samedi 21 juillet 2012

Liberté du pouvoir d'achat

On sait que l'architecture des centres commerciaux est, dans une grande mesure, une catastrophe. Les centres commerciaux sont de véritables "machines à acheter" et j'oserais dire pour la gestion des parcours intérieurs des "machines à voler" puisque tout y est organisé pour que vous circuliez d'abord par ce dont vous avez le moins besoin et le plus cher vers ce qui est le plus quotidien et le moins cher, du moins ce qui dégage le moins de marge pour nos amis de la grande distribution.
Fermez les yeux et pensez à l'entrée de votre supermarché. Je parie qu'à droite juste là le rayon téléviseurs à écrans plats et le manège à bijoux moches sont votre première image... Au fond du magasin, comme perdu dans une grotte introuvable, tout en bas d'un rayon, le kilo de farine premier prix vous attend si vous savez le trouver...
On comprend pourquoi je suis si attaché aux centres commerciaux de Claude Parent qui sont la preuve qu'il était possible de faire avec cet objet un travail remarquable.
Regardons avec deux cartes postales comment dans nos paysages parfois s'installent ces monstres de l'échange et du flux, ces nœuds sociaux du rituel de l'achat.
D'abord près de chez moi, ce qui fut pendant quelques années une sorte de Saint Graal à notre enfance : le centre commercial de Barentin.



















La carte postale "La Cigogne" nous montre ce qu'elle appelle le Centre commercial de Mensil-Roux dont l'essentiel est un Carrefour. Enfants, nos parents nous emmenaient là et c'était une sorte de fête moderne, de jubilation seventies de la découverte de ce genre d'énormes espaces commerciaux. Le must étant de manger à la Cafétéria dont la seule prononciation nous faisait rêver à un mélange de feuilleton américain et l'an 2000. C'est là que nous achetions, pour la première fois, nos céréales pour le petit déjeuner. La Renault break garée, nous courions, sautions tels de joyeux petits cabris prêts à être dévorés sans retenue par le loup commercial sachant faire briller l'inutile. Nous étions déjà cuits...
Venir là était bien une expédition, il fallait prendre l'autoroute comme pour aller à la mer... Et sur le parking une star, une vedette, nous attendait déjà. La statue de la Liberté, celle-la même qui avait servi dans le film "le cerveau" avec Bourvil et Belmondo, film que nous adorions mêlant drôlerie aventureuse et gaudriole franchouillarde. J'ai encore la chanson du film dans la tête. A chaque passage du film à la télé, il y en avait bien un parmi nous pour dire "c'est la statue de Barentin" en rêvant sans doute que cela déclenche l'envie d'y aller faire un tour chez l'un de nos parents.


























La carte postale nous dit bien le nœud et le piège urbain. Au premier plan, le réseau routier qui va desservir le centre commercial accroché comme un ganglion au réseau autoroutier, grand axe Paris, Rouen, mer. Il y a fort à parier qu'une partie de ce réseau fut payée par la société même du centre commercial. Puis, il faut un signe de reconnaissance, quelque chose qui vous installe un souvenir indélébile, qui fasse image. La Statue de la Liberté c'est parfait ! Tout y est comme ramassé : le rêve américain, la modernité, la référence populaire au film, et... la liberté dont ici on voit à quoi elle est réduite, choisir entre un poste télé Brandt ou un Radiola couleur. Regardez comme la statue est posée sur un monticule. N'oublions pas que dans le film, cette statue de la Liberté est bourrée de Dollars volés par le Cerveau ! (ze brainne !)



Puis vient le parking nu et ses autos et enfin la surface commerciale plate dont la seule attention au paysage est sa couverture vaguement noire pour sans doute évoquer les toits traditionnels. Au fond encore existant, le paysage d'origine déjà bien remembré mais encore campagnard dans lequel Guy de Maupassant pourrait bien se promener.
Ailleurs et inconnu :



















Cette carte postale du centre commercial Créteil Soleil (sic!) a des qualités étonnantes pour nous. d'abord bien évidemment l'objet urbain représenté avec ce centre commercial vu d'avion et qui s'inscrit dans l'incroyable paysage de la ville moderne de Créteil dans lequel nous allons reconnaître bien des architectures que nous aimons. Mais avant de poursuivre de ce côté-là, il faut retourner la carte postale qui apparaît alors comme une carte de promotion pour le centre commercial Créteil Soleil :




















les soldes d'été ! On remarque que la carte n'avait au fond aucune vocation postale puisque le timbre est imprimé dans le ton de l'ensemble mais singe la carte postale de vacances et s'amuse de la pratique en faisant de la promotion un acte proche d'un lien social : la carte postale d'été.
Mais au-delà de l'objet promotionel, on remarque un centre commercial absolument incroyable pour ce qui est du traitement de sa couverture, de son toit qui sert de parking.























































