lundi 20 janvier 2014

épilogue et avenir pour Jean Prouvé à Gond-Pontouvre.




Bonne année 2014 à tous.
Comme ouverture à cette année que vous mettrez avec moi sous le signe de l'engagement pour le Patrimoine Moderne et Contemporain, je vous donne à lire le texte de Jacques Lafon sur les suites de l'affaire de l'école de Gond-Pontouvre.
Si le sauvetage en l'état n'est malheureusement pas accordé, on peut se réjouir malgré tout d'abord d'une mobilisation efficace et forte et ensuite d'un résultat qui ne démérite pas.
On regrettera comme trop souvent en France que ce soit dans l'urgence que de tels dossiers soient traités et que, sans une mobilisation citoyenne, rien n'aurait été possible...
C'est, sans doute, l'option politique choisie pour la gestion de notre Patrimoine.
Mais ne soyons pas amers, il reste encore de nombreux combats à mener partout et surtout, il faut dire aussi que nos institutions et les personnels qui y travaillent font ce qu'il peuvent (très souvent avec une grande énergie et beaucoup de qualités) avec les moyens qu'ils ont...
Alors que l'année 2014 soit celle du combat, celle de votre engagement.
Adhérez à des associations comme DOCOMOMO, inventez-en, signez les pétitions, faites vivre comme vous le pouvez la mémoire de vos constructions modernes et contemporaines autour de vous. Devenez des veilleurs !
C'est là, la seule vraie leçon à retenir de ce cas... d'école...
Bien à vous !

Avant l'été, nous avons écrit au maire de Gond-Pontouvre, monsieur Jean-Claude Beauchaud pour le convaincre de suspendre la démolition du groupe scolaire La Valençaude construit par les Ateliers Jean Prouvé sous la signature de l'architecte Robert Chaume. Plus de mille deux cents personnes signaient cette lettre.

Malgré tout, la pertinence de la composition de Robert Chaume n'a pas été retenue, l'école sera démontéà la fin de l'année sauf un pavillon qui sera restitué dans son authenticité patrimoniale exemplaire de l'architecture métallique industrielle.

Au début du mois de juillet, nous apprenions par La Charente Libre que la démolition de l'école La Valençaude était reportée. Notre action — les mille deux cents signataires de la pétition, les interventions de Jack Lang auprès de la ministre de la Culture et du Maire de Gond-Pontouvre — avait bouleversé la politique patrimoniale de l'État ou permis l'avancement d'un projet enfoui.

Pendant l'été, nous avons rencontré sur les conseils de madame Ségolène Royale, Présidente de la Région Poitou-Charentes, monsieur Fabrice Bonnifait, Chef du Service de l’Inventaire général du patrimoine culturel (Région Poitou-Charentes) : la Région avait alors entamé une procédure d'urgence de l’inventaire de l'école La Valençaude. Maintenant en cours, cette étude est conduite par madame Pascale Moisdon-Pouvreau, chargée de l’Étude du Patrimoine Industriel. Il s’agit d’effectuer la documentation photographique et le relevé de l’école (descriptif et dimensions), d’évaluer son état et d’estimer l’intérêt de celle-ci par rapport à l’architecture métallique et scolaire de la Région Poitou-Charentes, en particulier, les écoles coques construites par les Ateliers Jean Prouvé à Thouars (vers 1954, type Studal) et à Buxerolles (1953, coque standard, cinq classes, préau). Mais l’étude ne pourra être achevée et publiée qu'après l'accord du maire de Gond-Pontouvre, monsieur Jean-Claude Beauchaud.

Le 17 octobre 2013, monsieur Pierre Cazenave, Conservateur Régional des Monuments Historiques (Ministère de la Culture et de la Communication), nous recevait à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, à Poitiers. La réunion s'est tenue dans le bureau de monsieur Fabrice Bonnifait qui avait organisé la rencontre à la demande de monsieur Cazenave. Le conservateur nous expliqua, avec un intérêt sincère pour l'architecture industrielle, le projet que l'État et la ville de Gond-Pontouvre suivraient désormais pour l'école La Valençaude construite par les Ateliers Jean Prouvé.

