mardi 14 août 2012

Le Brésil éduqué et soigné.

Au printemps je vous présentais une carte postale superbe du ministère de l'Education Nationale au Brésil. (Ministério da Educação e Saúde, Rio de Janeiro)
Vous retrouverez là toutes les informations nécessaires concernant ce "presque" bâtiment de Le Corbusier en Amérique du Sud.
Mais la collection de cartes postales comme tant d'autres collections n'a de sens que dans la recherche ininterrompue qui finalement bien plus que la possession fait le plaisir du collectionneur. Alors, j'ai cherché et j'ai trouvé deux autres très belles cartes postales de ce Ministère.
Les voici :


















































Imprimées en héliogravure sur un papier relativement léger pour une carte postale elles offrent l'opportunité de saisir les deux façades du Ministère. On perçoit bien le changement de grilles du dessin  mais également on perçoit mieux ainsi l'articulation des volumes sur le sol.
C'est simplement magnifique.
Au verso, les deux cartes postales ne comportent aucune correspondance. Les deux cartes sont de "imprensa nacional" que je crois avoir le droit de traduire par "imprimerie nationale" ce qui est confirmé en quelque sorte par une autre mention inscrite uniquement sur l'une des deux cartes postales : "Serviço de Documentação - M.E.S " un service de documentation du Ministère de l'Education et de la Santé.
Donc il s'agit de cartes postales officielles ce qui prouve bien évidemment le désir de communiquer sur cette architecture moderne. Cela est aussi très rare qu'un édifice public soit ainsi soutenu par ce mode de communication.
Comment les cartes postales étaient-elles distribuées ?
Pour les visiteurs venus admirer le Brésil Moderne ? Pour les officiels qui passaient par ce Ministère ? Les cartes postales étaient-elles offertes lors de campagnes officielles sur la Santé et l'Education au Brésil ?
En tout cas, de très beaux documents et photographies de l'une des plus significatives avancées de l'architecture moderne au Brésil, qui malheureusement ne donnent aucune mention des architectes ! C'est donc certainement plus la modernité du service qui est défendue que la modernité de l'objet architectural !


lundi 13 août 2012

brutalisme de campagne

En partant de deux cartes postales, s'interroger à nouveau sur la valeur de certaines formes dures sur nos horizons posées.
Car, sur la route des vacances (des miennes en tout cas) j'ai pu viser au travers de mon pare-brise quelques-unes de ces constructions utilitaires qui forment souvent les seuls points hauts, les seuls gratte-ciel de nos campagnes : les silos.
Voici un exemple d'une belle carte postale du genre :



















Nous sommes à Castelnaudary devant les silos dont la carte postale Real-photo Cap nous donne même le nom de l'architecte, car, oui il y a un architecte pour ce type d'objet que j'aime beaucoup : ici c'est Monsieur L. Trevisan.
Regardez ce morceau de paysage, comment le photographe fait jouer deux typologies du béton l'une contre l'autre, le pont (système Freyssinet ?) et les silos. La densité des formes du silo lui donne même une allure de ville et la beauté parfaite des verticales s'amuse des piliers du pont. Le ciel est d'un gris Bernd et Hilla Becher parfait.
On sait comment Le Corbusier a souvent utilisé les silos comme génie d'appui pour la modernité, on perçoit pleinement ici la valeur constructive et paysagère de ce genre d'objet brutaliste, valeur accentuée souvent par l'isolement de ces formes dans le paysage. Ils surgissent, montent, pèsent sur le territoire. C'est leur force et leur beauté. Ne dirait-on pas des monuments d'Art Déco tant les décrochements des volumes, cylindres comme des colonnes et piliers aveuglés, génèrent un objet architectural puriste.
Un autre ?


















Cette fois nous sommes à Affreville en Algérie, devant les nouveaux docks grâce à cette très belle carte postale Combier colorisée.
N'est-ce point là un temple élevé à la gloire du blé ? Quatre silos à gauche, deux à droite enserrent une construction qui doit renfermer le système de remplissage du grain (?)
La composition est superbe, le bâtiment surgit tel une bastide imprenable dont les seules ouvertures verticales seraient comme des meurtrières. Au sol, une villa bien sage offre sa géométrie simple. Il s'agissait bien là aussi de dépasser le cadre du programme pour offrir aussi un monument. On rira sans doute un peu des couleurs pastel dans lesquelles je trouve pour ma part comme la trace d'un regard attentif dans leur audace naïve.
Maintenant, sur ma route j'ai vu tout cela et pas seulement des silos. Je l'ai vu au travers de références bien connues et familières mais sans parfois l'œil des défricheurs. Je me suis amusé là, garant la Twingo un peu vite, sautant du véhicule tel un inventeur de trésor à ne voir que le commun des autres. Finalement on est le touriste qu'on peut, accrochant à son exotisme rien moins que la banalité des familiers. C'est aussi cela voyager et voir et cela n'a rien de cynique. C'est une manière d'aimer.

