vendredi 20 janvier 2012

Pompidou embrasse Pompidou

Nous allons regarder deux cartes postales du Centre Pompidou. Deux Cartes postales très différentes mais qui donnent à voir et à comprendre toutes deux la construction emblématique du Paris des années 70.
D'abord...



...cette carte postale Abeilles-cartes pour Lyna par le grand photographe de cartes postales : Rolf Walter.
Une carte postale somme toute qui pourrait dans l'accomplissement de sa tâche ne rien dire de particulier que la présence d'un piéton qui regarde Paris. L'escalator dans sa diagonale semble relier deux morceaux du Vieux Paris mais bien vite deux particularités de cette image excitent l'œil averti. On retrouve en effet un peu caché le diatope de Xénakis dont nous avons parlé ici. Sur cette image, il semble un peu sali, déjà la toile se distend ce qui le rend fragile et réel. La foule est à ses pieds.



Mais dans le ciel de Paris un timbre et un tampon déclarent le centenaire de la naissance de Pompidou. Pour ce centenaire et cette commémoration postale, la Poste choisit de coller la face du Président contre l'établissement qui porte son nom créant une confusion possible entre centenaire de Pompidou et... centenaire du Centre Pompidou car le langage populaire aime à dire "je vais à Pompidou !" ou "les expos sont nulles à Pompidou" ou encore "j'ai adoré Pompidou"...



Ajoutant encore à l'hommage, le tampon oblitérateur reprend le profil du Président un peu à la manière des médailles et pièces de monnaie et la ligne de ce profil vient amoureusement embrasser la construction. Pompidou embrasse Pompidou en quelque sorte !



Mais une autre particularité postale de cette carte vient de la double oblitération. Envoyée une première fois en septembre 1978, cette carte postale fut à nouveau oblitérée en 2011 année du centenaire mais cette fois elle n'a dû rejoindre personne à part le classeur du philatéliste qui le jour de l'oblitération "premier jour" s'est rendu au bureau provisoire de la Poste pour obtenir ce cachet. Pourrai-je à mon tour, le jour du centenaire du Centre Pompidou en 2077 faire une oblitération supplémentaire sur cette carte postale pour encore faire rejoindre Pompidou et Pompidou... J'aurai 90 ans... qui sera à mes côtés ? Qui poussera le fauteuil roulant ?
Puis...



... cette très belle édition Chantal choisit de faire un cadrage serré sur la façade. Quel incroyable réseau de lignes et d'ombres ! Presque une jungle.
Le rouge gagne l'image et la brillance du tube fait vernis. La machine Pompidou fonctionne, le tube délivre des visiteurs que l'on devine et l'un des panneaux manque, remplacé par un plastique flottant.



Devant la beauté d'une telle image on peut s'interroger si la jubilation plastique provient de l'image ou du Centre Pompidou. Il ne fait aucun doute que l'un compose l'autre dans le jeu subtil des désirs d'images des architectes et des réalités iconiques des cartes postales. L'abstraction vient du bâtiment, sa matérialité de la photographie. J'oserai dire ici son existence. Mais Beaubourg (ou Pompidou si l'on veut) est pour moi toujours et encore ce lieu merveilleux ayant dans ma poitrine serré quelque chose d'inaliénable, quelque chose qui me fonde comme un amoureux de l'architecture et des espaces, une surprise indéfiniment renouvelée, des souvenirs d'amitié puissants et le retour triomphant dans une maison Phénix en Province en ayant ce sentiment fort d'avoir vécu son époque, d'être debout au Monde et de raconter raconter raconter Paris, sa modernité vivante, son actualité sans attente d'un futur ambigu et sans cynisme.
Alors les noms des architectes au dos des cartes postales ont pour moi ce mystère étrange d'être ceux de personnes inconnues mais familiers, une petite formule magique qui agite quelques particules : Rogers et Piano. Un instrument de musique un peu italien et une sonorité anglaise de personnage de bande dessinée.



dimanche 15 janvier 2012

Italie rationaliste (fasciste ?)

Catherine Schwartz nous fait encore l'honneur d'une donation.
J'ai décidé cette fois de faire un petit tri et de vous proposer déjà la partie italienne de cette donation. Ce qui est particulier c'est bien que ces quelques cartes postales nous offrent un aspect inattendu de l'Italie, une Italie rationaliste et moderne.
J'aurais aimé être plus précis sur les origines de ces architectures mais il semble difficile de trouver des informations sur ces constructions. Alors nous nous contenterons de leurs beautés plastiques souvent accusées par une photographie en noir et blanc qui durcit les géométries, fait ressortir les volumes purs de ces architectures.
On commence :



Tout est écrit sur la photographie de cette carte postale : nous sommes à la gare Termini de Rome.
Nous avions déjà vu cette construction mais cette vue intérieure est superbe et dit bien le désir de rationalité de l'espace, presque sa froideur mécanique. Une rue intérieure dessert les quais et la ville comme une saignée construite qui relie le mouvement du voyage à la fixité de l'urbain. Et puis l'animation de la photographie nous plonge dans une Italie que nos yeux usés sur Fellini ne peuvent que trouver cinématographique. Il s'agit d'une édition S.A.F.





