dimanche 6 février 2011

une machine pour voir (et entendre)



Ces deux vues alternant le jour et la nuit nous montrent le relais de télévision (radio ?) à Miskolc en Hongrie.
La construction est réellement superbe. On remarquera que les deux photographies sont prises en contre-bas dessinant encore mieux la forme du relais et nous laissant voir pour la vue de nuit l'éclairage subtil de l'ensemble.
On peut croire en regardant rapidement qu'il s'agit du même point de vue mais en fait, il y a bien un décalage latéral.
Nous avons d'ailleurs le nom du photographe : B. Bakonyi. Il semblerait que les architectes de cette construction soient Miklós Hófer et György Vörös en 1966.

samedi 5 février 2011

les tubes des années 70, volume 4

Revenons aux cartes postales Prestige chez Cap-Théojac.
D'abord avec cette vue étonnante pour son point de vue sur le tube :

Nous la devons à M. Garanger qui serait bien Marc Garanger, le photographe des femmes algériennes dévoilées par la brutalité militaire lors de la guerre d'Algérie.
Notre carte postale nous montre un Centre Pompidou encore sous échafaudage dont la dégringolade du tube s'achève sur une entrée encombrée de détritus de tous genres.
Pour ma part, je n'ai jamais pénétré dans le Centre Pompidou par cette entrée et je ne sais pas si elle fut un jour réellement active.
Pourtant elle disait la grande liberté d'appréhension du lieu, faisant glisser les visiteurs depuis la place vers l'intérieur du Centre ou les laissant se servir à loisir du boyau transparent pour circuler sur la façade comme on le fait d'un sol.
L'image de Marc Garanger dit bien cette aptitude à avaler et digérer les visiteurs et la bouche béante du tuyau offre cette image un rien organique.
Heureusement le jeu superbe là aussi de la structure porteuse du tube offre à la fois la perspective et rigidifie l'objet.
La lumière dont on ne sait si elle est celle du soir ou du matin encore une fois est bleue.
Soleil :


Il s'agit encore d'une carte postale Prestige que nous devons cette fois à l'Agence Top dont je ne sais rien.
Ici c'est la transparence du tube de l'escalator qui est mise en avant avec un contre-jour dont le jaune puissant du soleil fait toute la noirceur.
C'est une image très dure au sens qu'elle ne s'amuse finalement que peu de l'architecture mais semble surtout vouloir la faire travailler contre un élément habituel et pittoresque, le lever ou coucher du soleil.
Vu l'orientation du Centre Pompidou, il ne peut s'agir je crois que d'un soleil de l'ouest donc en soirée.
Mais ce qui m'étonne c'est que nous avons la sensation d'être à l'intérieur du Centre. C'est assez étrange...
Peut-être que finalement le photographe aurait non pas visé l'objet mais son reflet. Je reste dubitatif...
Pour finir cette série (qui reste ouverte) je dirai qu'une architecture reste toujours un moyen de façonner des images.
Il existe pourtant des architectures qui portent en elles leurs images à venir, voire sont constituées pour en produire un certain nombre bien précis (I am a monument !) et d'autres qui par leurs qualités plastiques semblent tout à la fois insaisissables et totalement ouvertes aux regards photographiques, comme un terrain de jeu perpétuel.
Elles sont à la fois l'objet à regarder et l'objet qui permet de voir, machines optiques et de promenades.
Le Centre Pompidou est de cette catégorie, il joue des images familières, même les accuse (industries, usines...) mais également par le lieu même de sa construction et les milliards de contrastes que cela produit, il est un objet vibrant, brisant et surprenant que rien ne semble lasser.
Il est à jamais un étonnement.