Silos à Toury :

























Ce beau dôme ne vous fait pas penser à Buckminster Fuller ? Il est pourtant en France, sur la Nationale 154 à la sortie de Chartres et n'est qu'un silo pour une gravière. C'est là, sans doute, l'une des plus belles choses architecturales sur ce trajet.

























La restauration du clocher de l'église de Saint Rémy-sur-Avre donne l'occasion d'un volume translucide et diaphane qui me fait penser à Cap Canaveral. Ce bel édifice provisoire est dû à la société Entrepose spécialiste en échafaudages dont je vous conseille de visiter le site pour voir des réalisations époustouflantes ! On notera aussi pour les plus curieux, de très beaux graffittis du 17ème siècle sur les pierres extérieures de l'église.




























Une pizzeria en construction permet soudain de voir une architecture de panneaux de particules dont sans doute cet aspect temporaire sera le seul moment de gloire architecturale !
Allez pour rire un peu, la pizzeria fait partie de la chaîne Del Arte ! On croit rêver... Par respect de l'architecture, je ne vous donnerai pas le nom de l'architecte car croyez-moi il y en a un.




dimanche 5 août 2012

Royan, du ciel 3



















En plein dans le viseur !
Notre-Dame !
Vas-y Michel !
Michel ? Vous ne connaissez pas Michel ? Michel Le Collen le pilote-photographe des éditions Artaud ?
Pourtant c'est bien lui qui est aux commandes. On fonce sur la ville, on la voit vivante et la tache verte est encore un peu sableuse... répondant ainsi à la plage. Comme c'est curieux cette similitude de couleurs.
Mais la ville de Royan est complète : la gare routière, la poste, le Front de mer, Notre-Dame, le Casino et la mer.
Michel passe la main !



















Les éditions Chatagneau (Elcé) nous montrent l'église Notre-Dame dans sa splendeur. Et on nous dit les responsables de cette merveille : Guillaume Gillet son architecte, René Sarger son ingénieur, Monsieur Laffaille son ingénieur-conseil et Monsieur Hébrard son architecte d'opération. Comme ils ont bien travaillé. Mais l'imprimeur a retourné le cliché !
Ce n'est pas si grave. Tout reste ambitieux, tourné vers le ciel, solide et beau. On rétablit !


samedi 4 août 2012

Royan, du ciel 2

Est-ce que les vacanciers, les mémés à gamins, les nounous débordées, les habitués de la Conche entendent notre moteur ?
Nous, nous n'entendons que cela et nous devons hurler nos commentaires au pilote.



















Et pan ! Appui sur l'aile gauche. Le Casino de Monsieur Ferret donne tout ce qu'il a, il articule ce lieu si particulier des villes de bord de mer, cet espace entre le bain et la ville, entre les loisirs et la vie régulière. Il faut savoir faire de ce moment un moment urbain. Monsieur Ferret avait bien su le faire.
Le parking aux bateaux bien rangés, le port.
Les baigneurs bien rangés, les cabines, la plage.
Vroummmm....
On atterrit.


















Les éditions Berjaud, fières d'être de fabrication française nous montrent encore le Casino. Sur sa façade, les couleurs de la Modernité s'alternent. Et le rouge vif du Front de Mer fait vibrer la grille de cette construction moderne.
Même les jardiniers de la Ville de Royan savaient jouer de ces graphismes modernes : triangles, pointes, zig-zags en couleurs vivifiantes comme les tables de Formica toutes neuves.
Suivre les courbes agencées et ainsi l'air de rien aller de la ville à la plage, du privé au public, de l'habillé au torse nu, du chaud au bain frais. Tout est prévu. Soyez tranquille, vous êtes à Royan.


vendredi 3 août 2012

Royan, du ciel 1

Nous aurions pris des cours de pilotage.
Nous aurions fixé des appareils photographiques sur des cerf-volants.
Nous serions monté dans les étages des immeubles voisins.
Nous aurions sauté en parachute.
Nous aurions pu aussi glisser dans la nacelle en osier d'un ballon à air chaud.
Nous serions entre azur et sable, en toit et nuage. Ni trop haut, ni trop bas.
A nos pieds, la plus belle ville du Monde, en construction ou terminée, livrée aux oublis des horreurs de la guerre, libérée, vivante et fière de sa modernité flamboyante, vengeresse.
Et comme tout un chacun, pour perpétuer et raconter cette vie ensoleillée, nous aurions acheté et envoyé une carte postale.
Premier épisode de l'été :



















Pour L. Chatagneau, ce cliché de A. Bouclaud de Rochefort nous montre de haut l'Avenue Aristide Briand et le Nouveau Marché. La ville est dessinée presque terminée. On devine encore les baraquements de commerces.
Prenons le virage à gauche et descendons en piqué dans l'espace et dans le temps :



















Par les éditions Sofer, nous visons par le petit trou du Portique disparu comme au travers d'une serrure, nous visons la mer. Le Marché devient une sorte de rond-point aérien autour duquel nous tournons. Royan sait être une ville, un manège, une plage, un lieu.