Là, sur cette étendue, des volumes géométriques forts sont peints avec une polychromie superbe formant un paysage vraiment surprenant. Je n'ai malheureusement aucune information sur ce projet, sur le peintre, sur le traitement de ce toit comme un jardin minéral. Mais l'attention est évidente, la recherche, même si elle reste formelle et décorative, fonctionne bien dans cet espace nouveau de Créteil. Il fabrique un nouvel ordre spatial, il ordonne une utilité qui pourrait (aurait pu) faire école : l'invention de nouvelles places urbaines. J'aime le détail de la très longue rampe qui fait monter les automobiles. Malheureusement le parking au pied du centre commercial reste un lieu vide dont seuls les automobiles forment une variation... trop pauvre. Pourquoi cet effort sur l'architecture ne gagne-t-il pas le sol ? Si quelqu'un pouvait nous dire quel peintre, quel artiste a réalisé ce travail sur le centre commercial Créteil Soleil, cela serait bien de lui rendre justice. Pierre Dufau semble sans trop d'erreur l'architecte de ce centre commercial mais il ne fait pas de doute qu'il a dû travailler avec un plasticien pour la réalisation des polychromies.
Et j'aime ce paysage. Regardons ce que nous connaissons déjà de Créteil :

la Pernoderie de Mr Willerval, architecte.

les "choux" de Mr Grandval

la préfecture par Mr Badani, architecte.




jeudi 19 juillet 2012

Drancy Hard

Certainement parce que plongé dans le passionnant Reconstruction Déconstruction de Bruno Vayssière (Merci Didier Mouchel), je m'égare à nouveau dans le paquet "Hard French" et "chemin de grue" de ma collection, se regroupent presque toutes seules trois cartes postales de Drancy.
Regardons ce qu'elles nous disent :




















Cette vue générale de la Cité Paul-Eluard, du groupe scolaire Roger Salengro, de la Cité Gaston Roulaud et enfin de la tour Fernand Péna est une édition Mage. Une image presque une icône de cet typologie urbaine française. Marcel Lods est l'un des architectes de cet ensemble. Ne faisons pas semblant. C'est hard. Devons-nous pour autant regarder cela sur une chaine cryptée ?
N'oublions pas que, les images, toutes les images, ne sont que des images et les excitations ou les déceptions prises à leurs observations ne vaudront jamais l'expérience de les vivre.
J'aime l'œuvre de Marcel Lods. J'aime sa profonde rigueur. Mais l'addition des volontés de bonheur ne produisent pas forcément les images du bonheur. ici nous pourrions au moins voir les espaces intersticiels, la rupture avec un urbanisme de place et d'avenue ordonnant un point de vue. Nous pourrions aimer cet espace public ouvert que seule la gestion (ou son absence) des automobiles vient contrarier. les autos devraient toujours être considérées comme une pièce supplémentaire du logement et à ce titre aujourd'hui produire une architecture qui, au lieu de l'oublier et au mieux de la cacher devrait l'intégrer comme une autre dimension du logement : un patio mobile !
Nous pourrions également depuis cette hauteur de l'image se réjouir des proximités des lieux publics. Nous pourrions aimer les parcs et les jardins. Nous pourrions.
Descendons un peu :



















La Cité Paul-Vaillant-Couturier est vue depuis le sol un rien rèche de son aire de jeu un rien pauvre et brutale. Les genoux écorchés aux descentes des balançoires, les pains au chocolat offerts pour calmer les cris des bambins ainsi égratignés, tout cela sans doute est de la faute des architectes. Mais la nounou est là, les deux fillettes s'amusent  au pied de l'implaccable barre. C'est une belle architecture et sévère aussi.
On devine les plaisirs des glissements dans les tuyaux de béton. On devine comment cela répond aux déambulations dans les couloirs des appartements. On s'interroge de l'apprentissage des espaces et des volumes par des jeunes enfants passant ainsi de l'aire ludique à l'aire public et commun. Ce qui se libère là sous les cheminements des tubes et ce qui est retenu dans les cages d'escaliers ! Les cris possibles, les chaussures sales et un espaces ou la géométrie n'ordonne rien d'autre que l'imagination. Si l'un avait pu être le prolongement de l'autre, si l'un avait pu être le refuge de l'autre c'est certain, nous aurions la plus belle des architectures.
Plusieurs vues :


