Le projet détaillé par le conservateur reprend les arguments de la pétition et les exploite plus finement avec les mots de la conservation. L'inventaire patrimonial ne doit pas être réalisé que du point de vue de l'État mais aussi, décentralisation oblige, de celui des Régions et des collectivités. L'inventaire national des œuvres de Jean Prouvé est à peu près complet mais ne tenait pas compte jusqu’à aujourd’hui des œuvres périphériques comme La Valençaude. Or celles-ci sont bien l'héritage du maître et annoncent l'industrialisation du bâtiment.

L'état actuel de La Valençaude ne permet pas son classement comme architecture authentique. La restauration de 1990 a fait trop de dégâts. Aussi l'inspection générale a choisi de ne conserver qu'un pavillon, celui au plus près de la rue de Paris, et de profiter des éléments des deux autres pour le restituer selon les normes de la restauration des édifices classés. Ainsi le pavillon pourra prétendre au label patrimoine XXe voire une protection au type de patrimoine historique (inscription puis classement). Par ailleurs, le plan masse (le geste de Robert Chaume) est conservé dans le projet de la collectivité (les maçonneries sont conservées).

L'État et la collectivité se sont entendus pour que l'État ait la maîtrise d'œuvre du démontage et de la restitution en contrepartie d'une subvention. C'est l'agence de Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques et inspecteur général, qui est mandaté pour le démontage et la restitution. Le démontage sera un chantier d'insertion (versant social et pédagogique, besoin fort de main-d'œuvre pour le tri en vue de la conservation ou en vue du recyclage).

Par expérience, les conservateurs savent que les édifices restaurés tombent en désuétude, voire se ruinent s'ils ne sont pas le support d'un projet qui les occupe. Une partie du projet de restitution d'un pavillon de l'école est pédagogique. Monsieur Cazenave a expliqué que cette période de la construction devrait être aussi une référence pour les filières manuelles. Les travées démontées qui ne seraient pas utilisées dans la restitution deviendraient matériel pédagogique dans les lycées et les centres de formation professionnels de la Région. Le pavillon en serait l'exemple authentique. Mais ce versant n'est pas suffisant. Il faut encore un usage qui soit davantage que tourisme patrimonial. Il y a aussi des questions techniques qui font que le pavillon restauré ne pourra pas recevoir une occupation constante telle que son premier usage scolaire. La proposition du Frac d’y faire des résidences et des expositions d'artistes serait une bonne chose mais sort du domaine de compétence du conservateur. C'est celui d'un ou des acteurs culturels, de la Région, du Département ou d'une collectivité, celle de Gond-Pontouvre ou du Grand Angoulême. Il faut, a dit le conservateur, une cohérence collective du projet (entendre un accord d'une ou plusieurs collectivités et de l'État).

Un conseil scientifique va être réuni pour contrôler la restitution du pavillon. L'État va demander à Catherine Coley et Jean Masson (un collaborateur de Jean Prouvé) d'y participer. Il est aussi envisagé, plus tard, un deuxième conseil plus culturel. Le démontage serait fini fin janvier 2014 et durerait au plus 1 mois et demi.

Pierre Cazenave estime qu'une étude thématique doit être mené sur Robert Chaume dont il reconnaît l'importance mais minimise La Valençaude dans sa carrière. Il note l'apport de Chaume dans le plan masse de La Valençaude mais considère que ce plan correspond sensiblement aux plans masse que l'on voyait dans les Architecture d'Aujourd'hui d'alors, que Chaume n'y donne pas toute sa capacité et lui préfère l'école en briques de Saint-Cybard ou une maison qu'il a faite à Royan.

Si l'on tient compte des conjonctures y compris les politiques (l'État ne voulant pas contrecarrer le projet de la collectivité ; le Maire malgré tout attentif aux problèmes patrimoniaux et acceptant un double retard de son projet), le projet conduit par le Ministère tel qu'il a été développé lors de la réunion est une solution raisonnable : un pavillon restitué dans sa pureté de conception. Bien que l'on puisse regretter la démolition des deux autres pavillons et la perte d'une unité architecturale émouvante au profit d’une authentique construction exemplaire, les leçons de Jean Prouvé entendues dans le pavillon restant corrigeraient l'oubli partiel de Robert Chaume. Si les centres de formations reprennent réellement le projet, cela serait même la continuation de l’enseignement de Jean Prouvé.

