mardi 6 janvier 2009

9 ans depuis le futur

Je me plie à la règle des vœux.
Je m'y plie bien volontiers. J'ai cherché ce que je pourrais bien vous donner comme carte postale pour exprimer à tous mes lecteurs mes meilleurs vœux pour 2009.
Vous avez compris, fidèles lecteurs qu'en ce moment j'ai mis mon énergie dans le sauvetage du supermarché de Sens dessiné par Monsieur Claude Parent. 
J'ai donc cherché quelque chose qui pourrait s'y attacher. Et voilà que j'achète ce livre "Les Pionniers de l'espace" de Steven Caldwell.
Ce livre qui est par son titre une définition même de l'architecte est une vraie madeleine pour moi.
Mon père lisait énormément de science-fiction, je dis bien énormément.
Ses livres avaient souvent en couverture d'incroyables images de cités du futur, engins spatiaux et utopies d'anticipation littéraire. Je me régalais de ces images bien plus que des textes, je fus un lecteur tardif de ce genre de littérature mais j'ai gardé tous les livres de mon père et de temps en temps je glisse mes yeux sur les mots qu'il a lu. Je revois les couvertures. Je n'avais jamais réellement fait le rapprochement entre ce type de dessins et celui de l'architecture prospective. Mais c'est pourtant, pour moi, je crois bien une évidente source de mon goût pour l'architecture de masse, de villes entières de paquebots de béton : la démesure.
Pardonnez moi Monsieur Parent de vous associer à ce type de dessin mais ils se mêlent dans mon esprit avec les vôtres dans la jubilation de voir de temps en temps certains d'entre eux s'établir sur le sol de notre Terre !
J'invoque Jules Verne, Georges Lucas, Stanley Kubrick, ArchiGram, ArchiZoom, Coop Himmelblau, l'ensemble de mes rêves et bien évidemment Monsieur Parent.
Alors je crois qu'ainsi je peux faire plaisir à beaucoup de mes lecteurs et lectrices :
Julien Donada des lieux de tournage
Joachim y trouvera des souvenirs de cinéma
Benoît des mondes à explorer
Claude des points de vue perspectifs
Dominique M. une fantaisie minérale
Alan un peu de son enfance voyageuse
Sylvain des motifs à photographier
Pour tous les autres le plaisir de me voir encore un peu divaguer...
Et vous, Monsieur Parent j'espère qu'une nouvelle fois vous y trouverez mon hommage respectueux. Le dossier supermarché de Sens avance un peu.
Merci à tous de votre fidélité pour cette année 2008 achevée. 
Belle année 2009 à Tous.
"Les pionniers de l'espace"
Steven Caldwell
éditions Fernand Nathan
1980
"Entrelacs de l'oblique, Claude Parent Architecte"
éditions du Moniteur
1981
la Vague noire, maquette en bois


les Rampes en croix, "les croisées"


dessin de Chris Moore

lundi 5 janvier 2009

Sens Oblique, étape 1

Aujourd'hui j'ai modestement tenté d'en savoir un peu plus sur le classement du supermarché de Sens de Monsieur Parent.
La mairie de Sens m'a confirmé qu'il n'existait pour le moment aucune mesure prise à son égard et me renvoie vers les Bâtiments de France à Auxerre. J'ai tout de même envoyé un courrier à Monsieur le Maire de Sens pour l'informer de l'intérêt de ce bâtiment pour sa commune. Nous verrons comment cela rebondit.
Demain j'appelle le Service Départemental de L'Architecture et du Patrimoine de l'Yonne. Il me confirmeront sûrement la position de la mairie mais me donneront peut-être des moyens pour faire avancer les choses.
J'ai acheté une imprimante, elle fonctionne bien, je crois que je vais en avoir vraiment besoin...
J'ai besoin de vous également.

dimanche 4 janvier 2009

en lisant Claude Parent, Nevers.

J'ai déjà tellement publié sur Nevers que j'hésite à vous remettre une des images de cette magnifique église de Sainte Bernadette du Banlay.
Mais je poursuis ma lecture et les pages écrites par Monsieur Parent sont magnifiques. Je crois qu'il faut que vous les lisiez :