Partons pour Bari :



Superbe non ?
L'immeuble Motta du Corso Cavour donne toute la définition possible d'une architecture pure, dure et classique. Sa modernité provient de sa sécheresse décorative et seuls les volumes et leurs ombres sont le sujet de cette architecture.







Regardons comment depuis la rue le dessin de la façade se transforme et offre un jeu graphique d'une grande lisibilité. la nuit ajoute au spectacle et nettoie encore l'image et la ville. Une ambiance incroyable.
Toujours à Bari :



Ce qui pourrait se traduire par l'hôtel des nations est une architecture qu'on pourrait bien retrouver un peu partout en Europe mais également dans les colonies françaises à la même époque. Il semble que cette construction daterait des années trente, période où le fascisme italien affichait un goût certain pour des constructions souvent (eh oui...) d'une grande beauté formelle et d'une incroyable modernité comme le quartier Roma EUR. L'architecte de cette "albergo delle Nazioni" serait Alberto Caza Beni. Il semble qu'aujourd'hui l'hôtel comporte un étage supplémentaire dont j'ignore s'il s'agit d'un agrandissement récent où une volonté de l'architecte.
Et Milan ?


Nous voici sur le Corso Sempione devant un gratte-ciel de l'architecte Bottoni. Vous aurez compris combien j'aime cette image et je sais que derrière vos écrans, fidèles lecteurs et lectrices des "Wahou" jaillissent !
Puissance, rigueur, sans concession, ce gratte-ciel offre une image parfaite d'une forme de modernité que j'aime car elle n'offre aucune fantaisie sauf le mouvement des rideaux devant les ouvertures encaissées. Le photographe de cette carte postales fait aussi jouer la masse sombre de l'arbre à droite avec la grille de la façade nous dégageant entre les deux masses le canyon de la rue. Quelle composition !
Même la finesse de la ligne électrique du tramway participe à l'image de l'éditeur Mulio. Quelques détails suivent.
On se doit maintenant de remercier Catherine pour cette promenade dans une Italie un peu particulière. Merci.




samedi 14 janvier 2012

l'église et sa tour

Dans une grande proximité temporelle, deux exemples pourtant bien différents de comment photographier en même temps une église moderne et les tours d'habitations à côté. Comment définir ce paysage, comment au mieux dire sa modernité et aussi sans doute pour l'un comment tenter avec ces formes nouvelles d'urbanisme et d'architecture faire œuvre photographique.
D'abord Epinay et son quartier de la Cité d'Orgemont et sa Chapelle St-Patrice :



A l'horizontale, le cadre de la carte postale Guy essaie et réussit à placer son église et son paysage de logements sociaux en ne donnant ni à l'une ni aux autres une plus grande importance. Le piéton est photographe. Il choisit de loin (pour la hauteur) de regarder ce morceau de ville tranquillement et marque même par un premier plan vide l'espace qui semble généreux de la cité. Il s'agit là, sans doute, exactement ce qu'on attend d'une carte postale : voir sans jugement, pouvoir se situer, s'y reconnaître.
On s'amusera tout de même du pavillon parfaitement rangé dans l'espace du pied de la tour formant un collage dont l'objet reste encore à interroger... Mais les draps blancs sèchent sur le fil.



Il faudra dire tout de même que la tour offre le beau dessin de sa grille alternant ici un noir et blanc avec qualité. Regardez bien la différence de traitement entre ses deux façades. Un beau morceau.



Et l'église Saint-Patrice ! Quelle construction ! Une courbe là aussi brésilienne dont la blancheur immaculée est contrariée par un cercle sombre (noir ?) dont j'ignore s'il a une valeur décorative ou pratique. En contraste et posé sur une ouverture généreuse, un portique rectangulaire accueille les fidèles.
Superbe.
Daniel Michelin serait l'architecte en chef de cette Cité d'Orgemont et de sa Chapelle.
retour sur Mourenx :



On reconnaît Mourenx des architectes Maneval et Douillet et on reconnaît le très beau travail de Claude Roux qui est à la fois l'éditeur et le photographe de cette carte postale. C'est à lui que nous devons la série de Mourenx avec les rondes enfantines vues ici ou ici.
Sur cette incroyable composition Claude Roux réussit à faire jouer admirablement la courbe du toit de l'église et la tour. Quelle photographie ! Le ciel, la lumière, tout est à l'unisson pour composer une image d'un équilibre parfait. Nous sommes sous l'auvent de l'église qui nous passe au-dessus et vient mordre le haut de l'image. On suit sa courbe qui nous entraîne jusqu'au bas de la tour qui par sa verticalité puissante nous fait remonter vers le ciel.



