mardi 10 juillet 2012

Toit et Joie ? C'est sans doute vrai.

Il y a comme ça des constructions auxquelles on s'attache.
D'abord parce que la carte postale semble avoir voulu les représenter à plusieurs reprises, les faisant arriver dans nos cartons par épisodes successifs. Puis aussi parce que leur allure ne laisse pas indifférent, offrant une image de qualité, d'originalité toute particulière. Mais l'autre élément qui produit cet attachement est leur nom.
Ici, attachons-nous à Toit et Joie.



















La carte postale Scintex nous montre en Italcolor la très belle et rythmée façade de Toit et Joie, immeuble des P.T.T à Fresnes. On devine une typologie complexe des appartements qui fait la vibration de cette façade et sa rupture au centre par une sorte de colonne d'appartements d'un autre type encore. Presque tous semblent avoir un balcon ou une circulation externe et des ouvertures généreuses.














































A n'en point douter, il y a là une volonté architecturale, un travail fin, un désir de faire un objet abouti. Des détails comme le toit qui se termine en une succession de doubles pentes ou encore la gestion du rez-de-chaussée mais surtout le choix des matériaux démontrent bien que cette barre se différencie du commun, joue une partition agréable.
Toit et Joie sont en fait des constructions pour les P.T.T, certainement à l'origine pour offrir aux personnels des logements sociaux dignes et de bonne qualité. D'ailleurs la société immobilière existe toujours et on y apprend que cet immeuble de Fresnes sera bientôt réhabilité. Espérons que les architectes qui s'occuperont de ce travail seront attentifs au travail de Monsieur Chatelin, l'architecte de ce bel exemple à qui l'on doit également le Musée de La Poste à Paris. On trouve ici la fiche de la réhabilitation effectuée par l'agence RVA.
Je crois que nous devons remercier les cartes postales de nous permettre à nouveau de conserver une image de Toit et Joie dans son époque, et pour les moins fidèles d'entre vous, je donne à nouveau l'autre carte postale de ce bel immeuble qui cette fois est chez un autre éditeur : Raymon. On y voit l'autre façade tout aussi belle.



lundi 9 juillet 2012

croire, croire ce que l'on voit


















On pourrait y croire.
Regardant la vallée à ses pieds, la nouvelle église de Tignes des architectes Pantz et Fay, offre un point de vue magique sur une montagne un peu floue.
Son toit qui remonte en pointe n'est pas sans évoquer celui plus complexe de Ronchamp. Bien campée sur la rocaille, la petite église s'inscrit ainsi dans son paysage, jouant de sa similitude formelle avec la nature tout en étant clairement une construction. Sans doute se veut-elle modeste mais fière dans le même instant.
Du moins... c'est bien ce que nous laisse croire cette incroyable construction d'image par S. Rimmer son photographe. Car ici, c'est bien la maquette de l'église que nous voyons, maquette posée sur un morceau de paysage aux sapins en liège, paysage à son tour placé devant le réel de la montagne. Le noir et blanc tente bien d'égaliser l'ensemble, de produire un collage invisible mais le leurre ne fonctionne que très mal et c'est bien là la poésie de cette carte postale. La mise au point de l'objectif photographique fait la part belle au premier plan mais n'arrive pas à faire la netteté du second...
La carte postale nous donne une autre information : l'entrepreneur est Louis Anselmo et l'ensemble est daté de 1959.



















Du même éditeur et de cette même église nous avions déjà vu cette maquette. Mais je vous propose encore un autre point de vue, cette fois inédit ce qui prouve qu'une série complète avait dû être produite autour du projet de construction de cette église de Tignes.


















La référence au Corbusier est évidente même si l'ensemble est bien moins complexe, plus calme, plus tempéré. Mais cela depuis cette image ne manque pas d'audace. On regardera le détail du toit qui laisse un léger espace entre lui et le mur, une fente tout le long. L'aspect ainsi de bloc doit être contrarié par la visite interne qui doit révéler des luminosités inattendues. On devine comme à Ronchamp un autel extérieur ici :

























Je ne possède par malheur aucune carte postale de cette église construite ! Et ne trouve aucune image dans mes livres pourtant nombreux sur l'architecture sacrée !
Espérons que ce vide n'est pas le signe d'une bouderie sur cette église !
Je vous promets que, dès que l'occasion s'en présentera, nous reparlerons de cette église pour à nouveau tenter de l'inscrire dans le réel.

dimanche 8 juillet 2012

beauté dijonnaise

Revenons sur une architecture détruite, rasée, perdue à jamais.
Revenons sur l'implacable et belle Cité Billardon de Dijon.
Cherchons un point de vue :




















Encadrée entre deux troncs d'arbres puissamment sombres et noirs, la perspective de la Cité Billardon prend place exactement entre ces deux fortes cales.
La dureté est totale et franche, le contre-jour construit l'image en opposant le naturel à l'artificiel, la géométrie au fouillis, l'angle droit à la tache.
Quelle carte postale !



































