Il l'avait quitté sans regret depuis que son copain Antoine avait disparu. On lui avait proposé un emploi pour la construction de cette ville en banlieue parisienne et rien que le mot Paris, lui faisait peur et aussi envie.
Dans une minuscule valise de carton bouilli que lui avait donné la cantinière du foyer, valise qui était revenue seule d'Indochine, il avait rangé ses quelques vêtements un peu usés et petits et son bleu de travail déjà bien marqué par son apprentissage.
Il avait rangé également son rasoir tout neuf dont il se servait depuis très peu de temps.
Ça faisait rire la cantinière.
Elle fut d'ailleurs la dernière personne qu'il vit au travers de la vitre du car qui l'emportait vers Paris et cette silhouette de femme forte et triste agitant son bras lourd pour lui dire au-revoir serait la dernière image qu'il emporterait de Lille.
Il avait trouvé au foyer des jeunes de Sarcelles-Lochères un nouvel abri à sa jeune vie. Il n'avait pas eu beaucoup le temps de se rendre compte de la tranquillité dans sa chambre car le travail était omniprésent. Il bossait dur, ne relevait que rarement la tête pour voir le monde et la seule chose qui semblait le réjouir était de sentir la ville pousser sous ses pieds grâce, en partie, à son travail.
C'est sur ce chantier et sous la direction d'un jeune ingénieur en béton armé qu'il poursuivit son apprentissage du coffrage. Il devint vite indispensable sur le chantier, comprenant rapidement les difficultés techniques et comment les contourner. Il avait cette intelligence spatiale qui fait les grands coffreurs. Il aimait dans sa tête faire tourner une forme, la saisir presque et cela simplement en regardant un peu les plans mais surtout en écoutant l'architecte ou l'ingénieur lui expliquer la construction à venir.
Un jour même, on le présenta à Labourdette l'architecte en chef de Sarcelles.
Ses compétences grandissant, on lui proposa vite un autre travail cette fois à Epinay-sur-Seine et, à nouveau il avait rejoint un foyer des jeunes.
Il regarda à son arrivée le bâtiment et s'aperçut que naturellement il l'analysait, l'étudiait d'un point de vue constructif. Il sentait sa tête décrypter la construction, chercher les appuis comme s'il pouvait faire l'histoire du chantier dans une forme de film mental accéléré. Il comprit alors devant cette façade que certainement il pourrait sans doute avec un peu d'aide et de la volonté acquérir des connaissances plus grandes et pourquoi pas devenir chef de chantier. Il pouvait compter sur son ami le jeune ingénieur et sur la cantinière de Lille qui dans des lettres, continuait de l'encourager et surtout de l'aimer.
Il décida de s'inscrire aux cours du soir et d'acheter avec ses premiers salaires cette revue qu'il avait vue sous le bras de l'ingénieur : Architecture d'Aujourd'hui.
Sarcelles-Lochères
Foyer des jeunes
éditions Guy
Epinay-sur-Seine
Nouvelle Cité d'Orgemont
Foyer des jeunes
éditions Yvon
expédiée en 1967.
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