mercredi 14 novembre 2012

Les dons de Rose...

Rose Mansion est une jeune artiste qui, lorsqu'elle ne dessine pas admirablement, ne grave pas avec une finesse superbe, n'aboie pas sur le public en faisant une chienne merveilleuse, nous régale de gâteaux faits maison et décorés avec un luxe pictural à grands effets.
Bref, Rose est une artiste accomplie. En plus, elle se souvient de son enseignant de gravure un rien maniaque et collectionneur de cartes postales. Elle a déjà fait un don à sa collection mais voici qu'elle laisse à nouveau dans mes mains un petit colis ravissant (à son image) fait d'un papier délicat et d'un autocollant floral provenant de son voyage en Russie.
Regardons ensemble ce petit rassemblement d'images :



Oui, cette carte postale est un peu abîmée, oui elle ne montre pas vraiment d'architecture moderne et contemporaine mais cette carte postale de Cherbourg parle des parapluies, elle parle de Jacques Demy. Cette carte postale dit bien que Rose connaît mes goûts pour ce réalisateur et d'ailleurs cette fragilité, cette naïveté tendre du dessin des parapluies et ce cadeau sont bien à l'image de Jacques Demy et cela aurait pu suffire à mon contentement.
Mais...



Rose m'offre aussi cette carte postale du marché de Royan, exacte copie de celle que je vous ai présentée ici. Alors, je le redis, ce n'est pas grave d'avoir une carte postale en double dans une collection car une seule des deux me fut offerte par Rose. C'est la plus précieuse et la plus vraie.
Regardez comme Rose sait choisir :



Cette carte postale nous montre le tunnel sous Fourvière à Lyon. Le génie civil aussi sait être beau, brutal et digne d'une carte postale ici aux éditions La Cigogne. J'agrandis cette image :



Admirable non ? La DS Citroën et même le lampadaire disent la modernité d'une époque.
Et là ?



Liverpool 70 !
La spectaculaire Cathédrale de Liverpool dans une édition " English Counties Periodicals".
On aimera cette couronne d'épines en béton au allure de centrale nucléaire, de manège ferroviaire, de silo à grain. On remarque aussi que l'église est encore en chantier sur cette image toute de bleu et de gris.
Pour finir une chose un rien mystérieuse :



Ce bâtiment extra-plat qui pourrait bien se faire passer pour une œuvre de Mies van der Rohe est une construction dont je ne peux vous dire que peu de choses.
Au dos figurent les éléments suivants : Le cœur ouvert sur le Monde. Huy. Belgique.
Fondateur : R.P Pire, prix Nobel de la Paix.
Rien sur l'architecture, rien sur l'architecte.
Pourtant vu d'ici, cela pourrait bien être un beau bâtiment non ?
Et puis le cœur ouvert sur le Monde c'est bien là, il me semble, une belle manière de définir Rose.
Merci Rose.

lundi 12 novembre 2012

Le lièvre et la tortue

On va voir que les fables peuvent parfois prendre forme architecturale en suivant deux réalisations d'un architecte français, Monsieur Zehrfuss, qui a su faire du béton un matériau incroyablement poétique et parfaitement... insoutenable.
Une poésie insoutenable c'est sans doute cela une fable.
Commençons par la tortue :



Cette très incroyable carte postale nous donne à voir une maquette du C.N.I.T de Paris la Défense. L'image totalement construite sur cette maquette collée devant un fond paysager est assez sidérante mais aussi très proche de la réalisation finale. Sauf, je crois, pour ce qui est de la volée d'escaliers au premier plan. On notera que le Centre National des Industries et Techniques semble un rien enterré ce qui d'ailleurs est une prémonition de son état actuel...
La carte postale est une édition publicitaire imitant une vraie carte postale jusqu'au détail de la typo qui donne l'illusion d'une écriture manuelle. En photographie véritable, le cliché est dû à Smeesters. Je vous donne le verso et peut-être que quelqu'un nous retrouvera Mr Gautier, ingénieur-conseil à Méré !



La carte est précise, donne les noms des architectes : Camelot, De Mailly, Zehrfuss. Il s'agit donc d'une publicité pour Nelsonite 35.
Ce C.N.I.T reste une merveille technique et plastique, sans doute l'une des plus beaux et audacieux de Paris au siècle dernier. Trois points d'appui c'est tout. Trois.
La tension est palpable, l'équilibre génial, la masse énorme à peine sensible : une coquille bien plus qu'une carapace. Une tortue fragile presque mais sans doute aussi un peu trop remplie aujourd'hui, un peu trop enterrée aussi.