Il s'agit là d'une édition Combier sans date ni nom d'architecte. On devine que la Cité Billardon est toujours en chantier car des tas de terre sont encore au pied de l'immeuble : cela signe l'impatience des éditeurs de cartes postales à faire des images, à trouver un marché. On imagine la promenade dans le ventre vide de la Cité, les odeurs de ciment frais, les espaces encore silencieux. Ce point de vue permet de saisir aussi la relative finesse de l'épaisseur de la construction eu égard à sa longueur : presque fragile.
Un peu plus à gauche :


















On devine encore à droite le feuillage de l'arbre vu sur l'autre carte postale. La grille ici révèle sa force et sa régularité. Les tas de terre ont disparu et les autos des habitants viennent se garer. La Cité Billardon est maintenant habitée, vivante. Pourtant tout est bien neuf encore, le traitement du sol au pied de l'immeuble reste libre et les herbes folles ne dérangent personne.
Cette belle carte postale est due à E. Protet éditeur et photographe. Au dos de la carte postale le correspondant parle de l'enfant qui joue dans la neige et affirme que la seule distraction est l'entretien de la cuisinière !
La Cité Billardon fut détruite en 2003. Elle s'écroula avec son Label Patrimoine du XXème Siècle.





samedi 7 juillet 2012

couleurs franches, architecture franche

























Je pourrais aussi bien faire semblant de ne pas voir.
Vous parler de l'architecture remarquable de ce Rathaus de Kaiserslautern par le Professeur Roland Ostertag, dire mon admiration une fois encore pour les monstres fiers et radicaux. Vous chanter la poésie du béton monolithique coulé en tonnes dans des coffrages de bois sur des structures métalliques arachnéennes.
Je pourrais aussi bien vous dire mon trouble devant les ombres menaçantes et impassibles à nos vies, de ces tours, délires puissants de mégalomanie utilitaire, je pourrais bien dire aussi la régulatité poétique d'une façade striée, de volumes en décrochés, d'un gris parfait.
Mais mon œil ici rencontre un obstacle de poids à mon habitude : la couleur.
Et le chatoiement acide des automobiles populaires me ramène à une jubilation pour les carrosseries de ma jeunesse.
La Renault 4 est solide à ces nostalgies, celle par exemple des mains fines et grandes de mon père sur son volant gracile. Son rouge tente de pâlir l'orange germanique d'une Coccinelle VW. De ces voitures à propulsion je ne sais rien d'autre que le peuple allemand poussé par le cul dans une automobile voulue par un type pas très sympathique. Comme quoi le design trompe son monde. Mais là, dans cette image, je ne vois que les couleurs. Du bleu, du orange, du rouge du vert... Où sont passées ces couleurs sur nos automobiles ?
Mais revenons à la carte postale, à cette image. Placer ainsi le parking au premier plan d'une carte postale qui vise ostensiblement cette construction n'est pas un hasard. Il ne fait pour moi aucun doute que le photographe des éditions Michel and Co de Frankfurt essaie ici quelque chose que je pourrais rapprocher des manières diverses de fleurir les premiers plans !
Disons que les couleurs des autos servent de géraniums et de pétunias à cette carte postale. La joie par les couleurs des carrosseries. Et le contraste fonctionne parfaitement, mettant en doute la parole de Raymond Depardon sur les automobiles qu'il chasse de ses images.
Si elles forment un repère temporel évident, elles ne sont pas des témoins gênants aux époques de nos vies mais au contraire, toujours une source vive des qualités du Monde à un moment précis et en un lieu précis.
Il n'existe pas de neutralité.

vendredi 6 juillet 2012

finalement comme une ville banale

Parfois les photographes de nos cartes postales sont inconséquents. Regardez :




















Comment et pourquoi le photographe de cette carte postale Artaud Frères a-t-il décidé de viser ainsi la jardinière gigantesque de la place devant le centre commercial de Mantes-la-Jolie au Val Fourré ? Il faut dire que, à une échelle différente cette jardinière pourrait bien avoir des allures d'architecture brutaliste qui nous ravirait ! Regardez le détail de l'écoulement du surplus d'eau, détail typiquement tiré de l'architecture post-corbuséenne ! Pauvre Le Corbusier me direz-vous ! Mais si nous regardons encore un peu mieux nous nous apercevons que cette jardinière est en fait une bouche d'aération certainement d'un parking sous la dalle sous nos pieds !
Le photographe a-t-il tenté là l'ultime floraison de sa carte postale en cadrant ainsi ces rosiers rouges qui viennent même s'aligner sur les parasols du bar tabac ? Manière de coller au nom champêtre du lieu : fourré, jolie, val ?
Nous voyons finalement peu de chose de l'architecture de Mantes sur cette image. Nous voyons quoi ?
D'abord de belles typos !














