Ils m'avaient demandé de venir rapidement. Ils avaient lu mon article sur la cuisine brésilienne dans la revue "Les arts de la table". Ils m'avaient envoyé tickets d'avion, voiture avec chauffeur et m'avaient promis une rémunération tout cela au téléphone vers les 2 heures du matin en s'excusant du décalage horaire.
J'arrivai un peu étourdi par la soudaineté de ce transport, encore sous la surprise de cette demande. L'hôtel Méridien de Bahia était là, blanc contre le bleu.
La chaleur m'était tombée dessus, ma chemise de lin était déjà trempée mais l'organisation sans faille répondait parfaitement par la fraîcheur de la climatisation de l'aéroport, de la limousine Ford, de l'accueil de l'hôtel.
J'étais enrhumé...
"Votre mission, si vous l'acceptez..." aurait pu être la première phrase que j'entendis dans le bureau du directeur de l'Hôtel Méridien dans un français impeccable au léger accent du Béarn puisque ce dernier venait de cette région.
Ma mission consistait, après une analyse fine des menus et des repas de l'hôtel, à fournir une étude nette et sérieuse sur la manière de concilier une cuisine typiquement brésilienne avec une cuisine sagement internationale et en même temps si je pouvais y ajouter un zest de chic et un parfum de cuisine française cela serait parfait et on saurait me remercier comme il faut...
Je devais commencer maintenant !
J'avais comme un imbécile oublié mon carnet fétiche à Paris et j'avais dû demander du papier et un crayon pour vite me mettre au travail. Le service du midi était en route, on m'installa et on m'apporta pour écrire deux crayons noirs défectueux et un paquet de cartes postales de l'hôtel...
Devant ma surprise, le jeune serveur me dit que je pourrais bien écrire sur le verso des cartes mes notations ! Ce que je fis. Je vous en montre deux.
Ces deux-là firent la route vers Paris, coincées comme marque-pages dans le roman de Thomas Pynchon et celui d'Edmund White. J'avais cru pouvoir m'éterniser aux frais de la princesse sur les bords de la piscine mais la rédaction de Paris m'appela pour une enquête sur les poulets de Bresse...
Je remis donc mon rapport rapidement à l'hôtel. Je conseillais... de ne rien changer...
Le cuisinier était en fait un ami d'enfance, un ami de Nevers, un ami de ce petit monde de la cuisine internationale et nous avons ri en cuisine de nous retrouver là. Pour faire bonne figure, j'organisai un peu mieux la carte des vins, dessinai l'ordre des plats, proposai l'audace de thématiques comme "Un jour en France", "Fleurs du matin", "Proust Oriental" et le fatal "Poudre aux yeux" que j'avais déjà fourgué au Club Med.
Je garde pourtant de l'hôtel Méridien de Bahia le souvenir imprenable d'une vue magnifique depuis son restaurant panoramique, des retrouvailles amicales et ces deux cartes postales identiques ornementées.
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