Jacques Lafon

Et voici un article sur ce démontage, merci Daniel Leclercq !


mercredi 18 décembre 2013

Traüme von Candida Höfer



Une petite fille allemande se réveille.
Les lits sont alignés suivant strictement la géométrie précise du carrelage. Aucun bruit à part celui qu'elle produit elle-même : froissement délicat des draps de coton tiédis et un peu rêches.
L'air ne passe pas par les fenêtres ouvertes. Et la petite fille ne veut même pas regarder dehors, ignore le ciel, ignore les arbres.
Candida c'est son prénom. Elle avance au milieu des autres lits qu'elle laisse derrière elle. Plis identiques des couvertures, glaçage parfait des peintures. Il lui faut aller vers la porte du fond simplement parce qu'une porte est toujours faite pour être ouverte. Candida n'a pas peur, elle est sûre d'elle, si sûre que ce vide ne l'effraie pas mais la rassure. C'et tout juste si elle est sensible à ses pieds nus sur le froid du sol.


La porte révèle une autre pièce pleine de lits cette fois les uns au-dessus des autres. Aucun corps, aucun enfant, aucune lettre, aucune photographie glissée sous les sommiers. Mais Candida dans sa candeur un peu sérieuse se permet pourtant d'analyser la lumière qui cette fois vient de la gauche. Comment les astres et le soleil ont-il pu ainsi tourner dans le ciel si vite, d'une porte à l'autre. Le temps d'y penser et voilà la petite fille à nouveau en train de pousser une porte.


Le damier du carrelage lui sert de repère pour poser les pieds chacun à leur tour dans cette pièce occupée dans sa moitié par des cages de verre. Chacune comporte un bureau, deux chaises, un évier, un lit d'auscultation.
Sur un dossier parfaitement aligné au rebords de la table Candida voit son nom d'écrit : Candida Höfer.
Le dossier est vide pourtant. C'est l'instant où elle remarque une tête qui dépasse, la tête d'un petit garçon de son âge qui la suit des yeux. Candida l'entend prononcer son nom, il s'appelle Thomas. "Thomas, Thomas Struth et toi ? " dit-il d'une voix si légère que Candida en est troublée, comme si cette voix elle l'avait déjà entendue. Mais rien ne peut arrêter Candida dans sa déambulation, pas même la voix fluette d'un petit garçon. Elle ignore alors l'enfant qui recommence à la suivre des yeux tout en battant de son pied gauche, dans un tic nerveux, le sol. Candida est déjà dans la pièce suivante.


Des tables et des tables et des tables alignées là aussi parfaitement attendent l'heure du repas. Les assiettes sont retournées les unes sur les autres, le vin tiédit dans les bouteilles. Candida n'a pas faim, n'a pas soif. Elle est comme toujours irrémédiablement attirée par la porte du fond, comme si la seule chose qu'elle puisse faire c'est passer ainsi dans le monde, passer devant, dedans, sans personne à rencontrer, à aimer, à suivre, à faire rire, à écouter. Personne. Pourtant tous les objets indiquent, dans l'enfer de leur solitude, la présence des autres. Et Thomas maintenant la suit d'un peu loin. La porte, vite, passer la porte.


Une église dans un paysage tourmenté, c'est ce quelle voit en premier, ce paysage quelle croit reconnaître : un diptyque de peinture entièrement en camaïeux de gris durcit par le blanc des néons des plafonniers. Elle ne regardera pas dehors, les fenêtres sont trop hautes. Et le triangle dessiné point à point par les boules de billard lui fait mal au ventre. La lourdeur de la table de billard lui fait mal au ventre, mais surtout, surtout le désordre de la chaise qui n'est plus à sa place lui fait mal au ventre. Le désordre... Qui ? Le mal au ventre c'est la peur ? Elle saisit alors la queue de billard et poursuit son chemin en regardant la chaise déplacée comme une ennemie. Et, toujours, quelques mètres derrière elle maintenant, la présence du petit Thomas Struth qui répète doucement entre ses lèvres son nom et le sien mélangés : "Thomas, Candida."


