de retour de Sens.
J'ai retrouvé "mon" centre commercial. J'avais rendez-vous avec Brigitte Cornand pour qu'elle puisse visiter et filmer le centre commercial pour un documentaire que je souhaite voir bientôt, documentaire sur Claude Parent.
Nous avons passé un beau moment et fûmes bien accueillis et guidés par le personnel du centre commercial. Merci à tous. La rencontre avec Brigitte fut tout de suite très amicale et nous avons aimé le bâtiment souvent de la même manière : c'est bon signe.
Je vous propose quelques images inédites donc, car je n'avais pas pu visiter la totalité des rampes pendant la demande de classement ni même certaines parties arrières du bâtiment qui sont, de fait, interdites au public. Je ne publierai pas d'ailleurs toutes les photographies pour des raisons de sécurité.
On peut tout de même conclure : l'état constructif du centre reste très correct malgré des rajouts malheureux réalisés sur les quais de déchargement, pourtant l'une des plus belles parties du centre. Arpenter les rampes m'a permis de confirmer encore et encore la validité de la Fonction Oblique et le très beau travail des percées sur la façade qui reste valide là aussi malgré les occultations commerciales. On découvre des vues du paysage comme au travers des ouvertures des bunkers toujours à la hauteur des yeux des visiteurs. Toutes les boutiques sont vides aujourd'hui sauf à l'entrée le marchand de journaux qui résiste vaillamment. Mais sans aucun doute l'une des plus grandes jubilations de cette dernière visite fut la découverte de la brasserie Moby Dick encore dans son jus avec son bar "seventies" qui rendrait jaloux les discothèques d'Ibiza !
Allez ! On y va ?
C'est parti ! Bonne visite.


















triangulations

Un triangle c'est solide, tellement solide qu'il semble que les architectes modernes se soient emparé de cette solidité pour fabriquer et imaginer des formes plus complexes dont il serait (le triangle) la base.
Voici quelques exemples bien curieux :



Nous sommes dans ce qui semble être une vraie curiosité française : la médiathèque d'Arles, l'espace Van Gogh.
Une structure vert pomme monte depuis des boules noires du sol au plafond formant un réseau d'une complexité remarquable, une forêt de tubes. C'est superbe non ?



En tout cas, il est bien question ici de magnifier la structure, d'en faire une œuvre en soi. Et j'aime beaucoup comment cette mêlée touche le sol, articulée sur ces boules qui donnent à la fois la sensation d'une articulation possible, d'une mobilité mais aussi quelque chose de l'os ou du genou. Et la couleur est incroyable !
Quelle belle découverte grâce à cette carte postale sans éditeur dont la photographie est de Jeanne Davy. On doit cet espace Van Gogh aux architectes messieurs Froidevaux et Tétrel. Je trouve trop peu de choses sur ce lieu malheureusement mais j'ose le rapprocher des treillis de Konrad Watchman.
Autre exemple :



Nous allons en quelque sorte nous rapprocher de Buckminster Fuller avec cette carte postale de Toronto et son Ontario Place.
Nous regarderons surtout le détail du dôme ici :



Et nous y reconnaîtrons la formule qui consiste à faire sphère avec des triangles... On devine assez mal le reste de l'architecture sur cette carte postale "The Postcard Factory". Mais une célèbre encyclopédie en ligne vous donnera toutes les informations. La sphère accueille un cinéma et le reste de cette architecture semble bien passionnant.
Plus... rare...



... venant d'Israël, cette carte postale nous montre Naama Bay. Et sur la plage, nous avons l'occasion trois fois de nous interroger !
D'abord avec le détail suivant :



A quoi servent-ils ? sont-ils des bungalows pour les touristes ?
Puis, sur la plage :



Cette magnifique structure toute de triangles composée qui semble simplement fournir de l'ombre aux baigneurs venus là. Et enfin...