vendredi 4 février 2011

les tubes des années 70, volume 3



Cette fois c'est pris dans la structure.
Sur cette carte postale éditée par le Centre Pompidou (donc une image "officielle"), Béatrice Hatala photographie la structure bien reconnaissable et place l'escalator dans le décor, dans son espace comme finalement un élément parmi d'autres.
Pourtant une nouvelle fois, c'est évidemment difficile de comprendre son rôle et sa fonction pour un correspondant recevant cette carte postale et n'ayant jamais mis les pieds au Centre Pompidou.
Il s'agit de la composition d'un paysage architectural assez classique dans son cadrage mais en quelque sorte débordé par les particularités du lieu lui-même comme si finalement pour faire une photographie originale de ce lieu il suffisait de le photographier, l'objet produisant seul l'image.
Une nouvelle fois le bleu domine s'étalant du ciel au blanc de la peinture du Centre.
Il semble possible aussi que depuis ce point de vue, Béatrice Hatala ait voulu nous dire la transparence de cette structure et sa capacité à s'ouvrir au paysage parisien visible en permanence dans les creux de l'image.
On remarque aussi l'ouverture rare aujourd'hui de l'espace d'exposition à l'extrême droite de l'image qui prolonge la longueur et donne une sensation d'espace encore accentuée.
L'image est également vide de visiteur, ce qui ne permet que difficilement d'en comprendre l'échelle.
Là aussi c'est une belle image et un beau document mettant en avant le système constructif d'une grande beauté.
J'aimerai toujours le dessin des appuis de poutres comme des os de dinosaures, des dessins de Tanguy.

jeudi 3 février 2011

les tubes des années 70, volume 2

Reprenons l'escalator :


Cette carte postale a de commun qu'elle est du même éditeur que la première carte postale du message précédent, les éditions Chantal.
Mais il s'agit cette fois d'un cliché de Cl. Rives.
Le tube de l'escalator reste ici encore le centre de l'image et donc, une fois de plus il est censé représenter à lui seul la globalité de l'architecture du Centre Pompidou ou du moins, il est son signe.
Etant donné (le gaz d'éclairage ?) étant donné donc que l'on envoie rarement trois ou quatre cartes postales du même site à son correspondant, choisir cette image c'est bien faire le choix d'une représentation à soi du lieu. C'est en quelque sorte là, l'accord tacite entre le photographe de la carte postale et l'acheteur qui se retrouvent ensemble sur une même représentation d'un objet architectural : ici l'extrémité de l'escalator.
Le photographe en visant ce point de vue limite la perception de la construction à peu de choses. On perçoit le tube, quelques éléments métalliques et des poutrelles.
Il s'agit sans aucun doute d'une manière de dire la fonction de promontoire de l'escalator qui ici perd sa fonction de circulation et de distribution des visiteurs pour ne devenir qu'un balcon moderne sur Paris. Le Paris éternel celui de la colline de Montmartre totalement visée et choisi par le photographe au risque même de faire perdre le lieu de la prise de vue : le Centre Pompidou !
Mais ce qui est assez (très) drôle ici c'est que ce promontoire qui sert à regarder Paris, les visiteurs s'en servent pour... regarder le photographe !
Qui vise qui finalement ?
En effet comment faire ? Soit les visiteurs ont le regard perdu vers Montmartre et tournent le dos au photographe, soit ils le fixent au risque d'ailleurs de se prendre le soleil en pleine figure !
Ce soleil qui fait éclater sa lumière sur le verre de l'escalator en nous offrant tour à tour une lumière chaude certes, mais aussi les traces grasses et poussiéreuses sur la paroi du Grand Verre pas encore brisé...


On admirera l'alternance parfaite homme-femme et l'alternance des appuis sur la rambarde. Savent-ils qu'ils sont photographiés pour une carte postale ? Sont-ils complices du photographe Cl. Rives ?
On peut imaginer un tel rendez-vous de copains aidant un ami(e) photographe à faire son cliché. D'où peut-être leur sourire goguenard...

mercredi 2 février 2011

les tubes des années 70, volume 1

Voici un petit exercice comparatif essayant certainement en vain de déceler les différences d'approches possibles entre les photographes de cartes postales sur un même détail architectural.
L'objet ?
Un mythe : l'escalator du Centre Pompidou.
Je vous donne de suite les deux images.