On regardera avec humour le dessin de la Tour Eiffel au fond de l'image. Nous ne savons rien de cette maquette, si elle fut celle des architectes ou bien une réalisation plus tardive ou encore purement publicitaire. Nous ne pouvons même pas déterminer sa véritable taille et échelle !
Le lièvre :



Il fallait sans doute aller vite et pour pas cher. Il fallait croire qu'une ligne sur l'horizon ajoutait un horizon et non une clôture. Pourtant le Haut du Lièvre à Nancy est bien au-delà de son aspect infini, une hérésie superbe.
Le hard french total, sa définition même qui a fait du chemin de grue une forme absolue.
J'aime ça mais comme je l'ai déjà dit j'aime cela comme on aime les curiosités inattendues et monstrueuses de la géologie. La ligne ainsi marquée pourrait après tout être la forme ultime, celle vénérée et rêvée par Superstudio. Claude Parent aime à dire que d'une manière paradoxale ce qu'il aime le plus c'est un mur dans la nature et que, en même temps c'est précisément ce qui le gêne le plus. C'est bien là la poésie du Haut du Lièvre : un geste brutal, effrayant, grandiose. A la fois le plus beau parce qu'il dit tout du désir et le plus laid parce qu'il est assouvi.
Il paraît qu'en bas, à ses pieds, une maison de Jean Prouvé a trouvé sa place. On comprendra bien que la France, que l'architecture et les territoires devaient choisir entre deux de ces modèles. Qu'aurions-nous dit d'un étalement pavillonnaire, même de pavillons de Prouvé ?
Alors si l'on doit raser le Haut du Lièvre qu'on ne lui laisse, s'il vous plaît, aucun répit. Que cela soit brutal, guerrier, définitif. Une apocalypse joyeuse, sensationnelle et bruyante. Qu'on retourne sa terre, qu'on broie ses gravats, qu'on efface sa trace. Resteront les images sans danger, les noirs et blancs imprimés et quelques souvenirs durs ou heureux de l'un des gestes architecturaux les plus beaux. Comme une erreur surréaliste : mystérieuse à notre entendement.
Merci Monsieur Zehrfuss. Merci.
La carte postale est une édition Photo Aérienne et Industrielle par Gérard. On notera, sans doute dans un désir de troubler les pistes que l'éditeur indique Mancy au lieu de Nancy...
Les actes manqués, je vous dis...




dimanche 11 novembre 2012

Que de Wien...

Passons par l'Autriche avec deux œuvres extrêmement différentes tant par leur programme que par leur esthétique. Et vraiment c'est très très différent !
On verra sans doute que je choisis sans vergogne l'une plutôt que l'autre.
Mais je reconnais à ces deux architectures une véritable force d'attraction et une vraie réalité plastique.
On commence avec la plus étrange :



La carte postale Rau-Color nous dit bien tout : Hundertwasser-Haus ! Il s'agit bien d'une architecture de cet architecte fantasque, écologiste, utopiste et humaniste. Un rien buccolique aussi dont la naïveté du programme architectural, son petit bonheur de faïence et de couleurs vives, n'arrivent pas à me séduire. Changer la vie passe sans doute en architecture par autre chose qu'un espace ici anarchique (et non anarchiste) une liberté de couleurs et des références amusées à un art populaire qui mérite mieux que la pacotille de bazar d'une boîte à bijoux de jeune fille. Enfin, comme finalement tous les architectes décorateurs aux références d'images (bien plus que d'espace) ils ont le mérite de faire des images dans lesquelles on habite (se reconnaît) en attendant d'y vivre...
On préférera Gaudí ou mieux encore la vraie architecture sans architecte donc sans fierté d'image de marque. Cette image d'ailleurs ici est due au photographe Karl Schiefer.
Autre chose :