La vigie du surveillant de baignade est elle aussi remarquable semble-t-il. Elle mesure 5 millimètres sur ma carte postale donc difficile de faire autre chose que de deviner une jolie petite chose en triangles !

mardi 24 janvier 2012

Eve lève-toi

Je ne sais pas quoi vous dire mais une fois de plus il arrive que les cartes postales soient des œuvres.
Au moins elles brisent l'idée que la carte postale est un cliché et cela sans même la nécessité de la signature de son photographe.
Regardez ça :



Oui c'est une carte postale. Une édition Yvon non datée qui porte la référence N-10/8008. Elle nous donne également les noms des tours de la Défense (EPAD). A gauche Crédit Lyonnais, au centre Tour Eve, à droite Tour Atlantique. Nous sommes dans la série "couleurs et lumière de France" dans la catégorie "Vision de l'An 2000". Oui.
Mais regardons ce petit chef-d'œuvre anonyme.
Dans un canyon de tours, un espace aux ombres rectilignes offre une ouverture centrale et verticale lumineuse. En opposition à la minéralité sombre, se lève dans cet espace la Tour Eve et sa blancheur presque incongrue et salvatrice.



Ce qui sauve ce paysage incroyable d'un sentiment de peur c'est bien l'apparition au premier plan de cette petite table et de ces trois chaises pliantes qui semblent bien fragiles au milieu des tours. Regardez également la cohérence colorée de ce mobilier, rouge, brun noir, blanc, jouant avec le plateau de la table dont le rouge éclatant et brillant reflète la lumière.



On ne sait rien de ce moment, rien de qui et pourquoi ici au centre du vide de la dalle magnifique, cet espace de convivialité fut inventé. Hasard de la promenade du photographe ?
Agencement de quelques personnels des tours pour profiter de "la terrasse" ? Composition humoristique et consciente du photographe voulant s'amuser du contraste ? Car il ne fait pas de doute que cette carte postale est ironique, amusée et même tendre finalement. On pourrait imaginer Mr Hulot s'arrangeant dans un lieu aussi sévère et beau en installant sans même s'en apercevoir un entre-soi amical, une chaleur de trois chaises. Descendues des étages par un ascenseur ultra-rapide faisant des bip et des floutch, les chaises pliées sont retirées de la salle de conférence du 24 ème étage où se déroule un séminaire sur la force de vente et la reconquête du marché européen par la Société Altra. Il fait beau, la climatisation est en panne et les trois représentants de commerce, régions Bourgogne, Normandie et Charente Poitou s'ennuient en attendant le retour du conférencier. On descend trois chaises et une table pour boire un coup et fumer. Qu'importe au fond l'histoire. La narration est ouverte et c'est simplement par le cadrage, le choix d'un temps de pose que cette carte postale verra le jour en passant au travers du filtre de l'éditeur, du distributeur et finalement de l'acheteur... Alors j'insiste à nouveau, si vous êtes le photographe de cette merveille, racontez-nous l'histoire de vous debout ici et maintenant dans ce paysage magnifique.
Pour ne point trop vous dérouter et aussi parce que la carte postale permet de jubiler aussi d'images descriptives et objectives je vous propose une autre carte de la Tour Eve :



Même éditeur, même série et catégorie "vision de l'an 2000" la Tour Eve est ici prise de face, seule, avec son nom sur le haut dans une typo si marquée. L'éditeur Yvon cette fois nous donne les noms des architectes, messieurs Hourlier et Gury qui peuvent être fiers de leur travail. Je suis certain que le photographe de la première carte postale a aussi fait celle-ci dans la même campagne photographique, le même jour. Il aurait ainsi su faire une image et une photographie en seulement quelques mètres de distance. C'est remarquable cette capacité. Mais n'allons pas croire trop vite à une hiérarchie des plaisirs.
Pour ma part, j'aime la première pour l'écart pris avec sa fonction, la deuxième pour son extrême application. Entre froideur descriptive et sensiblité spatiale, je ne saurai jamais jamais choisir...
Eve lève-toi tes enfants ont grandi...



dimanche 22 janvier 2012

La photographie accuse à tort

Voilà, il fallait que ça arrive.
Voici une preuve que la photographie fait tenir aux architectures des propos éloignés de leur réalité.



Les amateurs, les spécialistes auront reconnu ce lieu.
Un couloir sans aucune ouverture fuyant à l'infini d'un mur.



De part et d'autre du couloir des portes éclairées par le haut rythment avec d'étranges boîtes à verrou ce chemin un rien effrayant.