Candida pousse la porte de nouveau, une porte plus lourde, plus épaisse qu'elle laisse se refermer seule par son poids. Sa main sent le velours tendu lui échapper et la vison soudaine des sièges d'une salle de projection, d'une salle de cinéma, la rassure enfin. Le brillant du satin du rideau devant l'écran au fond de la salle aussi la rassure. Il n'a pourtant pas la couleur rouge d'un brocard. Pour pouvoir s'asseoir, elle doit basculer le siège et abandonner la queue de billard sur le sol. Elle le fait sans hésiter. Elle remarque alors qu'elle ne s'est pas assise sur le fauteuil directement au bord de l'allée mais qu'elle a laissé une place à sa gauche. Elle sait maintenant pour qui est ce fauteuil vide.
Le petit Thomas arrive et s'assoit à cette place sans hésiter, sans effrayer Candida. Tous deux se regardent intensément, Candida plonge dans l'iris de Thomas comme si leurs yeux allaient se toucher, comme s'ils devaient toujours ainsi projeter leur rayon l'un dans l'autre, comme s'ils devaient se perdre l'un dans l'autre. Mais déjà le rideau s'ouvre dans un bruit mécanique libérant l'écran de cinéma.

Candida Höfer se réveille à Cologne.
Thomas Struth se réveille à Berlin.
L'un et l'autre savent bien qui a organisé ce rêve, qui a construit ces espaces.
Et tous deux s'entendent prononcer très doucement en se frottant les yeux : "Bernd".

mardi 19 novembre 2013

Hyper Shogun


Hyogensha Co. éditions.


Revenir à Kyoto, parce que je n'y suis jamais allé...
Que par les images sur des cartes postales.
Le Kyoto International Conference Hall est bien ce genre de machine devant laquelle je me prosterne. Le béton brutaliste reprend pourtant ici l'héritage formel d'une architecture traditionnelle et c'est dans ce choc d'échelle et de composition que je trouve la plus belle expression de ce matériau capable d'envoyer des images dont la solidité résiste à mon étonnement.
Tout le Japon est là dans ce mélange d'une force sans retenue, même violente, sans concession et dans une subtilité presque tendre à l'esthétique impeccable. Un peu, comme la beauté effrayante, d'un Katana parfaitement aiguisé.
Ça fait mal bien.
Hyper dessiné, hyper tendu, hyper solide, hyper amoureux de son temps et de son histoire l'architecture de Sachio Otani me semble exister depuis des siècles et pour le reste des siècles alors que nous sommes sur une terre qui tremble et dont l'impermanence des formes fonde souvent la beauté.
Sachio Otani, l'architecte de cette merveille est aussi présent dans la collection de cartes postales trouvées par Claude Lothier et toutes adressées à Monsieur Alexandre Persitz dont on sait l'importance pour la revue Architecture d'Aujourd'hui.



Mais étrangement, peu de réalisations de cet architecte japonais ne figurent dans la revue, sauf un article publié en 1951 mais, qui pour une fois, manque à ma collection.
Alors je vous donne cette carte postale reçue par Monsieur et Madame Persitz et expédiée en 1972. On s'amusera surtout dans ce petit texte de la première question posée par la correspondante
 : "Do you agree ?"
Je laisse la famille de Monsieur Persitz nous révéler qui est ce Ysa ? Yra ?
Nous restons persuadés que la réponse à cette question posée à Alexandre Persitz devant l'œuvre de son confrère japonais fut positive.

lundi 4 novembre 2013

Trente tonnes



Daniel attendait la commande debout dans son costume.
Il essayait de rester à l'écoute des désirs de ses deux clientes mais, comme à son habitude, ses pensées vagabondaient. Enfin, il avait pris cette habitude depuis qu'il avait assisté à l'aménagement du nouveau Relais Top de Morainvilliers et qu'il avait discuté avec l'un des décorateurs.
Ce dernier avait ri aux éclats lorsque Daniel l'avait appelé ainsi et lui avait dit qu'il n'était pas décorateur mais designer. Ce mot avait sonné chez Daniel comme un objet précieux et exotique, quelque chose d'américain, de sérieux et de solide.
"une salade du chef avec une Evian"
"...et moi un plat du jour sans frites avec un Orangina"
Mais Daniel n'avait pas entendu.
Les gloussements des deux clientes le réveillèrent un peu mais surtout le sermon de la patronne, Madame Yvette qui était la nouvelle et fière propriétaire du Relais Top qu'elle avait voulu "dans l'esprit des Motels américains que j'ai vus l'an dernier pendant mon voyage aux chutes du Niagara."
Lampes blanches sur fine structure de métal brossé, faux plafond à vagues et grille géométrique avec des spots, sièges en moleskine imitant ceux des automobiles de sport et surtout "beaucoup de blanc, même si c'est salissant, c'est jeune et lumineux."
Daniel reprit son service, rangea à vingt-trois heures sa tenue dans le minuscule placard. Il y rangea aussi son rêve.
De toute manière, au printemps, il partait pour Metz faire son service militaire.
C'est là, qu'il apprit avec une certaine froideur que Madame Yvette fut écrasée par un Berliet de trente tonnes alors qu'elle expliquait sur le parking à sa future belle-fille combien l'architecture de son Relais-Top était moderne.