Cette belle architecture qui ne laisse vraiment aucune place à un imaginaire suranné est celle de l'ONU à Wien donc. L'architecte Johann Staber construit une volumétrie puissante, sculpturale et qui fonctionne par une déclinaison du tripode triangulaire courbé. La masse joue de ses pleins et aussi des vides ici mis en relation les uns avec les autres par des jeux très subtils (oui absolument) de circulations et de percées. La couleur orange vient révéler à cette construction un sens technique et souligner des affectations particulières.
Ici la nature en référence c'est l'homme dans un paysage construit par son architecture. C'est une forme de topographie émergente qui dans son échelle dit sa puissance, sa solidité. On aime y circuler comme on pourrait aimer une visite troglodyte dans une montagne de rocher. On ne décore pas en singeant un modèle, on reconstruit le modèle.
On notera qu'il s'agit du même éditeur qui ainsi démontre bien qu'il sait partager tous les types d'architectures de sa ville.







samedi 10 novembre 2012

Un livre pour une maison bulle

Si vous aimez Pascal Häusermann, vous serez heureux d'apprendre qu'un nouvel ouvrage consacré à une maison réalisée par Claude Häusermann est en souscription.
Joël Unal, en effet, nous informe de cette future publication et c'est avec plaisir que nous nous en faisons l'écho. Il va sans dire que c'est bientôt les Etrennes et que, au pied du sapin, cela pourrait être un beau cadeau et une belle occasion de visiter par le livre l'une des merveilles de l'architecte suisse.
Alors...


jeudi 8 novembre 2012

Le Comité de Vigilance Brutaliste à Yvr'Art

Oyez ! Oyez ! Braves gens !
Le Comité de Vigilance Brutaliste participera au festival Yvr'art dès ce week-end !
Au programme le Comité proposera une exposition de dessins de Thomas Dussaix le plus vigoureux des membres de ce Comité mais également une conférence sur l'architecture moderne et contemporaine vue au travers de la carte postale par votre serviteur (et autre membre tout aussi vigoureux du Comité).
Il y aura plein d'autres artistes, plein de manifestations !
Venez ! Venez !
Si vous voulez voir en chair et en os l'animateur de ce blog et son acolyte juvénile. La conférence aura lieu le vendredi 9 novembre à Yvré l'Evêque dans la salle Georges Brassens !
Au plaisir de partager ce moment avec vous !




mercredi 7 novembre 2012

Territoire Marcel Lods

Nous allons avoir encore l'occasion de parler de l'œuvre de Marcel Lods qui a laissé dans ma région bien plus qu'une empreinte : un territoire.
Cet héritage va de la reconstruction du centre ville d'Elbeuf et son ciné-théâtre, de la Zone Verte de Sotteville-lès-Rouen en passant par les très beaux et donc très menacés plots dits "verre et acier" des hauts de Rouen. Il aurait sans doute été nécessaire de déclarer ce territoire protégé au même titre qu'un parc régional mais il semble que finalement de destructions en détériorations successives la Région Normande, les différentes municipalités qui doivent pourtant à l'architecte l'intelligence d'une reconstruction populaire et humaniste préfèrent oublier cet héritage, casser ce patrimoine.
Pourtant quelle autre région peut s'enorgueillir d'un tel héritage sur une région si serrée et qui permet une véritable histoire de l'architecture des Trente Glorieuses au travers des transformations de la pensée d'un architecte qui passera du béton au métal en quelques années... (Firminy avec Corbu ?) Une leçon qui ne sera donc pas apprise, pas retenue et qui finira par des regrets bien plus tard, donc quand il sera trop tard !
Alors régalons nous de quelques œuvres majeures de cet architecte qui ne sont pas toutes dans la Région Normande ce qui vaut sans doute mieux pour elles...
Retour :



Voici une image rare. Il s'agit d'une carte postale nous montrant la très belle école de plein air de Suresnes. Nous l'avons déjà visitée mais ici c'est une image inédite que je vous montre. Nous sommes dans la salle à manger des Grands grâce aux éditions R. Gallois. On perçoit bien l'architecture, l'espace, l'ouverture et la révolution de ce mode constructif. Regardez comme le jour pénètre à l'intérieur, regardez comme l'échelle des agencements est celle des enfants ! La lumière rase leur tête et le petit mur de séparation est juste à leur hauteur quand ils sont assis. Debout, les enfants voient toute la salle et à l'extérieur ! On remarque que les filles mangent aussi avec les garçons, que les maîtresses sont dans la salle et que tous se savent photographiés. Qu'est-ce que la vie a réservé à ces regards ?











Alors ?



