mardi 6 mars 2012

Américaine, latine, brutale et si douce architecture

Dans ma collection sont parfois mal rangées des cartes postales (souvent en fait).
Mais tout de même, j'en connais bien l'ordre aléatoire fait de paquets reconnus, d'ordre d'acquisition et d'une mémoire visuelle assez forte. (Oui, je suis bien en train de m'auto-complimenter.)
Alors j'ai soudain décidé de rapprocher des cartes postales ayant comme seul point commun le continent sud-américain.
D'abord deux cartes postales en véritables photographies de l'un de mes endroits les plus rêvés et imaginés. Vous connaissez déjà un peu :



Les deux cartes postales nous montrent l'église de Pampulha, Bello Horizonte, de Monsieur Oscar Niemeyer.
Les vagues de béton n'en finissent pas de me fournir des vols transatlantiques entre le Brésil et Royan. Que cela danse ainsi le béton, que le dessin dans sa liberté puisse simplement être enregistré, que l'art mural le plus remarquable vienne dehors habiller les murs, que la modestie des formes soit en fait un exercice d'équilibre sophistiqué, m'émeut toujours. Et même le nom de Pampulha... qui s'achève dans une douceur exquise, repris vers les paysages inconnus de Bello Horizonte me comble... Pampulha.... Pampulha.... Pampulha....Bello, Bello, Bello Horizonte...
Mais j'aime aussi la rigueur, la masse, une certaine dureté...



Alors ce théâtre de Caracas me ravit. Enfin ce que je peux en voir depuis cette carte postale Intana.
Des circulations entremêlées, du béton gris magnifiquement moulé, des masses aveuglées, des excroissances fonctionnelles et mystérieuses, des occultations noir de jais me comblent de joie.
(Oui j'ai envie de lyrisme aujourd'hui.)
Les architectes de ce théâtre seraient Lugo Marcano, Sandoval et Kunckel.
Et si nous allions au restaurant :



Oui. Je sais. A moi aussi cela me fait cet effet...
Monsieur Felix Candela l'architecte de ce qui est sans doute l'un des chefs-d'œuvre de l'architecture moderne a fait ici un modèle, un étalon à la beauté plastique et à son alliance avec l'exploit technique. Quelle forme ! Quelle audace ! Regardez, regardez l'épaisseur de cette coquille moulée ! Nous sommes au restaurant moderne Los Manantiales.
(...des frissons je vous dis...)
Merci aux éditions Ammex Asociados et à Mark Turok pour ce beau cliché bien vivant. On regrettera que Monsieur Candela ne soit pas nommé.
Pour finir avec ce continent lointain :



Finalement assez proche de Felix Candela !
Il s'agit d'une maison collective des indiens Marikitari au Venezuela. Attention à bien saisir l'échelle de cette très grande hutte ! Voyez la taille des visiteurs ! Il s'agit d'une magnifique forme savante sous le soleil.

lundi 5 mars 2012

Suisse Polyester

Je sens que vous allez adorer cette carte postale et surtout son architecture.
Je sais que certains d'entre vous sont des amoureux du Pop seventies mais je sais aussi qu'au-delà de cette ambiance, les architectures triviales ont votre préférence...
Regardez-moi ça !



Cette carte postale en multi-vues nous est proposée par Verlag Photoglob AG. Elle nous donne à voir l'Autobahnbrücke Pratteln, donc un pont autoroutier en Suisse à Bâle.
Mais ce qui est assez amusant c'est bien le contraste entre la façade extérieure et son intérieur !
D'abord au dehors :






Les spectaculaires ouvertures en polyester moulé orange donnent le ton d'une architecture Pop et joyeuse qui pourrait indiquer la sortie vers une piscine Tournesol, Une bulle six coques, ou le Centre Pompidou. Sur ce blog, nous avons l'occasion déjà de nous réjouir de la qualité parfois réelle de ce genre de programmes qui font de nos parcours sur les autoroutes européennes parfois de beaux moments d'architecture.
L'autoroute est un canyon que la construction doit traverser en occupant un espace finalement peu coûteux : le ciel de la route !
L'édifice sert à la fois de passerelle et de pont et aussi de signal sur la route. Avec une architecture aussi marquée, la construction devient un repère, un relais. On imagine facilement les conversations dans les autos rapides : "On vient de passer le pont orange, on arrive bientôt..."
Mais aussitôt descendu de la voiture, le passager qui montera à l'intérieur se retrouvera dans une ambiance certes moderne mais aussi assez... campagnarde !