Attention ! Changement d'adresse pour ce blog ! Même contenu, même auteur !
C'est ici maintenant !





mardi 15 octobre 2013

le monolithe et le fauteuil orange.




Cela faisait bien déjà une demi-heure que Sébastien regardait consciencieusement les photographies noir et blanc des bédouins sur le mur. Il n'osait pas faire signe de nouveau à la secrétaire du Foyer International d'accueil de Paris la Défense qui lui avait dit de s'asseoir dans les fauteuils orange vif du hall d'accueil qu'il trouva moderne comme un vaisseau spatial. Il commençait à connaître les photographies centimètre-carré par centimètre-carré et n'avait pas réussi à comprendre leur rôle ni dénicher leur auteur. Il était venu là, suite à un projet de film qui devait se tourner le semestre prochain. Le projet était mystérieux et on lui avait bien dit de garder le secret sur tous les détails. Le On en question était Jean-François un ami d'enfance qui aujourd'hui faisait des décors pour le cinéma. Jean-François avait pensé que Sébastien ferait l'affaire pour certaines parties du film où des singes devaient intervenir. Sébastien n'était pas dresseur d'animaux mais excellait dans la pantomime et depuis longtemps il faisait l'amusement de sa famille et de son public dans des jeux alliant costumes, mimiques et imitations de tous... poils !
Il fallait pour le film, imiter des singes ou plus précisément des ancêtres des humains. C'était bien mystérieux pour Sébastien qui commençait à regretter d'avoir pris autant de temps pour sans doute rien de plus qu'un rendez-vous raté dans une tour de la Défense dont d'ailleurs il avait eu du mal à trouver l'entrée avec sa Renault 4 si au dernier moment, il n'avait pas vu la direction Boieldieu sur une pancarte verte.


Il gardait entre ses genoux serrés des images de lui lors de ses spectacles et dans sa tête l'image de ces immeubles noirs et sombres comme des monolithes étranges. La Tour du Crédit Lyonnais semblait émettre une sorte de sonorité sourde qui résonnait encore dans les oreilles de Sébastien comme un acouphène.
Il faillit ne pas entendre la voix qui l'appelait pour son rendez-vous. Une voix elle aussi étrangement sourde poussée par un petit homme barbu et chevelu aux yeux globuleux comme des billes. Sébastien compris dans cette seconde que l'homme avait déjà émis un jugement sur sa personne. C'était à la fois désagréable et puissant. Sans doute que l'accent anglais du personnage n'était pas pour rien dans cette froideur distanciée.
Sébastien donna tout. Il sauta, courut à quatre pattes, s'accrocha à la porte, se balança sur le porte-manteau en criant comme un vrai chimpanzé. Il dut même s'excuser d'avoir bavé sur des documents posés sur le bureau mais, là où Sébastien croyait en avoir trop fait, il entendait le rire de l'homme barbu et de la secrétaire.
"Come on come on great great I like it, yes !"
L'homme que Sébastien compris être le réalisateur l'encourageait.
Épuisé, en sueur, la secrétaire lui demanda son âge, sa taille, son poids, ses disponibilités. On lui fit signer un document de confidentialité pour ne pas ébruiter ce qu'il venait de faire et sans autre formalité on le mit dehors. Il sentit pourtant dans son dos la petite claque amicale du barbu réalisateur.


Sur le parvis, dans le ciel bleu, il vit alors le soleil faire un coup d'éclat en haut de la Tour. Il décida de le prendre comme un signe positif de sa future odyssée cinématographique.
Il reçut trois mois plus tard un billet pour Londres. Le tournage allait pouvoir commencer, et bien mieux que toute l'effervescence de ce tournage ce qui le ravissait le plus c'était la perspective de revoir Jean-François et de lui parler du monolithe et du fauteuil orange dans un vaisseau spatial.