vendredi 2 janvier 2009

Sens, G.E.M, un supermarché à sauver


Comme vous venez de le lire Jean Nouvel a travaillé sur le supermarché G.E.M de Sens.
Mes dernières conversations avec Monsieur Claude Parent révèlent un véritable attachement de sa part à ce bâtiment exceptionnel dont il est l'architecte. J'ai eu la chance de le visiter il y a peu (deux ou trois ans) et il était encore en très bon état constructif, à peine camouflé par une peinture et des accroches commerciales. Il appartient je crois au groupe Carrefour qui a malheureusement totalement transformé le supermarché Reims-Tinqueux également de Monsieur Parent.
Sens est un chef d'œuvre.
Ce n'est pas une affirmation personnelle mais la réalité d'une histoire de l'architecture française.
De par son programme, son application de la fonction oblique, sa puissance formelle et conceptuelle et la rareté de son type il devrait être protégé tout comme le supermarché de Ris-Orangis.
Je ne sais pas si actuellement quoi que ce soit est prévu en ce sens, et je vais m'employer à le savoir mais je demande à toutes les bonnes volontés de se joindre à moi pour une action de sauvegarde.
Je ne suis rien seul.
Je n'ai rien pu faire pour sauver Reims-Tinqueux, je n'ai rien pu faire pour sauver La Rafale à Reims également, je n'ai rien pu faire pour sauver le Casino de Royan alors je vais tenter là quelque chose.
Je suis à votre écoute pour des modes d'actions et ce blog sera une liaison entre nous.
Je propose que cette énergie prenne le nom de "Sens Oblique".
Dès lundi je me mets au travail, qui m'aime me suive...
Voici quelques images du supermarché hier et aujourd'hui. Celles d'hier sont tirées de la revue "Architettura" N°208 de 1973, revue italienne à laquelle je tiens beaucoup car offerte par Marc Hamandjian. Les photographies d'aujourd'hui sont de Claude Lothier.







en lisant Claude Parent, de Le Corbusier à Jean Nouvel




Quelques pages plus loin.
Voilà qui est très intéressant. Dans un long chapitre nommé "les collaborateurs" dans lequel Monsieur Claude Parent nous éclaire sur le fonctionnement de son agence et la répartition des tâches à l'intérieur de celle-ci, il explique son expérience de jeune architecte au sein d'équipes comme celle de Le Corbusier et donne son opinion sur la manière de faire travailler à son tour les jeunes architectes qui le rejoignent.
En quelques lignes on passe de Le Corbusier à Jean Nouvel !
La question de la filiation est une belle question. Pour Claude Parent il est question de fusion. Il faut que l'équipe travaille comme un seul homme, connaissant tous l'ensemble du projet, ayant tous le droit à l'écoute donc le droit à la parole. Mais on sent également une grande exigence, la nécessité aussi dans ce mouvement fusionnel d'une grande force de caractère. Il faut donner de la voix en attendant son tour. Je crois qu'on pourrait dire que le collaborateur a le devoir de creuser le sillon (profond autant qu'il veut) mais ne doit pas en inventer un autre. C'est être créatif (le devoir) dans l'absorption complète du concept du patron. Et c'est dur. Ce qui vaudra quelques départs mais ceux-ci sont presque désirés comme une preuve de la compréhension mutuelle et de la filiation. C'est une méthode pédagogique assez droite et claire mais aussi douloureuse. Cela permet, pour le jeune collaborateur de mesurer son véritable attachement à sa liberté et donc à sa propre création. Si je ne peux pas faire ici ce que je suis c'est bien que je suis.
Ce qui est étrange c'est ma joie incroyable de voir le nom de Jean Nouvel dans ce livre. Rappelons que nous sommes en 1975... Et que si je savais l'attachement de l'un pour l'autre, il est remarquable que Claude Parent le cite d'emblée dans sa première autobiographie !
Je vous invite à lire la préface que nous donne Jean Nouvel dans le livre "Claude Parent vu par"
qui commence par ces mots : " Je ne lui dois rien".
C'est cet écart et la possibilité de pouvoir formuler de telles sentences avec ironie mais aussi avec lucidité qui fondent ce type de rapport humain. Le reste de la préface pourrait être la définition du mot générosité...
Alors Monsieur Parent nous indique qu'il a travaillé sur Rezé avec Le Corbusier mais là ma collection a un trou. (Marseille oui, Berlin oui, Firminy oui, Rezé non)
Alors je le comble avec deux cartes postales de constructions de Monsieur Jean Nouvel. Il s'agit de l'institut du Monde Arabe à Paris. J'ai découvert Jean Nouvel par ce bâtiment. Il reste l'exemple puissant d'une compréhension d'un site, de l'invention d'un lieu. J'aurais aimé avoir une carte postale du supermarché GEM de Sens mais je n'en ai point. Il faudra pour le sauver en éditer ?