Pas de folie de design ici, du rassurant, du classique saupoudré d'orange et de bois clair pour faire moderne.
J'imagine qu'aujourd'hui tout ce décor a été remanié et que la boulangerie en bois et four apparent a fait place à un café Wifi aux sièges de chez Vitra !



Enfin... j'espère...
Mais ce qui est encore plus surprenant c'est que cette architecture, ce pont autoroutier de Pratteln a fait l'objet d'un article dans Wikipédia ce qui permet de connaître le nom du cabinet d'architecture : Casoni et Casoni !
On trouve également toutes les autres informations nécessaires... C'est bien la preuve que cette architecture autoroutière et de polyester trouve finalement des regardeurs, des amateurs. Il faut dire que la construction affiche bien tous les signes d'une modernité (d'une mode ?) aujourd'hui un peu disparue.
Dans le numéro 148 d'Architecture d'Aujourd'hui (1970), je trouve un article sur Carlo Casoni et sa maison "Rondo".
On y retrouve tout le vocabulaire de la maison en plastique moulé qui fait parfaitement écho à notre pont autoroutier, sorte de base avancée pour décollage de soucoupes volantes !
Le décollage est imminent !






dimanche 4 mars 2012

la donation de Mr De Barbarin, volume 3

On continue l'exploration de la belle série de cartes postales offertes par Monsieur de Barbarin qui nous montrent les photographies de Jean-Michel Landecy pour le Grand prix d'Architecture, d'Urbanisme et des Paysages des Bouches-du-Rhône :


Les contrôleurs aériens, Marignane, 2008, Corinne Chiche et Eric Dussol
Service spécial des bases aériennes du sud-est


Ecole Nationale des Officiers Sapeurs-Pompiers, Vitrolles, 2008, CCD Architecture
Ministère de l'Intérieur


Le Blok, Marseille, 2009, Julien Monfort
Maître d'ouvrage privé


Cuverie de Château Lacoste, Le Puy-Sainte-Réparade, 2009, Atelier Jean Nouvel
SCEA Château Lacoste


Billetterie des Thermes de Constantin, Arles, 2009, Daniel Fanzutti
Commune d'Arles


Maison de l'Enfance, La Roque-d'Anthéron, 2009, Corinne Chiche et Eric Dussol
Commune de La Roque-d'Anthéron


Maison de la Solidarité, Marseille, 2009, Jean-Pierre Manfredi
13 HABITAT


Collège Jean Jaurès
La Ciotat, 2008, Poissonnier Ferran
Conseil général des Bouches-du-Rhône


Accueil étudiant CROUS des Gazelles, Aix-en-Provence, 2008, ILR Architecture
Rectorat de l'académie d'Aix-Marseille


Gymnase de la Viguerie, Cassis, 2007, Jérôme Apack et Christophe Flachaire
Commune de Cassis