N'oubliez pas d'aller voir la nouvelle adresse de ce blog ! C'est ici :

lundi 23 septembre 2013

La Honte à Fontainebleau.


La destruction en cours de la Halle de Fontainebleau restera dans l'histoire la responsabilité de son maire Monsieur Valletoux et de la Ministre de la Culture Aurélie Filipetti.
N'oubliez jamais ces deux noms associés ensemble dans la destruction du Patrimoine.
Pour le premier c'est sans doute une première, pour le second cela devient une habitude, presque une signature.
C'est une honte associée, une responsabilité historique.
Et rien ne sert de regretter si vous ne vous êtes pas mobilisés.
Voilà le résultat de la démocratie populiste française, de la Culture de gauche quand elles s'associent.
Et n'oublions pas le remarquable travail du Cabinet Chavannes qui sait travailler sur des ruines.

Le Comité de Vigilance Brutaliste.

vendredi 20 septembre 2013

lettre ouverte à Madame la Ministre de la Culture.


Nous recevons cette lettre ouverte adressée à Madame la Ministre de la Culture, nous la diffusons, nous la soutenons :

Madame la Ministre,

En qualité de porte-parole du collectif qui milite en faveur de la préservation de la halle de Fontainebleau, je viens vous dire que nous ne comprenons pas l'attitude du Ministère.

En dépit de courriers répétés, du soutien inconditionnel de quinze Grands Prix de l'Architecture et de l'Urbanisme, distingués par les ministres qui vous ont précédée, d'ingénieurs de renom international, de la S.P.P.E.F., reconnue d'utilité publique et, plus récemment, de l'appui expressément formulé par le Ministre Jack Lang, nous ne percevons à trois jours du démantèlement de l'édifice aucune réaction de votre part.

L'erreur d'appréciation manifeste qui selon nous entache votre décision d'abroger fin juillet l'instance de classement du 5 mars 2013 donne donc lieu aujourd'hui au recours contentieux et au référé que nous déposons en ce moment même auprès du T.A. de Paris.

Le collectif et l'ensemble des personnalités que j'ai l'honneur de représenter déplorent d'avoir à assumer des responsabilités qui vous incombent : la préservation du patrimoine du XXe siècle auquel vous venez lors des journées du patrimoine de manifester votre attachement.

Une conférence de presse s'improvise dimanche prochain 22 septembre au marché de Fontainebleau à 11h30 et nous appelons par cette lettre ouverte tous ceux que le sort de cette rare et précieuse nef de béton construite par Henri Bard et Nicolas Esquillan (concepteur des voûtes du CNIT à la Défense) en 1942 préoccupe à nous rejoindre place de la République, plus connue - pour quelques jours encore - sous le nom de place du Marché.

Convaincu que le différend qui nous oppose aujourd'hui ne peut que reposer sur un malentendu, j'anticipe et me réjouis de ce temps - je l'espère prochain - où nous travaillerons tous ensemble dans le même sens.

Les circonstances en offrent une occasion immédiate. Pouvons-nous vous prier de veiller à rendre exécutoire le référé suspensif - c'est-à-dire faire surseoir de quelques semaines la démolition de la halle - jusqu'à ce que le T.A. de Paris tranche définitivement l'affaire, sans doute d'ici au début du mois d'octobre ?

Veuillez croire, Madame la Ministre, à l'expression de ma très profonde et très  sincère considération.

Jean-François Cabestan
porte parole du collectif en faveur de la préservation du marché couvert de Fontainebleau

Nous, Comité de Vigilance Brutaliste nous nous joignons à ce courrier et ajoutons :

Il faut aussi, Madame la Ministre, vous occuper de tout cela, s'il vous plait :

École de Gond-Pontouvre : Chaume architecte, Prouvé constructeur.
Siège Novartis, Rueil-Malmaison : Martin Burckhardt et Bernard Zerhfuss.
Usine FAMAR, Orléans : Jean Tchumi.

Et combien d'autres ?

Et, alors que vous faîtes des déclarations en faveur du Label Patrimoine du XXème siècle, considérez que la parole politique c'est avant tout des actes.
Agissez ! C'est urgent ! 
Vous en avez le pouvoir et la responsabilité.