Celle du haut est due au photographe A. Choisnet pour l'éditeur Chantal. Le photographe est debout, il choisit une des particularités du Centre Pompidou qui fait son succès populaire, le tube de l'escalator. Il ne joue pas trop de la symétrie mais se pose finalement comme un visiteur lambda, regardant la chute vertigineuse de l'engin mécanique et ainsi il vise également sa transparence montrant sans doute le paysage et le point de vue que peut offrir cette étrange fenêtre moderne sur le vieux Paris.
En un sens, c'est un homme qui visite et qui note ce qu'il voit, donc il est dans la réalité constructive de ce que permet de percevoir cette architecture. C'est simplement superbe tant dans le dessin de l'objet, les champs de couleurs (bleu-gris) et le choix de la pointe de rouge de la robe de la femme en bas de l'escalier n'est certainement pas un hasard.
A. Choisnet a ici fait un beau travail que l'on pourrait qualifier en quelque sorte d'objectif, c'est-à-dire tentant au mieux d'être juste quant à une place possible, une réception fidèle du lieu. C'est là un document superbe et populaire.
L'autre carte postale est aux éditions Prestige. Rien que ce nom d'éditeur nous dit beaucoup d'une volonté de différenciation des éditeurs jouant sur le luxe et aussi certainement l'originalité. Si ici c'est Prestige, ailleurs c'est... banal...
Sur l'image le logo de l'éditeur signe comme un cachet la photographie et le dos n'est pas divisé comme les autres cartes postales plus vulgaires. En fait Prestige est une collection éditée par le grand éditeur Cap-Théojac. Ce cliché est dû à P. Dubois et il faut l'avouer sans retard, ce cliché est superbe !
Le photographe à genoux, se glisse entre les deux rampes en caoutchouc, dans cet interstice de verre du garde-corps et vient visser l'angle produit par la courbe de l'escalator, accentuant encore plus sa plongée.
Le jeu des reflets et des lignes courbes et droites forment un travail abstrait qui tout en étant au plus proche de l'objet le rend moins lisible et presque arachnéen. Il est évident que ce cliché est lisible pour celui qui a visité le Centre Pompidou et ne permet en rien d'avoir de ce lieu une image représentative. Il ne construit donc pas une image de l'architecture (le correspondant ne peut "rien en tirer") mais il permet à l'expéditeur de dire combien le lieu offre à la fois une étrangeté et une photogénie.
L'acheteur de ce type de cliché se reconnaît donc dans une attitude d'originalité et de positionnement décalé devant un objet architectural qui est déjà très marqué en ce sens. Il est bien question ici de faire sens (si ce n'est pas œuvre).
P. Dubois cherche, vise, construit son cliché dans cette direction. Il se veut original et pour cela il lui suffit finalement de descendre son corps vers le sol et de viser non plus un espace arpenté par le corps des visiteurs mais un espace que seul l'œil et l'appareil photographique peuvent viser.
Est-ce un lieu valide pour cette architecture ? Sans aucun doute puisqu'il fait image ! Il va sans dire que certainement ni Piano ni Rogers n'auraient pu imaginer ce canyon de verre d'un escalator comme un point de vue sur leur architecture mais finalement P. Dubois leur rend justice.
Les architectes ayant mis les tripes du bâtiment sur la façade, il fallait bien que soudain, comme au travers d'une coloscopie inventive un photographe vise ce tube comme un boyau conduisant un fluide très particulier : les visiteurs.
Ce sont bien eux qui animent la façade et c'est bien ce muscle mécanique qui les digère !
Reste que ces deux clichés pris à quelques centimètres de différence disent beaucoup de la manière dont on construit une image architecturale. L'un servant l'architecture, l'autre s'en servant pour son compte. Mais P. Dubois et A. Choisnet nous offrent aussi tous les deux de très belles photographies dont on doit prendre la mesure mais sans hiérarchie. Comment finalement choisir entre qualité documentaire et œuvre photographique ?
Disons que si je voulais montrer ce lieu à quelqu'un qui ne l'a pas vu, je lui dirais "regarde cette photographie de A. Choisnet" et à quelqu'un qui l'a visité, je lui dirais "regarde nous aurions pu voir ça aussi, comme P. Dubois."
Et je vous avoue que, chaque fois que je passe au centre Pompidou, je cherche systématiquement les deux visées.
Et ce plaisir du retour de l'image sur son lieu, je le dois aux photographes de cartes postales mais aussi bien évidemment aux architectes qui ont permis par leur travail incroyable de nous offrir un lieu ouvert, étrange et poétique.

