mercredi 4 février 2009

pour toi, jeune artiste contemporain


Pour toi.
Tu vas agrandir l'image le plus possible. Tu vas la forcer un peu sous Photoshop en te faisant aider par un ami qui maîtrise mieux que toi le logiciel. Tu n'oublieras pas de le remercier. Puis, si tu as un budget offert gracieusement par une bourse régionale, une aide de centre d'art, une aide à la création tu l'installeras dans un grand caisson lumineux comme tu as vu faire Jeff Wall en 1992, tu étais jeune encore et encore plus impressionnable.
Et puis tu diras un bon discours, tu écriras ta haine de la société marchande (beurk c'est pas bien non) avec plein de fôtes d'eurtograffe (c'est plus créatif), puis tu diras les mots magiques : ville, urbain, utopie, surveiller, punir, politique, concept, société, parasitage, radicalité et puis tu diras les noms magiques ceux-la ils sont très très forts alors vas-y n'en oublie aucun : Artaud, Guy Debord (celui-là il est super-fort), Warhol, Derrida, Deleuze (un autre super super fort), Foucault il y en a tant n'hésite pas !
Alors avec beaucoup d'aplomb tu viendras rejoindre notre groupe. Mon groupe.
Et puis viendront Topor, Perec, ton frère, les gens qui vont chez l'assureur, Georges Lucas, le sucre et ton chat et tu verras notre groupe est tout petit mais il sait rire large, très large de lui-même, mais dans le groupe il y a toujours les grincheux et surtout ceux qui veulent mener le groupe. J'ai voulu mener le groupe.
Mais tout est spectacle tu sais, tout.
Auras-tu vu l'ombre puissante qui traverse l'image et que la Renault 5 semble fuir ?
Auras-tu vu le monolithe de la Tour Fiat ? En connais-tu les architectes, Messieurs Saubot et Jullien ?
Auras-tu vu la gamme chromatique si parfaite de cette image ? Les verts, les bleus doux, les gris et les blancs ?
Rendras-tu cette image à son photographe Monsieur Pinet ?
Diras-tu combien tu dois ton amour pour cette image aux Becher, Martin Parr, Tom Phillips ?
Enfin diras-tu merci à cet art populaire qu'est la carte postale et qui enregistra le monde pour tes beaux yeux, partout du fond des mines aux avions dans le ciel ?

3 commentaires:

Françoise H. a dit…

Moi je vois l'enfermement (Foucault)des travailleurs de la Samaritaine et Auchan dans un bunker horriblement froid, et aussi la nature écrasée, piétinée en bas dans un bac central dépotoir, et puis, bizarrement, des verticales et des horizontales qui s'emboitent avec une fureur complice et forment une abstraction qu'on transforme à loisir...

Liaudet David a dit…

Oui. L'enfermement très propre des employés des tours organisées en "open space" est un autre gage de la surveillance.
Et la nature c'est la gravité.

Joachim a dit…

Sans compter la pincée de fonction oblique apportée avec la bretelle d'autoroute...
Texte très drôle en tous cas.