C'est beau non ?
Il s'agit de l'immeuble Bourgogne dans la Zone Verte, rue Garibaldi à Sotteville-lès-Rouen. La carte postale est une édition Estel en photographie véritable. Elle nous donne les informations suivantes : Marcel Lods, architecte en chef des bâtiments civils et Palais Nationaux, Alexandre, architecte à Rouen, Busse, architecte à Paris et Yvelin, architecte à Sotteville-lès-Rouen. Regardez ce beau dessin très abstrait, très pur qui va de rythmes en brisures et qui laisse toute l'expression plastique au mode constructif. Regardez comme les volumes, de décrochements en décrochements, ordonnent des espaces à vivre dont la répétition forcée forme enfin le style. Regardez comment le bâtiment touche le sol et comment il finit dans le ciel : finesse des colonnades, finesses des bétons, jeux des matières. La délicatesse du petit auvent au-dessus du dernier balcon prouve bien l'attention humaniste de ce dessin.









On retrouve notre architecture :



Cette fois un peu plus perdu dans son espace urbain, adouci par les feuilles qui chatouillent le cadre, notre quartier Garibaldi est en couleur grâce aux éditions Iris. Nous sommes au milieu des années 60. Presque pareil :



La carte postale des éditions J. Kettler nous offre un peu plus d'informations en nommant bien les deux immeubles : Bourgogne et Garibaldi mais omet le nom des architectes.
Nous reviendrons autant que nécessaire sur le travail de cet architecte. Il fait partie de mon paysage, de ma ville, de ma vie.
Il fut un initiateur de formes, un inventeur de méthode. Il mérite bien que l'on préserve son héritage.
Sauvons les "Lods" des Hauts de Rouen ! Protégeons la Zone Verte de Sotteville-lès-Rouen !
Notons qu'une partie des "Lods" des Hauts de Rouen est aujourd'hui réhabilitée avec qualité et sérieux : poursuivons !

mardi 6 novembre 2012

Faire la fête dans les Vosges

Il y a ainsi, on ne sait pourquoi, des constructions qui ont eu droit à pléthore de cartes postales. C'est le cas avec cette salle des fêtes de Saint-Dié dont je compte pas moins de six cartes postales différentes dans ma modeste collection !
Regardons de loin d'abord :



Depuis une légère hauteur, la salle des fêtes de Saint-Dié est ainsi cadrée par les éditions Yvon. On perçoit déjà bien son dessin qui m'a toujours fait penser à une église moderne. Cela est sans nul doute dû à son mur en claustra et à son toit en cuivre oxydé qui pourraient tous deux composer ainsi un lieu de culte moderne.
Pourtant c'est bien une salle des fêtes. L'éditeur installe la construction dans son paysage et s'amuse du contraste avec la Cathédrale au fond.
On s'approche ?



L'éditeur Iris préfère les jets d'eaux, élément urbain qui dit le chic, le beau. On admire depuis ce point de vue la belle courbe du toit qui plonge en son milieu vers les puissants piliers. C'est peut-être un peu moins gracieux de ce côté-ci, le mur aveugle bleu surmonté de sa petite cheminée est moins spectaculaire que l'autre côté. Regardons encore :



Des fleurs au premier plan, des arbres qui ont grandi, nous sommes bien devant une carte postale ! On se réjouira avec l'architecte du bleu du ciel à l'identique du bleu de la salle des fêtes. Mais faisons le tour :



Et paf !
C'est beau non ce claustra ? Aujourd'hui on dirait "résille "! Difficile depuis ce point de vue de comprendre l'objet. On regardera aussi le beau porche d'entrée décoré pour une occasion républicaine et le contraste de la belle plante grasse au premier plan, très sculpturale. La carte postale Iris nous donne deux noms d'architectes pour cette salle des fêtes : Messieurs Bertrand et Ringwald.
Sur le côté :



On comprend mieux vu d'ici la salle. On devine bien l'étage derrière le claustra, salle qui doit bénéficier ainsi d'un éclairage maximum et d'un beau plafond. Un rez-de-chaussée permet sans doute d'abriter les locaux techniques. Regardez comme l'escalier est judicieusement placé dans le plan. Cette belle carte postale est imprimée en Procédé 301 par Draeger pour Yvon. On notera que l'éditeur oublie l'un des deux architectes Mr Ringwald.
Pour finir :



Retour vertical sur la salle des fêtes. Sans doute un peu trop de végétation pour nous, les amateurs d'architecture ! La carte postale est bien plus récente et fut expédiée en 1986 ce qui prouve qu'encore la salle des fêtes de Saint-Dié savait faire événement dans la ville.