mardi 19 juin 2012

Maroc Moderne

Commençons par un mot fort : liberté.



La superbe tour Liberté se dresse fièrement dans le ciel du Maroc en imposant sa silhouette dansante dans un ciel comme vidé. On pourra une fois encore et toujours en somme, se réjouir des lignes, des contrastes, du socle qui la porte, du traitement de ses derniers étages. Cette carte postale des éditions la Cigogne ne mérite-t-elle pas toute l'attention nécessaire ? Les connaisseurs de Casablanca auront plaisir à savoir que cette dernière fut une exclusivité de Sochepress, rond-point Lapérouse à Casablanca.
De la liberté encore !



Se peut-il que le petit palmier de la première carte postale soit celui bien plus grand de celle-ci ? Notre point de vue a pivoté pour nous montrer l'autre façade et le bleu nettoyé du ciel cette fois fait son œuvre. Il s'agit d'une édition Fisa. Aucune des deux cartes ne nomme Monsieur Morandi l'architecte de la tour Liberté.
Un peu d'ombre :



Les palmes permettent à l'église du Sacré-Cœur de se rafraîchir et d'apparaître furtivement dans un paysage immédiatement oriental. Les éditions Studio Marti jouent la carte de l'exotisme et c'est assez réussi même si on ne fait que deviner l'architecture. Préférence à l'ambiance plus qu'à l'information, il s'agit bien là de la belle école de la photographie de cartes postales !
Attention ! Merveille !



Oui, il s'agit là aussi d'une carte postale ! Nous sommes au pied de l'hôtel Karabo à Restinga au Maroc. Nous admirerons l'architecture d'une modernité toute brésilienne...
Un bâtiment qui prend la courbe se pose sur de superbes pilotis en V libérant le sol que le photographe va pourtant chercher avec son cadrage. Regardez le premier plan, la terre vient contre l'objectif !



Cadrage audacieux et construction moderne font de cette carte postale des éditions Jeff datée de 1966 une superbe image. On notera un papier curieux au grain particulier. Il doit s'agir d'une carte-photo.
Par contre, je n'ai aucune information sur l'architecte de cette merveille ni sur le devenir de cette architecture.
Plus précis :



On aura reconnu la beauté rigoureuse du travail de Monsieur Zevaco, l'architecte de cette résidence des sapeurs pompiers d'Agadir. On trouvera sur le site du FRAC Centre deux dessins et un texte sur cette construction remarquable.
D'ici nous percevons le traitement en béton brut alternant avec des pans de murs blanchis, une fermeture des volumes, un traitement très sculptural de la tour et on s'étonnera du "couronnement" de celle-ci.
Les fleurs au premier plan sont inutiles à la beauté de l'architecture mais nous ne devons pas trop en vouloir aux éditions Hassan Tber car elles nous permettent tout de même de voir le travail du grand architecte.

lundi 18 juin 2012

Les enfants donnent l'échelle

Petite suite enfantine.
Rien que ce moment comme point commun aux cartes postales qui suivent. Les enfants vont animer, utiliser voire dessiner l'architecture et la ville.
Ils sont spontanés ou bien encadrés ! Ils sont les rois !
En ligne !



Dans un chemin de grue tracé au sol, dans les espaces libres des barres habitées et neuves de Creil dans l'Oise, une ligne d'enfants se tenant la main court vers le photographe de cette carte postale Combier datée de 1964.



L'image est superbe, l'architecture...
Pourtant d'une certaine manière, c'est bien là le paradoxe des lieux de ce type, offrir malgré tout un bonheur de vivre ici.
Les enfants ont cette puissance de faire de chaque espace un terrain de jeux. Ici leur signature est un jaune poussin qui habille trois d'entre eux !
Les architectes de la Cité Biondi sont Monsieur Louria de Paris et Monsieur Garnier de Creil.
Et le sable :



Là aussi, à Saint Germain-sur-Ay, les gamins s'alignent ! Ils font du toboggan une sorte de présentoir à leur jeunesse !



Qui les a arrangés de la sorte ? Eux-mêmes ou le photographe ayant trouvé cette belle idée pour animer l'image ? Les parents ne sont pas loin. D'ailleurs que vise-t-on d'autre avec cette carte postale Di Mario expédiée en 1974 ? La construction à toit mono-pente à l'arrière ? Le parc des jeux pour les enfants ? Le bonheur ? Ici, avec cette image, nous pourrions bien être à la frontière entre la photographie de l'album de famille et la carte postale.
Un chef-d'œuvre du jeu pour enfants :



Nous retrouvons ici à la Palmyre, l'ensemble du Sous-Marin du Group-Ludic que nous aimons beaucoup sur ce blog. Cette image nous le montre dans sa splendeur c'est-à-dire utilisé par les gamins. Rappelons le fonctionnement de ce sous-marin : on emprunte l'une des entrées constituées par les gros tubes blancs qui surgissent du sable et on passe sous... le terrain ! Au passage on admire alors les lumières produites par les tubes de Plexiglas et autres hublots visibles et plantés sur le sol ! On peut aussi descendre par l'échelle ici :



Voyez comme tous les regards se tournent vers ce gamin qui pose fièrement sur son échelle ! Personne ne regarde le photographe des éditions Artaud ! A n'en point douter c'est la star de cette carte postale ! On notera que celle-ci nous donne bien le nom des designers de ce jeu merveilleux et aussi le nom des architectes du très beau village de vacances "les pins de Cordouan" messieurs Villeminot et Champrit.
Vous en voulez encore ?