Les deux silhouettes féminines de dos jouent également ce rôle de cheminement et de point d'appui.



Même la porte de l'église et son carré noir agissent en contrepoint et forment comme un écho miniature à la géométrie de la tour.



Une de mes plus belles cartes postales.
Touchante, humble, la signature de Monsieur Roux se pose dans le gazon.
On notera que l'éditeur nous donne le nom de Ph. Douillet comme architecte et oublie (?) Maneval. Mourenx a eu droit sur ce blog à de nombreux articles. Voyez ici ou encore ici.

mardi 10 janvier 2012

Sautier, architecte à Melun

Voici un cas bien intéressant.
D'abord par la carte postale elle-même qui nous montre en son recto une superbe vue du Palais de l'Unesco en chantier.



Les chantiers c'est toujours passionnant, voir les entrailles, les squelettes des édifices, leur intimité. Ici on perçoit bien la transparence encore de la construction. Mais finalement on aperçoit peu d'ouvriers au travail. La moitié de la carte postale offre un ciel blanchi qui doit être lui aussi en construction !
détails :





Mais au dos, figure aussi, imprimé un texte qui fait la publicité de Nelsonite France. On s'amusera de la typo qui laisse croire à une carte postale manuscrite. Je vous laisse vous régaler des données techniques :



Mais comme il s'agit d'une publicité, cette carte postale est adressée à un architecte !
Monsieur P. Sautier architecte à Melun !
On notera que l'adresse est manuscrite, je ne vous raconte pas le travail pour l'expédition de toutes ces cartes vers les plus prestigieux (et les autres...) architectes de France.
Je ne trouve rien sur ce Monsieur Sautier architecte et c'est bien dommage. En tout cas voici une carte postale que je vais avoir du mal à ranger...
Merci à Dominique M. de m'avoir signalé cette carte postale. Quel œil Dominique !

en Rafale, un Mirage ?

Sans doute l'une des plus étonnantes visions de Ronchamp :


Beaucoup de Mystère autour de cette carte postale de l'imprimerie LIDAG. La carte postale porte comme titre : Chapelle de Notre-Dame du Haut (Le Corbusier) Flagrant Délit (sic!)
Mais que veut dire ce flagrant délit ?
A quelle occasion ces avions militaires à réaction ont-ils survolé la Chapelle de Le Corbusier ? Comment la décision, et par qui, fut-elle prise d'en faire cette image incroyable ?
On pourrait inventer cela :
Un pilote de chasse pendant la guerre du Golfe fait un vœu à Marie. S'il revient sain et sauf avec son camarade blessé à l'arrière, il ira survoler le site de Ronchamp, lieu de pèlerinage de sa famille.
Ou encore :
Lors d'une visite officielle du Président de la République, François Mitterrand, en 1982, la base militaire décide pour rendre hommage aux soldats tombés pour la France (et pour faire la promotion de ce nouvel avion devant un parterre d'officiels des pays émergeants) de faire faire des survols à basse altitude par quatre appareils.
Ou aussi :
Au retour de mission combinant un exercice de localisation à une manœuvre de visée, l'un des pilotes de chasse, amateur d'architecture et fin connaisseur de Le Corbusier réalise ce cliché pour sa collection personnelle et cela contre les ordres de son Commandant de base. Le cliché vu par son cousin, éditeur de carte postale devient... une carte postale.
Et si :
Le nouveau curé de Ronchamp ayant été dans sa jeunesse aumônier au troisième Corps de la Marine aéroportée connaissait bien deux des lieutenants de la base voisine. Sur la proposition de l'un deux et pour célébrer une messe en hommage aux pilotes morts pour la France, il est décidé de faire faire son baptême de l'air à ce nouveau curé qui en profitera pour arroser depuis le ciel d'eau bénite la célèbre Chapelle. L'opération échoua car le bon curé un rien malade par la vitesse ne put faire son office. Il fallut nettoyer entièrement le poste de pilotage au retour...