La carte postale le dit tout haut sur fond vert et orange : le nouveau centre ville.
En trois images, effectivement nous voyons (un peu difficilement) l'une des opérations les plus remarquables de renouvellement urbain en France.
La carte postale des éditions Mage nous donne les informations suivantes : Place Maurice Thorez par Mr Coulon paysagiste, le Centre administratif par G. Maurios et la rénovation du centre ville par O. Girard (et Edith Girard en fait, oubliée par l'éditeur !)
Il ne fait aucun doute qu'une attention particulière a été donné à une recherche volumétrique puissante et sculpturale qui s'exprime dans un modelage des façades spectaculaire. Cela n'est pas sans me faire penser à un paysage de la ville du Mans lui aussi tout à fait remarquable de ce point de vue. Je vous ferais un jour un article sur ce lieu étonnant !
Mais revenons à Drancy.
La carte postale n'est pas datée et il est difficile vu son graphisme de lui donner une période précise. Mais Architecture d'Aujourd'hui (décidément !) nous sauve la mise. On trouve en effet un long article sur le projet non encore réalisé avec un texte d'Olivier Girard que je qualifierais de poétique tant ma difficulté à en saisir l'essentiel démontre mes méconnaissances et mon plaisir à l'abstraction ! L'article de la revue date d'octobre 1981 donc la carte postale est postérieure.

G. Maurios, architecte

Olivier et Edith Girard, architectes

Edith et Oliver Girard, architectes



dimanche 15 juillet 2012

Yoyogi Tange

Sans doute l'une des œuvres les plus extraordinaires du siècle dernier : le  Gymnase Yoyogi par Kenzo Tange.
Objet d'une grande technicité architecturale, il porte pourtant une image de grâce, d'onirisme telle qu'on en rencontre en regardant un beau coquillage, une pierre étrange, une mâchoire de baleine.
Son aspect organique dégagé des lignes de tensions des câbles porteurs est également accentué par la gestion de la récupération de cette tension par le socle de béton qui reprend les forces. Une toile d'araignée sur un rocher. Il s'agit en fait d'un pont suspendu au-dessus d'un stade.
Ajoutez à l'ensemble, une parfaite intégration des arts, une gestion subtile des circulations, un choix de matériaux qui expriment clairement leurs fonctions et leurs qualités et il ne fait aucun doute que ce très beau travail de Kenzo Tange est une leçon d'architecture. Formes et fonctions, lyrisme et rationalité.
Voici deux cartes postales de ce stade ou complexe sportif de Yoyogi :




















D'un peu haut, cette carte postale NBC (Nippon Beauty Colour) nous montre le Yoyogi sport center inscrit dans son paysage. Au loin la ville dessine un cercle de grandes tours. On peut depuis ce point de vue admirer les passerelles, les plans inclinés qui permettent d'accéder et de circuler dans le centre. On voit déjà également le beau jeu du métal de couverture qui brille et dessine les courbes.
Plus proche :



















Chez un autre éditeur dont je ne peux vous donner le nom, (Pégase sans doute vu le logo !) on retrouve donc notre beau Yoyogi Gymnasium. On perçoit mieux les liaisons et la quailité de dessin de l'ensemble et comment les courbes des deux constructions jouent entre elles, se rappellent, et se poursuivent.
Dans un superbe numéro d'Architecture d'Aujourd'hui de 1964 dont je ne peux m'empêcher de vous montrer la couverture, numéro dédié à l'architecture du sport, on trouve un long article écrit par Kenzo Tange lui-même et une grande quantité d'images plus superbes les unes que les autres. Je ne peux pour des raisons techniques vous donner le texte mais Kenzo Tange y évoque son gymnase comme une œuvre collective produite en relation directe avec des ingénieurs : Koji Kamya, et l'équipe URTEC architectes et Yoshikatsu Tsuboi, l'ingénieur pour la structure, Uichi Inoue ingénieur pour les installations mécaniques. Une merveille éditoriale au service d'une grande œuvre de Tange.













jeudi 12 juillet 2012

Chlore et béton

Nous allons regarder une piscine.
Celle de Nanterre.
Parce que deux de mes guides préférés d'architecture lui consacrent un article ce qui laisse comprendre sans aucun doute qu'une architecture importante se joue à cet endroit. Mais regardons d'abord les cartes postales et ce qu'elles nous disent :



















La carte postale Lyna pour Abeilles-Cartes nous montre bien la piscine dans une manière digne d'une carte postale de banlieue. On notera tout de même que le photographe cadre sur la gauche ne cherchant pas à prendre la piscine dans son ensemble car certainement, vu l'ampleur de celle-ci le recul aurait produit une image amoindrie de la construction. Ainsi, le cadrage resserre la particularité de la piscine sur la rythmicité de sa façade constituée de losanges à moitié dedans à moitié dehors et qui portent, accrochent (c'est plus juste) cette façade et ses éléments. La répétition fait le décor et le cinétisme de l'ensemble.


