Ces deux cartes postales sont éditées par l'Institut du Monde Arabe. il s'agit de la façade sud et de la faille. Mot provenant d'un vocabulaire commun avec Monsieur Parent.
Je vous rappelle les ouvrages cités :
Claude Parent vu par...
éditions le Moniteur mars 2006
le fou de la diagonale Claude Parent, architecte
Béatrice Simonot
éditions Acte Sud septembre 2008
Claude Parent architecte 
par lui-même
éditions Robert Laffont 1975

mercredi 31 décembre 2008

en lisant Claude Parent, Ronchamp


Je poursuis l'exercice de lecture.
C'est aussi pour moi l'occasion de m'apercevoir que j'ai peu publié sur Le Corbusier. Il ne s'agit pas d'un manque d'intérêt mais c'est un peu le hasard des publications. J'ai surtout parlé du Maître au travers des autres architectes essayant ainsi de mesurer une influence.
Mais voici que Claude Parent en parle directement et je le suis. Il s'agit ici de Ronchamp car il n'est pas difficile d'y voir une influence pour Nevers.
Il s'agit du même programme, une église, il s'agit aussi d'un tournant important pour les deux architectes et formellement il s'agit aussi de magnifiques roches fracturées posées là indifférentes et fortes.
Monsieur Claude Parent nous apprend que grâce à son frère il a pu à quinze ans rencontrer le travail du Maître au travers de ses livres.
Il nous dit aussi qu'il a dû rompre avec l'héritage d'une manière dure mais vraie en n'oubliant jamais l'influence de ce dernier. (C'est avant tout peut-être avec les héritiers qu'il a dû rompre).
Mais comment ne pas faire le chemin de Ronchamp à Nevers ?
Comment ne pas voir dans la complète et totale compréhension des programmes et leur réinvention, comment ne pas sentir dans la masse protectrice formant à elle seule le site, comment ne pas saisir dans le cheminement même de l'extérieur vers l'intérieur et dans sa révélation lumineuse comment ne pas être troublé par l'inquiétude que procure une forme lorsqu'elle n'est pas immédiatement identifiée à son programme, comment donc ne pas voir le rapprochement strident entre Nevers et Ronchamp ?
L'un, sculpteur cherchant l'imitation obscure d'une coque de crabe, comme si le réel devait l'expliquer et l'autre sur une pression amicale trouvant sa référence dans l'impossible rachat d'une architecture de guerre, ces deux monuments profondément autres, se refusant totalement à tous rapprochements identitaires (faire "église") trouvent une expression formelle grâce également au lyrisme du verbe. Il s'agit aussi d'œuvre du langage.
La grotte sert d'abri au crabe et ici l'histoire nous dit le crabe sert d'abri à la grotte. Des carapaces.
Il faut dire que j'aime aussi de Sainte-Bernadette-du-Banlay sa manière de tenir et l'image qu'elle propulse. Cette église n'est pas un bunker. C'est une image de bunker. Il s'agit, je crois, d'un point de vue constructif de deux coquilles de béton séparées l'une de l'autre et formant une épaisseur pour les yeux, des fentes pour les corps et la lumière et une fragilité bien cachée. Je me délecte de cette idée. Faire masse, abri avec si peu de matière et leurrer l'œil c'est réjouissant.
J'ai arpenté des pentes et des obliques chez Le Corbusier à la Villa Savoye et à la Villa La Roche par exemple. Des promenades courtes mais où le corps fléchit sous l'angle. La promenade y est belle parce qu'on y redécouvre sa pesanteur sous l'inclinaison plane désespérément d'aile. Je l'ai redécouvert chez Libeskind dans l'incroyablement touchant petit musée juif de Copenhague où le sol et les murs se penchent, vous penchent...
Mais de Monsieur Libeskind nous en reparlerons plus tard.



Voici donc la grotte corbuséenne.
Cette photographie de Marcel Blanc éditée en carte postale nous montre des courbes tombant du toit vers le visiteur, une vague lourde retenue on ne sait comment, la blancheur des murs contrastant avec les gris du ciel et la modestie des ouvertures ressemblant à des portes de buffets massifs. Il fait jour à l'intérieur et la matière granuleuse accroche ce jour. Les bancs d'une si grande simplicité sont des reposoirs à peine équarris mais parfaitement dessinés sur le corps.