On peut ainsi à l'envi multiplier les conjectures mais nous aimerions bien avoir la bonne réponse. On sait qu'il y a quatre avions puisque nous sommes pour le cliché en altitude au niveau des trois autres. On sait que l'on est en formation serrée, signe d'une mission certainement plus cérémonielle que combative (exercices). Il nous faudrait un spécialiste des peintures de combat sur avion de chasse pour décrypter ceux-ci :




Les avions en tout cas sont français la cocarde bleu blanc rouge le prouve avec son centre bleu. Pour ma part, je trouve que le camouflage des avions fait bien son office, regardez comme les couleurs sur le fond d'automne se mélangent bien.
Sommes-nous en Rafale, en Mystère, en Mirage... un mirage sans aucun doute...

dimanche 8 janvier 2012

La frontalité : Frédéric Lefever


Billy-Montigny (F), 1994, Frédéric Lefever.

Je reçois de la part de Frédéric Lefever, photographe, une série de cartes postales qui reprennent ses photographies. Comme ce dernier me l'indique dans son courrier, il s'agit surtout d'utiliser la carte postale comme moyen de diffusion de ses images et non des lieux eux-mêmes, même si évidemment il est impossible de ne pas y voir l'objet autant que son image...
Ce qui caractérise en partie le travail de Frédéric Lefever c'est un choix d'objets photographiques en déclin, lieux en déshérence dont l'abandon relatif, la suspension temporelle, placent les constructions dans un entre-deux déroutant. Nous sommes avant la ruine, nous sommes devant le chantier sans fin où parfois le store rabattu, le vide, produisent finalement un sentiment étrange que l'on connaît bien depuis l'objectivité des Becher. A trop vouloir raisonner l'objet, lui donner la parole dans sa totalité froide et non-expressive, il semble que cet objet se venge en offrant non plus son esthétique et sa forme seule mais également, en l'absence de ses créateurs, nous livre une peur et un mystère assez terribles.
Il ne faudrait pas non plus dans cette frontalité oublier la référence évidente parfois à une peinture néo-plasticienne, sorte de Mondrian urbain, hommage à l'angle droit qui cale les constructions toujours sur une abscisse et une ordonnée implacables : c'est ce qui est réjouissant aussi.
Il faut dire que Frédéric Lefever cherche bien des "motifs", vise un gibier photographique qui lui permet - du moins dans cet envoi - d'obtenir à l'aide des architectures elles-mêmes et de leurs références modernistes une composition abstraite, point, ligne, plan, tout droit sortie d'un album de ligne claire de Swarte.
On pourrait dire du photographe qu'il est debout, bien campé sur ses pieds, et qu'il se prend en pleine face, de front, les lieux. J'aime.
Mais la nature est ainsi faite que malgré ou à cause de cette frontalité, le ciel passe toujours, la lumière frise toujours, les couleurs racontent encore des histoires de météorologie, de climat.
Le béton ne peut pas s'empêcher de se teinter d'orange, le sable est plein des traces de pas, l'aluminium brille et reflète, et le soleil déjà haut forme des ombres dures qui dessinent des obliques.
La froideur est impossible, l'ennui s'échappe et, comme accompagné par le photographe, on se place à ses côtés pour non plus "viser" mais sentir.
Alors on se régale autant des lieux que de leur image. En quelque sorte, on les dessine.
Ces quatre cartes postales furent éditées par B.P.S.22, espace de création contemporaine de la Province du Hainaut à Charleroi.

Sperlonga (I), 1998, Frédéric Lefever

Hyon (B), 2008, Fédéric Lefever
architectes : MATADOR (Belgique)

Calais (F), 2001, Frédéric Lefever

samedi 7 janvier 2012

Buckminster Fuller à la Montagne

Le centre commercial, les Orres, éditions SMD expédiée en 1990

Les Orres, neige, soleil, et ski, éditions et photo : C. Fortoul

Et si Buckminster Fuller avait pris un forfait remonte-pente et location de skis aux Orres ?
En effet sur ces deux cartes postales des Orres on retrouve cette très belle forme géométrique développée par l'ingénieur (architecte ?) et qui fit son succès : le dôme géodésique.
Si la station des Orres n'a pas de mystère quant à son attribution à l'architecte Legrand qui d'ailleurs y a fait un travail parfaitement étudié, on peut s'interroger sur la présence un rien décalée de cette forme dans son architecture.
Comme atterrie là, posée en opposition, peut-être roulée depuis le sommet des montagnes, la sphère blanche aux ouvertures sombres qui la fait ressembler à un ballon de football abrite une cafétéria, un bar, un snack sur deux niveaux tout de même ce qui en fait une bien belle structure.
Comment ce choix fut-il opéré ? Est-ce là une décision de l'architecte de la station Monsieur Legrand ? Est-ce une construction éphémère ayant obtenu une existence pérenne ? Ou une construction événementielle qui par le hasard des éditions aurait été à juste titre visée par deux fois par les photographes comme suffisamment significative de la modernité de la station de ski des Orres ?
Claude Lothier saura nous dire le nom exact de cette forme et même sans doute saura nous offrir le patron pour réaliser une sphère à partir de triangles...

Il