La pièce maîtresse de ce point de vue étant bien évidemment la cheminée droite et cannelée en béton d'une grande qualité sculpturale accentuée par l'escalier qui vient s'y accrocher. La barrière est ouverte, la 203 est bien garée. Mais l'anecdote de cette image est aussi l'ombre du premier plan qui laisse deviner les lettres renversées U, N, I, C et le mot camion ! Un garage comme voisin ?










Deux vues, une carte postale :


























Le nom de la ville de Nanterre est écrit en rouge au milieu de ces deux vues de la piscine ce qui prouve la fierté locale pour son aménagement sportif et sa reconnaissance comme un élément important.
Encore une édition Lyna qui nous permet cette fois de voir la piscine dans son ensemble et même son bassin d'été mais qui nous permet surtout de pénétrer dans l'édifice et d'y trouver la structure porteuse faite de poutres gigantesques qui la traversent. On perçoit mieux également les losanges de la façade vue plus haut.


















































Et encore une fois, le regard d'un gamin tourné vers le photographe. La présence du preneur d'images ainsi affirmée replace l'acte de la photographie dans un moment bien moins objectif qu'il n'y paraît. Ce regard soutenu, curieux, et définitivement à la fois suspendu et disparu est toujours une source puissante   d'émotions.
Mais voyons maintenant ce que disent nos guides d'architecture. Commençons par le radical, dur, et pointu Paris construit de Ionel Schein chez Vincent, Fréal et Compagnie qui date de 1970.






































On s'amusera de " la rudesse et le dépouillement des formes rendent le bâtiment sévère, il faut vouloir y entrer " ! C'est exactement ce que nous aimerons dans cette piscine des architectes Daras, Kopp, Chazanoff. La photographie est de Thomas Cugini.
Lisons maintenant notre guide d'architecture contemporaine en France de Monsieur Amouroux :



























































Ici on notera que Monsieur Amouroux s'attache bien plus à la richesse structurelle de la piscine en décrivant parfaitement son principe constructif. Cela ne l'empêche pas... d'imprimer son plan de coupe à l'envers ! Plan exactement identique à celui de Ionel Schein. Mais on ne peut en vouloir à ce guide qui reste sans aucun doute la clef de voûte, la poutre-maîtresse de notre bibliographie.
On notera également que les architectes nommés par Monsieur Amouroux sont A. Darras, J. Darras, Y. Bedon et que nous retrouvons l'excellent René Sarger comme ingénieur. Donc pas tout à fait les mêmes que Ionel Schein.




mardi 10 juillet 2012

Toit et Joie ? C'est sans doute vrai.

Il y a comme ça des constructions auxquelles on s'attache.
D'abord parce que la carte postale semble avoir voulu les représenter à plusieurs reprises, les faisant arriver dans nos cartons par épisodes successifs. Puis aussi parce que leur allure ne laisse pas indifférent, offrant une image de qualité, d'originalité toute particulière. Mais l'autre élément qui produit cet attachement est leur nom.
Ici, attachons-nous à Toit et Joie.



















La carte postale Scintex nous montre en Italcolor la très belle et rythmée façade de Toit et Joie, immeuble des P.T.T à Fresnes. On devine une typologie complexe des appartements qui fait la vibration de cette façade et sa rupture au centre par une sorte de colonne d'appartements d'un autre type encore. Presque tous semblent avoir un balcon ou une circulation externe et des ouvertures généreuses.














































A n'en point douter, il y a là une volonté architecturale, un travail fin, un désir de faire un objet abouti. Des détails comme le toit qui se termine en une succession de doubles pentes ou encore la gestion du rez-de-chaussée mais surtout le choix des matériaux démontrent bien que cette barre se différencie du commun, joue une partition agréable.
Toit et Joie sont en fait des constructions pour les P.T.T, certainement à l'origine pour offrir aux personnels des logements sociaux dignes et de bonne qualité. D'ailleurs la société immobilière existe toujours et on y apprend que cet immeuble de Fresnes sera bientôt réhabilité. Espérons que les architectes qui s'occuperont de ce travail seront attentifs au travail de Monsieur Chatelin, l'architecte de ce bel exemple à qui l'on doit également le Musée de La Poste à Paris. On trouve ici la fiche de la réhabilitation effectuée par l'agence RVA.
Je crois que nous devons remercier les cartes postales de nous permettre à nouveau de conserver une image de Toit et Joie dans son époque, et pour les moins fidèles d'entre vous, je donne à nouveau l'autre carte postale de ce bel immeuble qui cette fois est chez un autre éditeur : Raymon. On y voit l'autre façade tout aussi belle.