mardi 1 février 2011

Maurice Novarina en Mairie



Il a pris du recul.
Il voulait surtout montrer la hauteur, l'ambition d'un bâtiment administratif qui, de par ses fonctions est aussi une sorte de déclaration, un signe, une image de la ville.
Alors il a tourné autour de la nouvelle mairie de Grenoble, le pied photo sur l'épaule, regardant aussi les ombres et la place du soleil.
C'était un bon jour pour faire une image et de toute manière c'était ce jour que le patron avait choisi pour l'envoyer à Grenoble.
Il se lamentait un peu des peupliers qui formaient un écran au cadrage jusqu'au moment où, là entre deux arbres, il trouva son cadrage.
Le format serait en hauteur, visant la tour de la mairie, la faisant depuis le bas monter vers le haut et fuir vers la droite.
D'ici, la vache c'est super-moderne !
Et puis le contraste avec les arbres, les branches, les feuilles, cela adoucirait la bâtisse et lui donnerait un caractère encore plus novateur.
Il fallait faire vite, un petit nuage agrémentait le ciel, brisant un bleu trop régulier.
Tout était parfait dans le cadre, les verticales redressées, les horizontales posant la construction, et même la petite ligne bleu sombre des montagnes à gauche.
La mairie de Grenoble ainsi tirée elle aussi vers le bleu jouant de sa façade superbe et de son assise solide de béton au dessin sobre et élégant.
Chez l'éditeur seront ajoutés les noms des architectes Messieurs Novarina et Giovannoni et le nom du film photographique, un Kodak Ektachrome.
La carte postale André sera achetée et expédiée en 1968 vers l'ORTF pour un concours...

On pourra retourner ici pour voir comment une prise de vue change parfois la perception d'une construction.
On y trouvera également la page écrite par Monsieur Amouroux sur cette mairie de Grenoble dans notre guide d'architecture.

lundi 31 janvier 2011

Paris, un nouveau guide dans les mains

Alors que se trame quelque chose d'inattendu sous l'invitation de Jean-Paul Berrenger et de Marc Hamandjian dans les quartiers populaires et sensibles de Rouen, ce dernier, Marc donc, m'offre un guide d'architecture.
(oui Marc me fait souvent des cadeaux et alors ?)



Ce guide d'architecture moderne à Paris 1900-1990 est écrit par Hervé Martin et publié aux édition Alternatives en 1986.
Il ressemble beaucoup à notre guide de Monsieur Amouroux. On y trouve des photographies en noir et blanc, des textes critiques et les informations de localisation. La préface de Monsieur de Portzamparc est superbe et très simplement évoque les questions de l'image, de la promenade architecturale et donne son sens à un tel projet de guide.
Et comme les amis se rassemblent comme les cartes postales, la venue de Sylvain Bonniol (photographe de talent) pour visiter l'exposition du comité de vigilance brutaliste arrive quasiment en même temps.
Alors que faire ?
Rien moins que prendre sa voiture, prendre le guide et courir les rues de Paris pour aller voir si par hasard les images dans les livres disent bien la vérité.
Une ville c'est un mélange :


le bel hôtel de Monsieur Dufau vu en carte postale ici :


l'ensemble de Monsieur Bofill qui reste aussi un lieu des plus surprenants (beau ? juste ?) :





Sylvain Bonniol au travail :


une place constituée du travail de Monsieur Grumbach à gauche et en face de Monsieur Jean-Claude Bernard :

sur l'autre côté, Christian de Portzamparc au travail :


Une façade par Monsieur Zublena dont je connais bien le travail devant l'école des beaux-arts au Mans :


un collage brutal et beau :

Même dans la plus grande laideur, un complexe sportif sur la dalle, on peut trouver de l'étrange :



la barre de Monsieur Dubuisson reste d'une force incroyable :


et que dire de la très belle et sculpturale construction souterraine de Monsieur Chemetov sous les halles :



Mais ce qui nous troubla le plus c'est la pose des palissades autour des Halles. C'est la fin de ce lieu qui s'annonce et c'est déjà un regret profond :


Pour finir, Monsieur Hervé Martin, l'auteur de ce guide d'architecture devra nous donner la traduction ou l'explication de cette mystérieuse inscription sur la page de garde de ce guide :


Merci Marc pour ce beau cadeau et merci Sylvain pour ton regard sur la ville.