Retournons-nous et laissons nous prendre par la soudaine luminosité en faisceaux. Surtout voyons comment la fente entre le toit et le mur du fond semble un coup de rasoir produit par l'énergie lumineuse. Quelle idée ! Tout semble si lourd et tout flotte pourtant sur un rai de lumière ! L'incision dit bien soudain la légèreté du béton en voile, c'est comme une tenture posée sur de minuscules plots.
Regardez bien le sol, regardez bien sa pente douce infléchie. Rien ici ne dérange l'impétueuse nécessité de conduire le pélerin vers l'autel. Il glisse.
Mais il devra remonter légèrement sans violence pour atteindre l'autel. Tout doucement. Monsieur Parent a pratiqué cette pente c'est certain, il l'a vécue, l'a suivie. Il s'agit là d'une carte postale éditée par N.D. du Haut et une photographie des Studios Hubert.
Sortons de là, et sous l'œil de Lucien Hervé à ras du sol, le ciel égal donne toute la force à ce toit que j'ai toujours trouvé très... évocateur.
J'ai déjà proposé un cliché de Lucien Hervé sur ce blog. Il fait toujours venir le sol. J'aime le tas de terre à gauche, petite colline inévitable au cadrage ?
Non, affirmation des volumes, respect d'un état du lieu.
La carte est éditée par la société immobilière de N.D. du Haut et fut expédiée en 1957.
Au dos du numéro 1-2 de "l'Art Sacré" consacré à Ronchamp une photographie nous montre un homme arpentant le toit. Il est sur une colline douce et descend cette pente, sentant sûrement le poids de son corps le précipitant vers le sol. Dynamisme retrouvé du pélerin grimpant la butte vers l'église, oblique finale celle de la couverture...
C'est avec celui de l'église de Royan, l'un des toits que je rêve de pratiquer !



En lisant Claude Parent, le Goetheanum



J'ai commencé à lire l'autobiographie de Monsieur Claude Parent.
C'est lui qui me l'a envoyé. Oui. Merci.
Alors au fil des pages et des références, je vais tenter de trouver dans ma collection des cartes postales en rapport direct avec ce qu'il nous raconte.



Je commence avec cette carte postale un peu défraîchie du Goetheanum de Rudolf Steiner. Il s'agit en fait du second Goethaneum de l'architecte, le premier fut détruit par un incendie. Je vous signale que je n'ai jamais pour ma part visité ce bâtiment autrement que par mes yeux gourmands sur une carte postale en 10X15cm.
Je crois qu'on peut ainsi, par un phénomème de sidération, pourtant bien comprendre la raison de son inclinaison naturelle.
D'abord une masse incroyable, un caillou, un minéral à facettes un peu comme l'agrandissement d'une de ces belles pierres préhistoriques à facettes. Eclatée avec tact aux arêtes. Puis dans cette masse des ouvertures étrangement géométriques, planes et orthogonales alors que les alentours du bâti ne sont que courbes. Contraste.
Voyons aussi que les ouvertures, les percées sont occultées ! La transparence ici, sur cette image est bannie. On entre, semble-t-il par une fente au sol qui malgré sa finesse résiste au poids qui l'assiège. (La grotte ?)
L'ensemble est symétrique. La sensation étrange que le bâtiment nous regarde un peu menaçant comme dans les films expressionnistes. (Pas comme la villa Arpel !)
J'aime voir les minuscules menhirs sur le côté du chemin, petites pierres égarées de leur source, rangées comme des petits soldats sous les ordres de la machine-architecture. Ironie des jardiniers ?
La matière du béton est ici superbe, granuleuse sur le toit semble-t-il et lissée à peine sur les flans de la bête laissant deviner les planches du coffrage. Géniaux coffreurs qui fabriquent de tels moules, chantons leur des louanges !
Mettons les Blockhaus (Bunker), Ronchamp et Sainte Bernadette du Banlay les uns à côté des autres et il ne restera plus qu'à transporter le Goetheanum pour que la filiation soit complète ! 
Alors ces jalons articulent une phrase architecturale qui nous forme. Pourquoi ai-je finalement tiré cette carte postale de sa boîte à chaussures si dans une vibration impulsive, il n'était possible de rapprocher ce bâtiment de mon univers de formes. Cette puissance là est fondatrice et il est toujours signifiant de saisir qu'on ne la vit pas seul mais qu'elle est accompagnée par nos prédécesseurs dont le travail ouvert laisse filtrer leurs références. Leur histoire devient un peu la nôtre, nous n'avons qu'à nous souvenir et à tirer encore un peu le fil qui nous relie à eux.
La carte postale est une édition Photoglob.
Le livre de Claude Parent est une édition Robert Laffont, 1975.
Pour en savoir plus sur Rudolf Steiner si étrange et complexe personnage aux théories éducatives incroyables voyez là :
http://www.ibe.unesco.org/fileadmin/user_upload/archive/publications/ThinkersPdf/steinerf.pdf