Bureaux en Conteneurs, Allauch, 2007, Denis Soldaïni
Maître d'ouvrage privé

la donation de Mr De Barbarin, volume 2

La suite de la donation de Monsieur de Barbarin est constituée de fiches qui ont presque tout pour être des cartes postales. Ne manquent que le trait médian et la place du timbre !
Mais il s'agit à n'en pas douter d'une belle série.
Le photographe Jean-Michel Landecy nous propose la sélection officielle 2009 du Grand Prix d'Architecture, d'Urbanisme et des Paysages des Bouches-du-Rhône. L'ensemble est imprimé ici aussi avec soin. Les photographies sont serties dans un cadre blanc mat rappelant bien plus les pages d'un livre que les habitudes des cartes postales. Cela renforce les images mais réduit aussi un peu leur taille ! On sait où mettre le pouce !
Ne connaissant aucun des bâtiments représentés, je ne peux rien dire du rapport de cette architecture et de ce photographe. Il semble pourtant que là aussi il y ait un angle abstrait mettant plus en valeur des détails formels que les programmes des constructions. Les photographies, à part de rares exceptions, sont vides des utilisateurs ce qui parfois perturbe l'échelle. Mais le photographe nous replace bien les architectures dans leur paysage et même sait faire de celles-ci le paysage. Il semble toujours difficile de faire fonctionner à la fois une objectivité descriptive et un regard personnel. Jean-Michel Landecy réussit à construire une série, à tirer parti des bâtiments pour former un ensemble cohérent pourtant constitué de particularités. Et c'est souvent très beau...
On notera que chacune des cartes postales est numérotée et donne le lieu, l'architecte et le programme de la construction. C'est donc aussi sérieux.
On regarde ? Dans le désordre...


Collège Louis Armand, Marseille 2008, Jean-Marc Chancel et José Morales Architecte
Conseil Général des Bouches-du-Rhône


Restaurant scolaire Honoré Daumier, Marseille 2008, Jean-Michel Chancel et Raphaëlle Segond
Conseil Général des Bouches-du-Rhône


Les Annexes du Château, Saint-Andiol, 2008, Atelier Mosségimmig
Commune de Saint-Andiol


Villa B, Marseille, 2007, Bonte et Migozzi
Maître d'ouvrage privé


Maison Diot, Puyloubier, 2007, Didier Gautier
M et Mme Diot


Maison D, Marseille, 2009, Atelier HRT
Maître d'ouvrage privé


Vestiaires Cosec Carpentier, Vitrolles, 2009, Atelier HRT
Commune de Vitrolles

La Moustiquaire, les Saintes-Marie-de-la-Mer, 2008, Stuc Archi
Conseil général des Bouches-du-Rhône


Maison de l'enfance, Peyrolles-en-Provence, 2008, Adrien Champsaur
Commune de Peyrolles-en-Provence


Ecole Marie Mauron, Gréasque, 2008, Adrien Champsaur
Commune de Gréasque


Réfectoire Lei Cigaloun, Lançon-Provence, 2008, Adrien Champsaur
Commune de Lançon-Provence

La donation de Mr De Barbarin, volume 1

D'abord Monsieur de Barbarin m'avait envoyé sur Le Corbusier à Marseille et sur les cartes postales ce témoignage passionnant :

" Monsieur l'archicartophile bonjour...

...Je connais ces photographies car j'ai réalisé il y a quelques années un
travail de restitution avant-après à partir de telles photos.
Certaines photos anciennes étaient des constructions faites avec des modèles
mais d'autres (dont celle de la cuisine) étaient faites avec les premiers
habitants en situation réelle.
Je vous confirme donc que c'est bien un appartement descendant, qu'il sont
bien dans leur appartement, qu'ils habitent, et que c'est bien la même
famille sur vos deux photos.
En 2006 lorsque j'ai fait ma campagne, le père de famille y vivait toujours
et j'ai pu refaire les photos avec lui et sa fille. Sa femme étant décédée
c'est lui qui a posé dans la cuisine...
Ce fut pour moi la série la plus émouvante à reconstituer.
L'assiette au mur y est sur ma photo aussi, mais il me semble me souvenir
que nous l'avions sortie du placard pour l'occasion, à la demande émue de la
fille (à moins que ce ne fût pour le dessous de plat sur l'autre photo de
cuisine)...
La carte postale recadre bien la photo originale qui est carrée mais sur le
côté droit et pas en dessous.
Voilà pour les radieux et radieuses.
Par ailleurs nous éditons parfois des cartes postales d'architecture et des
"Fichaffiches" sur quelques éléments du patrimoine XX des Bouches-du-Rhône.
Si vous me communiquez votre adresse je me ferai un plaisir de vous en
envoyer.
Bien cordialement "

