mardi 9 février 2010

La mer toujours recommencée...

Jacques Rougerie fait partie des architectes qui ont, sans jeu de mot, baigné mon enfance.
Je me souviens des couvertures de revues de vulgarisation scientifique comme Science et Vie ou ça m'intéresse sur lesquelles figuraient ses projets superbes de villes sous-marines et les étranges mais si beaux véhicules marins et sous-marins.
Sachant jouer d'une esthétique à la fois zoomorphe et avant-gardiste, il nous donnait envie de croire qu'il était possible de partir sous les eaux.
Que cela soit dans le film Abyss de Cameron (scène finale) ou dans la ville sous-marine de Naboo dans l'épisode II de Star Wars son influence est claire et bien marquée.
Lui-même très influencé dans ses formes par un Gaudi ou un Guimard de la côte, on trouve aujourd'hui un écho entre son travail et celui parfois si incroyablement tortueux d'un Calatrava.
Mais si je vous parle de Jacques Rougerie c'est pour faire un petit retour en arrière sur l'article consacré à Monsieur Sonrel, l'architecte du casino de Boulogne-sur-Mer.
Ce casino fut détruit (si je ne me trompe pas) pour mettre à la place Nausicaa, un centre de la mer avec des aquariums et des poissons.
Voyez :


édition Nausicaa, Jacques Rougerie est nommé.

Et je dois le dire, et je m'en excuse, mais je n'aime pas ce bâtiment. Rien, en le visitant et dans mon ignorance du moment, rien ne pouvait me laisser penser que celui qui avait dessiné cela pouvait être le même qui avait dessiné cela :

ferme sous-marine, 1973

village sous-marin d'aquaculture


Zone d'initiation

Alors, parce que tout de même, Monsieur Rougerie a su faire fonctionner mon cinéma intérieur, parce que à dix ou douze ans je me voyais bien adulte plonger sous la mer pour travailler, je ne dirai pas combien je suis triste de cette construction terrestre.
J'ai bien tenté de caresser les raies dans le bassin, plaqué mon nez gras sur les vitres géantes des aquariums mais je suis sorti sans me retourner pour revoir la bâtisse, je l'ai oubliée, jusqu'à ce que mon article sur Boulogne-sur-Mer me ramène à mes rêves, mes espoirs si nombreux qui prenaient place dans une science que je voulais croire non pas de fiction mais comme le disait mon père très sérieusement d'anticipation.
J'ai trop anticipé et j'en suis aujourd'hui dans le regret surtout quand l'architecture des zones commerciales sont les seules inventions urbaines massives de notre époque.
Me reste le bleu possible d'un bassin de piscine municipal et les ombres et les lumières sur les corps comme dans les somptueuses peintures de David Hockney.
Alors pour tous ceux qui veulent retrouver cet espoir fou je vous propose de vous plonger dans les enfants du Capitaine Nemo de Jacques Rougerie et Hugo Verlomme chez Artaud éditeur (1986) et de rejoindre le site internet de l'architecte ici.
On y retrouve semble-t-il parfois cette folie géniale et abusive, ces formes de coraux construits, ces rêves aquatiques que nous avons aimés, tant aimés.

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