Personne. Rien. Et le silence d'une image finalement fait un bruit étouffant. On pense que seul le cliquetis d'un trousseau de clefs accroché à une ceinture pourrait réveiller ce lieu.
On ne sait pas si derrière nous le couloir à nouveau s'étend à l'infini. On ne sait ni par où on y arrive et encore moins comment en repartir... Et l'égalité permanente de l'ensemble pourrait faire penser à, au mieux un hospice, au pire une prison...
Oui.
Une prison.
Je vous entends mes amis de l'architecture être derrière votre écran horrifiés par ce dernier mot. Vous vous dites comment je peux vous parler ainsi de notre lieu, de celui que nous considérons certainement comme une icône de l'architecture et qui porte comme adjectif : radieuse...
Nous sommes en effet dans l'une des "rues" de la Cité Radieuse de le Corbusier à Marseille. Nous savons que cette image ne rend pas compte de l'espace de ce couloir, de sa polychromie rayonnante et joyeuse, des enfants courant sans crainte de bruits dans cet espace public et collectif voué à la rencontre et à l'échange. Nous savons que les boîtes donnent directement sur la cuisine de l'autre côté des murs. Nous savons que cette machine à habiter alterne lieux conviviaux et publics avec la plus grande discrétion de l'espace privé.
Mais...
Imaginons que nous sommes en 1959, que dans la boîte aux lettres de la famille de Bourgtheroulde cette carte postale tombe et rejoint la table de la cuisine. Que penserons les regardeurs d'une telle image, quelle références auront-ils pour penser et lire cette construction ? Comment ne pas accepter que la logique de projection de l'imaginaire emmène la Cité Radieuse vers des comparaisons ingrates et erronées ?
Nous devons simplement sans peur admettre que c'est possible. L'image de la Cité Radieuse, sa photographie ne dit pas la Cité et même parfois nous leurre.
La photographie est une mécréante, elle n'aime pas le réel, elle aime le photographe qui le lui rend bien en retour.
Alors ?
Alors il ne faut pas oublier que nous construisons autant les images qu'elles nous constituent. Ne pas oublier que nous ajoutons le matériel. Nous remplissons les bords, nous corrigeons les teintes, nous racontons les histoires. Je ne crois pas (suivez mon regard), je ne crois pas que la multiplication des images use les objets, use les images. Je crois simplement que chaque fois, chaque seconde est une réévaluation, une mise au point. L'œil trop mobile aime aussi reconnaître son espace, s'y poser. Il ne se trompe pas, ne se leurre pas. Il sait qu'il lit une image et ce qui est merveilleux (magique j'entends) c'est bien que dans cette illusion il s'amuse à se croire dans le réel simplement parce que c'est aussi un réel une image.
Laissons-nous porter par la comparaison. Ici la Cité Radieuse, sur cette carte postale Ryner est une prison. Oui. C'est une prison. Mais nous savons qu'il n'en est rien. Ne faisons pas semblant de ne pas le voir car alors ce n'est plus l'image qui nous leurrerait mais nous-même, nous interdisant d'être dans le réel de ce qui nous constitue : notre culture de l'image.
On comprend alors facilement le désir des architectes de tenir leurs images, de travailler avec des photographes qui les servent, les comprennent voire les idolâtrent. Car cette image de la Cité Radieuse n'est sans doute pas celle imaginée, prévue dans l'imaginaire du travail de Corbu au moment de la conception. Sans doute pas.
Où est la vérité du lieu ?


Au verso de la carte postale Ryner pour la Société des éditions de France on peut lire tout cela :
Le Carrefour du Monde
8313 Marseille Unité d'Habitation
"la Cité Radieuse"
Le Corbusier (Architecte)
Rue intérieure donnant accès aux Appartements
Voyagence Concessionnaire du Service des Visites, 31 La Canebière, 31 Marseille.

Est-ce que tout cela permet de relativiser l'image ?
Que architecte qui qualifie Le Corbusier soit entre parenthèse signifie-t-il un doute ? Il est architecte entre parenthèses...
L'appellation de rue est celle de Corbu mais comment cette image nous en parle-t-elle ? On remarquera le A majuscule sur Appartements.
Mais il faut relativiser cette carte postale car elle s'inscrit aussi dans une série montrant le reste de l'objet architectural. On sait aussi que l'expéditeur a la possibilité de "compléter" l'image de son commentaire élogieux ou non, on sait aussi qu'une image n'est jamais seule, elle fonctionne avec l'ensemble des autres images, des médias. Cela permet souvent d'ajouter la couleur... et le témoignage au retour du voyage fera entre l'expéditeur et le correspondant la correction de l'image. N'est-ce pas finalement la fonction d'une image ?
Être le point d'appui d'une parole. (en attendant une vérité)