jeudi 15 mars 2012

brutalisme Air France

On pourrait à juste titre je crois, définir une partie du brutalisme architectural en suivant l'héritage de Le Corbusier et notamment les maisons Jaoul.
On pourrait définir cela ainsi :
Formes simples mais solides = romanes
matériaux visibles et utiles
esthétique pauvre sans décor ni camouflage de la pauvreté
massivité et économie de moyen
subtilité des espaces, des circulations
accord à la nature
mise en avant du programme
architecture du toucher, du grain.
On pourrait trouver que tout cela conduit la définition vers des termes négatifs, repoussoirs. C'est un peu vrai mais tout est sauvé par le dessin, l'intelligence du programme et son exploitation maximum, la contrainte économique et l'utilisation des matériaux à leur juste raison.
Je le répète : le brutalisme architectural a beaucoup en commun avec l'art roman.
Essayons de regarder par exemple cette très belle architecture que nous connaissons déjà, le village de vacances provençal du comité central d'entreprise d'Air France par A.U.A architectes.
Regardons cette carte postale des éditions du comité par R. Trouilhet son photographe :



D'abord deux voûtes simples aux arcs peu ambitieux mais solides d'une grande finesse de structures mais épaissis sur le fronton. La brique est laissée apparente et contraste avec le béton brut et même un rien rêche. L'ensemble est en appui sur des parpaings juste crépis de blanc dont les joints sont laissés apparents. Ils disent ce qu'ils sont. D'ailleurs cela dit également la légèreté des voûtes puisqu'une seule épaisseur suffit à les porter à leur jonction. L'appui extérieur est lui en épaisseur et forme une corniche le long du mur porteur.
Seule concession décorative, la claustra sous la voûte de gauche. Alternance de vides et de pleins faite de parpaings posés en un damier ouvert.
La cheminée (?) indiquerait que ce petit morceau d'architecture serait une sorte de cuisine extérieure pour barbecue. On devine des bancs de béton à l'intérieur. Le dessin de la cheminée est à lui seul un résumé de cette architecture mêlant sophistication du dessin caché sous une simplicité des matériaux. La brique aussi ici porte le béton qui se plie pour faire signal. Un bien bel objet, un bien beau détail qui démontre l'attention des architectes à faire une œuvre.
Tout cela forme un jeu remarquable d'espaces à la géométrie solide sous l'œil, raide au toucher, abrupte comme un rocher au creux naturel sur lequel on pose ses fesses lors d'une promenade. On le croit naturel alors qu'il est juste.
Équilibre entre nécessité et préciosité.
Une vraie architecture.




mercredi 14 mars 2012

Pierre, Pierre et Vera Vera

Chamrousse a de la chance.
Depuis deux cartes postales, nous allons retrouver le travail de Pierre Szekely que nous suivons fidèlement sur ce blog.
On sait ici les qualités d'approches de l'architecture par ce sculpteur prolifique, on sait comment il a su faire des œuvres praticables à toutes les échelles, celle des enfants grimpeurs ou des alpinistes de banlieue.
On aime Pierre Szekely aussi parce que son registre formel est parfaitement inscrit dans son époque mêlant une utopie joyeuse et des références évidentes à Brancusi ou Jean Arp .
Alors, une fois de plus laissons-nous par les cartes postales surprendre par un travail si riche et particulier.



Il s'agit là du Totem du village de Bachat Bouloud à Chamrousse donc. L'édition de la Cigogne pose la sculpture dans la gauche de l'image pour nous donner à voir le paysage enneigé. Difficile de lire l'échelle de cette sculpture mais aidez vous par les traces de skis au sol...Oui c'est très grand !
Un peu rapidement on pourrait penser à une œuvre abstraite mais bien vite le dessin et les couleurs nous laissent lire une sorte d'ange ou de personnage assis et ailé. J'adore ça !
Belle polychromie, dessin épuré, la sculpture semble surtout être très lisible ainsi de coté. Elle réalise fièrement son travail de signe, de repère. Il s'agit bien d'un totem. L'enfant a écrit dans le ciel sans l'abîmer puisqu'il écrit en bleu. C'est un peu appuyé, Gérard a perdu son D. Je vous mets le verso, c'est truculent ! " mamuse bien stop...envois le soleil stop...gros mimi. stop et point final. Denis "
On notera que la carte postale nomme Pierre et Vera Szekely.
Toujours à Chamrousse :



Nous sommes au centre familial de vacances "renouveau". On remarque immédiatement un traitement d'un mur de béton particulièrement bien dessiné et percé d'ouvertures étonnantes sur une architecture qui, depuis cette image, ne nous apprend pas grand chose. Dépasse de ce mur une chose curieuse, une girouette que l'on devine de métal.



