Il faudra régler la question de l'angle des trois blocs entre eux. Le Patron m'a demandé, penché par dessus mon épaule, de faire sur la planche à dessin deux tentatives différentes en fermant et en ouvrant plus.
Je ne comprends pas bien l'importance de ce genre de détail.
Mais je comprends sans doute comment l'ombre de l'un jouera sur l'autre.
J'ai compris également qu'en séparant les deux blocs on allégeait vachement la masse tout en conservant hauteur et superficie. Et puis, je la trouve réussie moi cette fente entre les deux blocs. Et vertigineuse la sensation sur la passerelle, fragile aussi.
Le plus coton que j'aie eu à dessiner sur cet ensemble ce sont les volumes de béton chapeautant les cages d'ascenseurs.
Le patron m'a fait reprendre trois fois en gueulant comme un putois parce que la proportion du léger porte-à-faux ne lui convenait pas.
Bordel...
Mais bon c'est lui le patron et j'ai aussi vu que le ruissellement des eaux serait plus loin ainsi. C'est vrai.
J'aurais rêvé d'un truc plus radical, plus dur, à la Owen Luder. Mais le patron lui il est resté sur la Chartes d'Athènes et nous emmerde avec les proportions, les grilles, le programme toujours le programme.
Faut dire qu'il a les financiers au cul et qu'avec eux rien à faire que de subir sinon l'agence elle croûte pas et moi avec.
J'ai repris le service sur les bleus et gratté mes rotring. Et zip ! une verticale, et zip ! une horizontale.
Le plus beau morceau à dessiner c'est mon pote Michel qui se l'est tapé, les vis des escaliers de secours qui n'en finissent pas sur les pignons. Comment il en a bavé le pauvre avec ce truc... mais faut dire que c'est beau ainsi tout dehors comme une mécanique.
Cette cité elle est bien proportionnée bien fine et élancée. C'est ce que voulait le patron. Moi j'aime bien aussi ce rouge vif sur le métal.
Le patron il est dur mais il croit dur comme fer que ceux qui vivront là aimeront notre travail.
Possible que son honnêteté soit lisible et que notre travail se vive finalement.
Entre deux commandes, je lis trop de science-fiction pour croire encore à toute cette utopie. Je la vis trop dans les livres et elle a bien du mal à surgir dans mon réel.
Faudra bien pourtant que moi aussi, du haut de mes opinions et de mes rêves je tente un jour de faire un truc à moi, rien qu'à moi, un machin si radical que le patron il en tombera à la renverse !
Et qui sait, j'aurai peut-être le pognon pour le faire. On croise toujours des aventuriers si on part loin, bien loin.
Bon.
Je vous laisse, la Cité Plein Ciel il faut la finir.
Le Mée attend ses mètres carrés.
La Cité Plein Ciel de Le Mée serait une construction d'Edouard Albert, oui.
La carte postale est une édition Mage expédiée en... 1991 !
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