Et Monsieur de Barbarin a tenu parole en m'envoyant ces deux superbes séries. La première est constituée de photographies d' Adrien Champsaur et s'appelle "quelque part à Châteauneuf-lès-Martigues" et s'inscrit dans une collection Portraits de communes. Adrien Champsaur est nommé architecte conseil du CAUE. L'ensemble est imprimé par CCI en 2011.
C'est donc tout frais !
J'ai opéré un choix parmi les 16 (!) cartes postales, m'attachant aux plus abstraites. Mais cela ne reflète pas l'ensemble qui pourrait être une sorte de balancier entre le dernier travail de Raymond Depardon, une collection de Boring Postcards, un sens pictorialiste, voire même une objectivité de photographie industrielle. L'ensemble est d'une grande qualité et forme d'image en image une vision à la fois parcellaire et précise de cette localité que je ne connais pas, tentant je crois de ne pas constituer d'échelle de valeur entre les lieux et démontrant ainsi les qualités esthétiques d'éléments pourtant très hétérogènes. Le choix du papier et la qualité éditoriale sont superbes.
Voyez :






samedi 3 mars 2012

comme si...

Vous avez eu peur.
Moi aussi. Je suis trop accro à ce travail et à vos avis pour vous laisser plus longtemps.
Je suis revenu des profondeurs du côté obscur de la Force. La colère est parfois nécessaire mais elle est une mauvaise compagne.
Je cherche donc une solution pour maintenir entre mes images (au sens de collection) et internet un moyen de liaison. Si vous avez des idées...
Merci et pardon pour votre inquiétude.

Pour reprendre le fil quoi de mieux qu'une icône. Je vous propose donc une carte postale représentant l'un des plus éminents monuments modernes du siècle passé : la Maison du Peuple à Clichy :



Cette carte postale Abeille en véritable photographie au bromure (sic) nous montre surtout le Boulevard du Général Leclerc, le véritable libérateur de Paris (et pas l'usurpateur habituel).
Sur la gauche, très discrète finalement, la Maison du Peuple affiche sa façade régulière. Presque comme si... de rien n'était.
Pourtant on sait aujourd'hui l'importance de cette construction dans la modernité architecturale.
Je ne vous ferai pas un cours (j'en suis hélas incapable) sur cette construction et ses avancées mais l'on peut une fois de plus remarquer que la photographie de cette carte postale tout en jouant sa fonction habituelle de témoin piétonnier et de localisation (objet pour voir) ici ne peut s'empêcher de caser dans un coin la modernité presque en s'en excusant. Il n'y a pas de fierté moderne dans cette image, la Maison du Peuple est là un peu par hasard, juste sans doute un peu plus visée que le camion. On remarque que l'arbrisseau est bien plus dans le cadre ! Mais sans doute que le photographe dans cette fenêtre n'a pas su (voulu) se refuser à cet élément qui ajoute un peu de piquant à cette vue de Clichy qui sans lui pourrait bien ressembler à n'importe quel boulevard d'une ville moyenne en France.
Ici l'architecture moderne vient comme signer le lieu, le différencier, c'est bien souvent le seul argument de sa présence. Mais vous me direz que finalement, dans sa discrétion, l'architecture joue son rôle n'ayant pas à faire autre chose que de remplir son programme. Souvent la carte postale offre l'opportunité aux constructions modernes d'éteindre le néon qui vibre sur leur fronton " I am a monument" pour juste faire de la ville, celle que l'on arpente, que l'on utilise, un lieu de collage et de vie des espaces.
Il est certain que Messieurs Beaudouin, Lods, et Jean Prouvé n'auraient rien demandé d'autre. Et je suis aussi certain que le "ça" de cette carte postale pourrait bien être pour d'autres le camion ou les persiennes fermées du second étage...
Finalement chacun vise son image, chacun vise ses lieux.
Et j'entends aussi gronder au loin les chenilles des chars Leclerc...
détails :




Je trouve dans le numéro 5 d'Architecture d'Aujourd'hui de 1939 un article (Pierre Vago) consacré à la Maison du Peuple, en voici quelques extraits. On remarquera que Pierre Vago oublie Jean Prouvé !





On trouve dans le même numéro une publicité pour les Ateliers Jean Prouvé qui oppose les échafaudages du béton et la pose des façades métalliques... Étonnant !