Il s'agit bien pour le mur comme pour cette girouette de cheminée d'une intervention de Pierre Szekely sur une architecture de Henri Mouette. Le site consacré à Monsieur Szekely nous en donne une image superbe de Pierre Joly et Vera Cardot et bien plus parlante quant aux qualités plastique de la réalisations.
Et...miracle des cartes postales, celle que vous avez sous les yeux est également un cliché de Pierre Joly et Vera Cardot. Quand la qualité architecturale s'orne de la qualité sculpturale pour être photographiée par la qualité photographique...On tient certainement une belle chose.
Il s'agit d'une édition des Nouvelles Images expédiée en 1973.
Nous avons donc dans cet article deux Pierre et deux Vera !
Pierre Pierre et Vera Vera !

mardi 13 mars 2012

épousailles

Parce que je vous ai parlé il y a peu de Marta Pan et de l'exposition qui lui est consacrée aux Landes Blanches, je trouve naturel de poursuivre avec André Wogenscky que nous avons déjà évoqué de nombreuses fois ici et notamment pour sa cantine de Marçon.
Ils étaient mari et femme.
Mais revenons sur un bâtiment fort célèbre et d'une grande qualité : la Maison de la Culture de Grenoble.
D'abord cette vue du ciel par les éditions Cellard expédiée en 1970.



On admirera sans difficulté le plan et les formes denses et serrées de la construction formée par la rencontre d'un œuf et d'un rectangle. La carte postale accuse magnifiquement le traitement hardi des surfaces laquées de blanc ou de noir que l'ombre vient encore appuyer.
J'aime tout particulièrement la très longue rampe qui court le long de la Maison de la Culture et l'aspect très refermé de l'ensemble comme une boîte à secrets.
On devine déjà d'ici la sculpture de Marta Pan sur l'esplanade qui semble vouloir s'amuser d'un rapprochement formel comme si elle était, cette sculpture, directement une production de l'architecture, presque une sécrétion.



On notera une faute d'orthographe sur le nom de l'architecte avec l'oubli du C.
Faute que ne font pas les éditions Iris en nommant parfaitement Monsieur WogensCky comme architecte pour cette autre très belle carte postale :



Depuis le sol, nous visons la Maison de la Culture ici mise en relation avec le fond montagneux.
Regardez une nouvelle fois l'alternance du noir et du blanc en bandeaux et comment tout cela est clos vu d'ici. Même l'espace sous pilotis par son ombre forte semble fermé. Tout cela renforce aussi le beau dessin en tendant à l'extrême les formes.
On retrouve, minuscule depuis cette image, la sculpture de Marta Pan.



Cette sculpture porte le titre de... Sculpture !
Comme sa visée depuis les escaliers, en montant vers la Maison de la Culture devait bien dire la manière heureuse dont une forme architecturale et une forme sculpturale pouvaient faire de belles épousailles.

trois cent mille

Merci à tous.
Le blog vient de franchir allègrement les 300 000 pages lues.
La progression est constante.
C'est mon encouragement le plus fort à continuer.
Vivement les 400 000 !

lundi 12 mars 2012

Berlin Philarmonie

Nous allons voir beaucoup de photographies de la Philarmonie de Berlin par Hans Scharoun. Nous allons d'abord regarder comment deux cartes postales rendent compte de cette architecture complexe, difficile à cerner d'un seul point de vue, un rien confuse.
C'est certainement sa qualité, c'est aussi mon trouble car il est difficile de comprendre le labyrinthe construit pour la musique.
Commençons par cette carte postale qui nous montre de nuit la Philarmonie :



La nuit en entourant la construction à la fois camoufle sa complexité mais ajoute aussi à son mystère. Difficile de lire les lieux, d'en comprendre les formes. L'expressivité brisée, la fragmentation, la régularité contrariée de certaines géométries sont appuyées par le noir et blanc et une lumière dure et dramatique à la Murnau.
Une sorte d'architecture hantée... Comme un dessin de Thomas Dussaix.
Tout s'organise...