lundi 9 juillet 2012

croire, croire ce que l'on voit


















On pourrait y croire.
Regardant la vallée à ses pieds, la nouvelle église de Tignes des architectes Pantz et Fay, offre un point de vue magique sur une montagne un peu floue.
Son toit qui remonte en pointe n'est pas sans évoquer celui plus complexe de Ronchamp. Bien campée sur la rocaille, la petite église s'inscrit ainsi dans son paysage, jouant de sa similitude formelle avec la nature tout en étant clairement une construction. Sans doute se veut-elle modeste mais fière dans le même instant.
Du moins... c'est bien ce que nous laisse croire cette incroyable construction d'image par S. Rimmer son photographe. Car ici, c'est bien la maquette de l'église que nous voyons, maquette posée sur un morceau de paysage aux sapins en liège, paysage à son tour placé devant le réel de la montagne. Le noir et blanc tente bien d'égaliser l'ensemble, de produire un collage invisible mais le leurre ne fonctionne que très mal et c'est bien là la poésie de cette carte postale. La mise au point de l'objectif photographique fait la part belle au premier plan mais n'arrive pas à faire la netteté du second...
La carte postale nous donne une autre information : l'entrepreneur est Louis Anselmo et l'ensemble est daté de 1959.



















Du même éditeur et de cette même église nous avions déjà vu cette maquette. Mais je vous propose encore un autre point de vue, cette fois inédit ce qui prouve qu'une série complète avait dû être produite autour du projet de construction de cette église de Tignes.


















La référence au Corbusier est évidente même si l'ensemble est bien moins complexe, plus calme, plus tempéré. Mais cela depuis cette image ne manque pas d'audace. On regardera le détail du toit qui laisse un léger espace entre lui et le mur, une fente tout le long. L'aspect ainsi de bloc doit être contrarié par la visite interne qui doit révéler des luminosités inattendues. On devine comme à Ronchamp un autel extérieur ici :

























Je ne possède par malheur aucune carte postale de cette église construite ! Et ne trouve aucune image dans mes livres pourtant nombreux sur l'architecture sacrée !
Espérons que ce vide n'est pas le signe d'une bouderie sur cette église !
Je vous promets que, dès que l'occasion s'en présentera, nous reparlerons de cette église pour à nouveau tenter de l'inscrire dans le réel.

dimanche 8 juillet 2012

beauté dijonnaise

Revenons sur une architecture détruite, rasée, perdue à jamais.
Revenons sur l'implacable et belle Cité Billardon de Dijon.
Cherchons un point de vue :




















Encadrée entre deux troncs d'arbres puissamment sombres et noirs, la perspective de la Cité Billardon prend place exactement entre ces deux fortes cales.
La dureté est totale et franche, le contre-jour construit l'image en opposant le naturel à l'artificiel, la géométrie au fouillis, l'angle droit à la tache.
Quelle carte postale !



































Il s'agit là d'une édition Combier sans date ni nom d'architecte. On devine que la Cité Billardon est toujours en chantier car des tas de terre sont encore au pied de l'immeuble : cela signe l'impatience des éditeurs de cartes postales à faire des images, à trouver un marché. On imagine la promenade dans le ventre vide de la Cité, les odeurs de ciment frais, les espaces encore silencieux. Ce point de vue permet de saisir aussi la relative finesse de l'épaisseur de la construction eu égard à sa longueur : presque fragile.
Un peu plus à gauche :


















On devine encore à droite le feuillage de l'arbre vu sur l'autre carte postale. La grille ici révèle sa force et sa régularité. Les tas de terre ont disparu et les autos des habitants viennent se garer. La Cité Billardon est maintenant habitée, vivante. Pourtant tout est bien neuf encore, le traitement du sol au pied de l'immeuble reste libre et les herbes folles ne dérangent personne.
Cette belle carte postale est due à E. Protet éditeur et photographe. Au dos de la carte postale le correspondant parle de l'enfant qui joue dans la neige et affirme que la seule distraction est l'entretien de la cuisinière !
La Cité Billardon fut détruite en 2003. Elle s'écroula avec son Label Patrimoine du XXème Siècle.