jeudi 23 août 2012

Alphonse Allais souvent dans le noir

Petite suite pataphysicienne seulement pour dire que, dans les cas extrêmes, les cartes postales sont vraiment impénétrables...
Et aussi pour dire une fois de plus que les Incohérents et les héritiers d'Alphonse Allais sont bien parvenus jusqu'à nous et cela pas seulement par le biais désabusé mais cultivé des duchampiens. Les éditeurs de cartes postales ont pris le relais du paysage nominaliste, celui qui se définit quasi uniquement pas son titre et sa couleur unique : le paysage Primo-Avrilesque, invention du grand Alphonse Allais.
On retournera là si on aime ça... ou ici.
Allez... Fonce...
Faisons comme si de rien n'était !


















Cette carte postale des éditions La Cigogne-Hachette en Hcolor (je n'invente pas !) nous propose donc l'Alsace la nuit. C'est simplement à la hauteur de son folklore, puits, géraniums, et coiffes délirantes. Mais si ! Regardez bien au fond, on devine l'Alsacienne qui la tête plongée dans le puits ne voit que du noir. On notera tout de même que cette merveille éditoriale nomme l'artiste héraldiste R. Louis pour son blason. Au dos le correspondant dans un moment de clarté (sans doute pour échapper à la nuit) déclare : "Si c'est tout ce que tu as à nous montrer sur l'Alsace soit disant fleurie"
Lucidité je disais, lucidité !
Encore ?



















Il faut croire que cette tradition primo-avrilesque a traversé la Manche pour rejoindre nos amis anglais dont la connaissance en littérature française et en humour potache (mais sérieux) est une fois de plus prouvée. Cette très significative carte postale de l'état de Brighton de nuit nous est offerte par les éditions Leo Cards de Eastbourne. Ne cherchez pas il n'y a pas de jeu de mot dans ce nom d'éditeur... enfin je crois.
Là encore on notera l'excellence du commentaire de l'expéditeur dont l'écriture appuyée et malhabile vous donnera son âge. Je dirais 12 ans 3 mois et 2 jours en effet à cet âge précis le stade de développement de l'enfant lui permet à la fois de se fourrer les doigts dans le nez sans hésitation et d'écrire en même temps ce qui produit ce tremblement caractéristique de ce stade du développement de son écriture. Les fautes corrigées et entourées de crayon sont également une preuve de son attachement à une certaine tenue de l'orthographe ce qui disparaîtra dès l'âge de 13 ans ou d'autres attraits bien plus puissants viendront perturber à leur tour l'écriture d'un tremblement plus... enfin... bon. On se demandera ce qu'est une "noumère". Une nounou ? Une mère collective ? Une nonne maman ?
Je vous donne le verso de carte postale :

Enfin un cas exceptionnel puisque totalement assumé :




































Ce rectangle noir n'est pas un aplat monochrome qui revendiquerait la fin de la peinture figurative et décadente dans un registre abstrait empreint de Malévitch populaire, de Soulages trop étriqué. Il s'agit Mesdames, Messieurs d'un Paysage...
Il s'agit rien moins même que d'un événement rare et pourtant saisi ici dans sa pleine et entière territorialité : une panne de courant dans le tunnel du Mont Blanc.
Et là vous voyez poindre le chef-d'œuvre à la fois pictural et poétique. L'auteur dans le même geste met en relation la modernité du lieu (le tunnel), sa contempo contepora contempri contemporanéité (ouf !) avec l'évocation de l'électrification de la montagne mais cas encore plus rare l'auteur associe le noir de la panne et le blanc du Mont... Blanc !
Raccourci, poésie, maîtrise du jeu de mot, qui dit mieux que cette carte postale CAP en Mexicrome et Lumicap en couleurs naturelles ! Et là encore je n'invente rien !
Expédiée en 1971, le correspondant fait comme si de rien n'était, n'évoque pas son choix culotté à son destinataire ce qui démontre une fois de plus le naturel de la proposition presque son académisme de l'humour.
Peut-être que finalement en regardant pendant une heure d'un œil et de très près on finirait par voir quelque chose un peu comme chez Turrell où l'œil finit par se percevoir lui-même en laissant monter son fond.
Quand Alphonse Allais rejoint James Turrell, il est temps d'arrêter d'écrire...
Laissons la nuit tomber.


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