Le mot dressoir (?) écrit aussi au fond... Et beaucoup de petites voitures italiennes : un concessionnaire Fiat et Autobianchi ? Le soleil est au zénith, l'ombre tombe franchement. La carte postale fut expédiée en 1975.
Pour voir mieux le Val-Fourré :










































La carte postale Estel nous montre la hiérarchie des lieux. Au centre la Foi et le plaisir avec l'église et la patinoire, les deux seules constructions visées pour elles-mêmes. Autour, la rue, les immeubles, la ville qui nous donnent à voir d'un peu loin l'école, les monuments, les rues, les parkings.
Finalement comme une ville banale.
Difficile depuis ces images de vivre la ville. On peut simplement dire que là, comme ailleurs, une certaine pratique sociale voulait que pour donner des nouvelles, au dos d'un carton imprimé d'une ou de plusieurs photographies, on écrivait sa vie, ses souhaits, ses désirs. On descendait au pied de l'immeuble, on achetait le journal et là sur la gauche un tourniquet proposait ces images. Il fallait choisir. Celle-ci avec plein d'images ou celle-ci avec le beau centre commercial ? Dans quelle image je me reconnais le mieux ? Quelle image ai-je envie de donner à voir de ma ville ?
Aujourd'hui sur Google images, dès la sixième image du Val-Fourré, les tours s'écroulent sous les explosions et une voiture de Police fait sa ronde.
Finalement, comme une ville banale.






jeudi 5 juillet 2012

Répondez moi Lina

Elle avait la force de croire que le matériau est une substance. Elle avait compris que cette force remplace la matière et allège ainsi la structure. Elle avait parcouru les espaces libres sous les branches hautes des arbres, elle avait vu ce réseau comme un toit.
Elle avait voulu léviter dans tous les escaliers.
Elle avait dit aux hommes que sa puissance était sa poésie.
Elle avait des ponts retenu surtout la suspension. Elle avait assouvi un cheminement dans les airs, senti le béton comme un allié, un bras tendu et musclé.
Elle voulait une protection transparente et libre. Elle voulait danser dedans, voulait embrasser les foules, jouer avec les regards.
Elle s'amusait de son audace mais en fut elle-même surprise.
Elle aura construit le plus incroyable musée d'art moderne, le plus brutal, le plus radical, le plus beau.
Elle aura dessiné le Musée d'art Moderne de São Paulo.
Lina Bo Bardi, c'est son nom.




Au dos de la carte postale Brasilcolor, d'étranges notations. Des radio-opérateurs ? On remarquera que la structure n'est pas recouverte de ce rouge qu'on lui connaît maintenant.
A Madrid, dans le fabuleux (Fa Bu Leux) Musée Reina Sofia par Monsieur Jean Nouvel, nous avions vu une exposition sur l'architecture brésilienne et avions vu déjà ces belles projections de Lina Bo Bardi. Il s'agit d'un autre projet le Museo à Beira do Oceano (photo Hans Flieg). On retrouve d'une autre manière l'objet suspendu, ouvert, horizontal :







Dans le numéro 49 de 1953 de la revue Architecture d'Aujourd'hui, je trouve la maison de Lina Bo Bardi dessinée par elle-même. Toute la modernité est concentrée dans cette maison. Toute sa révolution, sa légereté, sa transparence. Et, là, sur les photographies, l'élégance d'une silhouette féminine.
Est-ce vous Lina ?
Lina ?
Répondez moi Lina... ne partez pas... Lina... Lina...

































mercredi 4 juillet 2012

documents Documenta 13, Updating Kassel !


Voici la preuve de la vitalité de la carte postale comme moyen de communication outre-Rhin.
Trouvées dans un lieu d'exposition consacré à l'architecture dans la gare de Kassel, ces quatre cartes postales gratuites m'ont simplement fait découvrir l'exposition en question. En effet, si mon œil n'avait pas glissé sur ces dernières présentées à l'extérieur, je n'aurais pas vu l'exposition !
L'exposition tente de faire connaître la ville et l'architecture contemporaine de Kassel. Il s'agit de populariser les projets, d'offrir des expériences et de démontrer la vitalité de l'urbanisme.
Au dos un petit texte évoque le devenir et l'expérience de l'architecture si j'en crois... le traducteur Google !
Sur ce site tout en allemand Updating Kassel.blogspot, je retrouve mes cartes postales et d'autres... que je n'ai pas eues sur place ! On devine tout de même le travail riche et même beau d'inventaire de la ville!
Faites-y un tour !
On notera aussi que les cartes postales sont déjà adressées !
Je vous donne donc le recto et le verso de chacune d'elles. Du point de vue stylistique, on retrouve bien l'effet boring des cartes postales à la Martin Parr sans doute accentué par la typologie des constructions en question. Le cadrage est plus inventif, le choix des lumières plus étrange. C'est le piéton qui cadre, invente le rapport à la ville, appareil en bandoulière. Vous verrez que, par hasard, j'ai retrouvé le parking et que, sans la carte postale trouvée quelques minutes avant, je n'aurais pas "vu" cette architecture, preuve de la réussite de la démarche, preuve que l'image imprimée valorise en quelque sorte la rencontre fortuite !
Allez !
En visite !






 




















Quelques images de l'exposition Updating Kassel :
des images d'une installation de Topotek 1







Sans titre par le Professeur Christoph Mäckler, architecte. Les photos ne rendent pas la belle qualité des images !





ECB, Love architecture. Des fils phosporescents tendus dans l'espace noir !





















Le parking retrouvé !