Depuis la salle de concert, il semble bien que cette première impression disparaisse. On sent d'ici un centre, un point focal dont l'ensemble des pans fracturés voudraient en se brisant permettre de faire le tour. Regardez comme de notre place nous voyons l'ensemble... Regardez aussi le détail des fauteuils qui sont légèrement décalés les uns des autres pour suivre les côteaux des tribunes. Comme des champs de vignes.
Il s'agit bien d'une machine à entendre et écouter, un instrument de musique devenu architecture. Il s'agit aussi d'une cérémonie et de traiter la rencontre entre ceux qui officient et ceux qui reçoivent au plus juste, non pas en jouant le spectacle social mais bien plus dans une sorte d'économie, d'efficacité spatiale et sonore. C'est une expression de l'hygiène de l'oreille.
Les deux cartes postales proviennent du même éditeur mystérieux "Kunst und Bild" qui ne nomme ni Hans Scharoun ni le photographe.
Mais poursuivons avec un très bel objet éditorial '' Berlin Philarmonie" par Ulrich Conrads chez Lettner-Verlag Berlin éditeur en 1964.
Ce livre est magnifiquement mis en page avec des photographies d'une très grande qualité dues à Liselotte et Armin Orgel-Köhne.
Mettant en opposition ou, au contraire, jouant des collages audacieux des photographies de la Philarmonie, le livre nous donne parfaitement cette sensation de labyrinthe, de MerzBau à la Schwitters de la construction de Scharoun.
Les angles brisés jouent les contre-points à des espaces disjoints dont seul le public dans ses déplacements semble donner la mesure et même l'utilité. On se perd dans des lignes, dans une abstraction expressionniste jubilatoire mais aussi déstabilisante. Les doubles pages entièrement couvertes des photographies déjouent les lectures mais parfois, les photographes dans les marges du livre permettent au public de prendre possession du lieu avec humour et humanisme.
C'est un beau livre sur une belle architecture, imprimé avec beaucoup de soin comme on savait le faire à cette période.
Bonne visite !












dimanche 11 mars 2012

Marta Pan aux Landes Blanches

L'occasion m'est donnée de vous montrer deux cartes postales de la ville de Brest :

éditions d'Art Jos

éditions YCA, Photographie de Y-R. Caoudal

Il s'agit de la rue de Siam dont l'ensemble est jalonné par des œuvres de Marta Pan. Ces deux cartes postales sont simplement aujourd'hui un prétexte à vous inviter fortement à vous rendre à l'exposition qui est consacrée à cette grande sculptrice au centre d'art des Landes Blanches.
Nul doute que ceux qui feront la visite pourront apprécier un travail cohérent et ouvert aux très grandes qualités de dessin. Il y a chez Marta Pan une manière belle de tendre une forme, de la percer et de jouer de son équilibre spatial mais aussi matériologique. Une œuvre majeure.
Régalez-vous et rendez vite visite à cette exposition :


Marta Pan, Sculpture
du 1er avril au 20 mai 2012
et du 14 juin au 26 août 2012 inclus
02 40 31 23 98

samedi 10 mars 2012

photo véritable architecture

Deux très belles cartes postales de la Cité de l'Abreuvoir à Bobigny par Emile Aillaud architecte :


Avouez que la prise de vue et le cadrage de cette carte postale Guy pour Leconte éditeur sont curieux.
Nous sommes devant la Place des Nations-Unies mais nous sommes surtout devant une bicyclette !
Parfaitement au milieu bas de l'image, cette bicyclette est visée ostensiblement par le photographe. Pourquoi ?



Pourquoi ne pas avoir attendu que ce vélo soit déplacé ?
Pourquoi ne pas avoir cadré soit un peu plus à gauche soit un peu plus à droite ?
Pourquoi ne pas avoir mis tout simplement le vélo dans son dos ?
Pourquoi également ne pas avoir reculé pour donner également un peu plus de place à l'architecture qui touche ici les deux bords de l'image ?
La seule réponse possible est une volonté ferme de viser ce vélo. Il anime la place, lui donne un caractère villageois. Il pourrait même être celui du photographe. Mais plus certainement, vu l'antivol sur la roue avant, celui de la dame qui s'éloigne vers la boulangerie elle-même signalée par une flèche bleue au stylo-bille par le correspondant pour "donner une idée".



Mais pourquoi mettre son vélo si loin du supermarché et de la boulangerie alors que l'on en devine d'autres bien garés pile poil en face ?
Auriez-vous une idée ?
Une autre carte postale :



Certainement beaucoup plus rare, il s'agit d'une carte-photo c'est-à-dire d'un tirage photographique sur un papier copiant le dos des cartes postales et réalisé le plus souvent à de très petits nombres par des particuliers ou des petits revendeurs. La carte date des débuts de la construction car on devine des éléments de chantier à gauche de l'image. Le tirage est très doux, presque blanc et l'ensemble, je trouve, est d'une grande qualité.
La tour placée au centre est bien encadrée par les deux petits arbustes, seuls points sombres avec les fenêtres de cette photographie.
Il y a là quelque chose de tranquille.