mardi 31 juillet 2012

la mort un peu





















Pour ceux qui veulent cuisiner dans un cercueil, ceux qui pensent massif et chêne, ceux qui dans le coin, la tête tournée vers le marron flammé d'un carrelage, font cuire le dégoût, ceux qui le samedi décrochent les rideaux pour la lessive, ceux qui rangent les épices dans les petits pots de la grand-tante, ceux qui dans la cruche en terre versent l'eau du robinet pour rêver à la fontaine en imitation bronze dans le jardin, ceux qui accrochent le dessin de leur cuisine comme une œuvre d'art sur le mur de gauche, ceux qui encaustiquent les vernis pour faire quelque chose de leur journée, ceux qui remplissent le four de poulets fermiers pourtant trop salissants pour ce four auto-nettoyant, ceux qui tout de même ont cédé aux plaques électriques parce qu'il faut être de son temps, ceux qui font la vaisselle en surveillant le noir des fenêtres sur la vie des voisins, ceux qui Pétunias sur le rebord, ceux qui Ficus à l'intérieur, ceux qui croient faire avec cette cuisine comme avec une armoire normande du patrimoine familial, laisser quelque chose à leur enfants. Pour ceux qui vivants, sont déjà morts un peu : une cuisine française.


lundi 30 juillet 2012

un club et la Méditerranée

Nous allons visiter un Club Méditerranée en trois cartes postales. Nous n'apprendrons rien sur le ou les architectes de ce Club d'Agadir au Maroc simplement parce qu'il arrive qu'on ne trouve aucune information !
Mais nous verrons que pourtant ce Village Hôtel a de belles qualités.


















Depuis ce point de vue on peut au moins acquiescer à une grande transparence de l'ensemble puisque les deux parties de cette construction n'arrivent pas à boucher le point de vue sur l'horizon de la mer !
Les reflets dans les vitres troublent encore le rapport entre le dedans et le dehors surtout sur la gauche de l'image. Les vitres descendent jusqu'en bas, le sol est ainsi au même niveau à l'intérieur et à l'extérieur formant une continuité visuelle mais aussi d'espace. Ce trouble est une qualité.
Les formes des constructions sont simples, rien depuis ce cadre ne permet de dire autre chose que de beaux espaces simplement posés, simplement dessinés et posés sur le sol en offrant le maximum de chance au paysage. C'est bien là aussi une belle qualité et une attention.
Si on regarde bien on commence à deviner quelque chose de pourtant particulier.
Encore bien plus lisible là, sur cette autre carte postale :


















Saisissant non ?
Un rideau de fer forgé fait la séparation entre deux fonctions de l'hôtel. On devine la salle à manger à gauche (admirez au passage les beaux sièges !) et le salon-bar aux sièges en rotin bien plus bas.













































Sans doute un espace ouvert aux clients de passage et un autre réservé aux résidents permanents. La grille magnifiquement utilisée ici pour sa transparence et son graphisme vient travailler avec la triangulation du plafond qui fait toute la surprise de ce lieu. Triangulation qui pourtant ne semble pas ici constructive puisqu'elle ne détermine rien de la forme extérieure. Cette "Fantaisie" superbe et forte est encore bien plus visible ici :


















Alors ?
Etonnant non ?
Regardons bien cette carte postale. Et regardons par exemple le pilier de gauche au premier plan. On devine qu'il récupère la triangulation du plafond par 4 barres qui forment les arêtes de la pyramide. Chacune d'elles reçoit à son tour les zébrures de baguettes (de bois sans doute) qui font le jeu formel de ce plafond. Pourtant ce qui est un rien étrange, c'est que cette pyramide semble bien articuler une forme en creux dans le toit de la construction. Peut-on croire à un caissonage par l'envers du-dit toit ?

























Voyez en tout cas comment cela a une grande ampleur. Pour cela regardons le détail du barman qui pose sa tête à la rencontre de la pointe pyramidale.
Tout cela est bien spectaculaire !


























Mais voilà tout ce travail, cette attention architecturale, restent anonymes. On pourrait rêver à Zevaco mais l'extérieur semble un peu sage et je ne trouve vraiment aucun indice sur cette possibilité. Alors ?
Qui dessina ce beau Club Méditerranée à Agadir ?
Les trois cartes postales sont des cartes-photos dont seules les mentions de lieux et la marque Gevaert du papier photographique figurent au dos.

La réponse arrive le jour même (!) par notre ami Philippe Perreaudin, alors je ne la laisse pas dans un commentaire mais vous la livre directement dans l'article:
l'architecte est Emile-Jean Duhon et les aménagements sont de Ludmila Weiler. Philippe Perreaudin trouve cette source dans L'Architecture Française, N° 303-304, 1967, Page 79-82.
Voilà qui est précis, concis et rapide !
Nous aurions pu penser à Duhon effectivement qui avait déjà réalisé à Agadir le très beau restaurant La Réserve que nous avions vu ici même.
Merci donc encore Philippe Perreaudin.