Toujours chez Artaud, nous voyons bien le village de vacances et aussi le Sous-Marin. Surpris dans un saut courageux, un enfant utilise et s'amuse donc de cette aire de jeu si originale. On peut d'ici, un peu mieux voir le très beau travail des architectes qui ont glissé la construction sous les pins.
Un escargot :



Cette carte postale éditée par Nouvelles Images en 1986 (déjà !) reprend une photographie célèbre de Martine Franck à la bibliothèque pour enfants de Clamart que nous avons vue ici ou ici. La photographie date, elle, de 1965.
Sans aucun doute il s'agit d'une demande de la photographe mais il doit bien y avoir aussi là, une facétie enfantine comprise et perçue par la photographe. Inutile de dire que cette image sert parfaitement l'architecture, la rend aux enfants qui semblent y trouver leur échelle... en colimaçon !
Une image géniale pour une architecture géniale de l'Atelier de Montrouge. J'imagine que chacun des enfants doit avoir quelque part dans un tiroir encore aujourd'hui cette photographie et, parfois, la sortant ils pointent de leur doigt d'adulte leur visage d'enfant.
Et chose unique sur ce blog, nous avons le témoignage de la photographe Martine Franck sur cette image. En effet dans l'excellent et très beau livre consacré à cette bibliothèque, nous pouvons lire :

Mon premier reportage dans Life
par Marine Franck

" La bibliothèque pour enfants de Clamart fut mon premier reportage publié dans Life International. C'était en 1965. Stagiaire à Time Life, je faisais mes débuts dans la photographie.
Comme j'aimais à la fois les enfants et l'architecture contemporaine, c'était un projet rêvé.
Ma première vision de la bibliothèque fut prise du quatrième étage d'un HLM. Il faut imaginer une série d'immeubles autour d'un grand espace, dans lequel s'érigeait un bâtiment relativement bas et où tout était en courbe. J'ai été séduite par l'harmonie des formes. L'intérieur était d'une clarté joyeuse et les enfants semblaient heureux, épanouis, dans ce lieu où tout avait été pensé en fonction de leurs besoins.
En tant que reporter, j'aimais laisser vivre dans leur cadre mes sujets, en l'occurence, la bibliothèque. Une des choses qui m'ont particulièrement frappée, ce fut la liberté, l'aisance avec laquelle les enfants déambulaient dans la grande salle. Tout était à portée de main, les enfants passaient d'une table à l'autre, d'un bac à livres à l'autre. je n'avais qu'à les suivre le plus discrètement possible, je n'avais guère besoin de les interroger, je voyais dans leurs regards le plaisir qu'ils prenaient à être sans surveillance apparente ; je me souviens d'un calme absolu, d'un respect des lieux. Personne ne se chamaillait ni ne s'arrachait de livres.
L'heure du conte était un moment privilégié ; les enfants se mettaient en demi-cercle autour de la conteuse ; et, à les observer derrière l'objectif, je me rendais compte combien la voix humaine peut transmettre le goût de la lecture et ouvrir l'imagination.
Au cours de ce reportage, j'ai tout de même enfreint une des règles que je m'étais imposées en tant que photographe : ne pas intervenir. (Un vieux routard de Life, Loomis Dean, qui suivait mes débuts de photographe m'avait dit : "Martine, tu sais, à Life, il faut toujours avoir une photo choc", ce qu'il appelait un opener, une image d'ouverture.) Suivant son conseil, j'ai installé les enfants dans l'escalier que j'avais soigneusement éclairé.
J'avais vraiment envie que mon reportage paraisse.
Ce n'est pas ma photographie préférée mais elle est devenue, avec le temps, une de mes photos "icônes". Elle n'a pas été choisie par le rédacteur de Life mais elle a été par la suite maintes fois utilisée, pour des couvertures de livres, des affiches, tirée en carte postale, en poster, pour des collectionneurs...
C'est bien curieux, la vie d'une image !
Je n'oublierai jamais la joie que j'ai eue à faire ce reportage."

Et nous à voir vos photographies...

Espace à lire
La bibliothèque des enfants à Clamart
Gérard Thurnauer, Geneviève Patte et Catherine Blain
Gallimard 2006
un livre superbe, une architecture superbe !

dimanche 17 juin 2012

La quinzaine radieuse c'est bientôt !

Prenez date !
Réservez vos jours !
La quinzaine radieuse va bientôt commencer et, une nouvelle fois, elle sera bien riche et bien dense !
Petit rappel : à Piacé-le-radieux, Le Corbusier, suite à une demande d'un céramiste local, avait dessiné une ferme radieuse tentant de mettre en place ses théories architecturales dans le milieu agricole et rural.
Le projet fut très avancé et de nombreux documents prouvent l'intérêt de l'architecte pour cette question et ce petit village de la Sarthe a bien failli voir se construire une œuvre du grand architecte.
Mais... aucune construction n'est sortie de terre et c'est bien le fantôme de cette utopie que Marie et Nicolas Hérisson font revivre au travers de leur association (qui peut aussi être la vôtre) en invitant pendant cette quinzaine radieuse des architectes, des designers, des artistes contemporains à réaliser ou montrer leurs travaux.
C'est courageux, un rien fou et totalement jubilatoire !
Je vous donne le programme dans lequel vous retrouverez votre serviteur qui montrera à vos yeux ébahis une (grosse) partie de sa collection de cartes postales consacrées à l'œuvre de Le Corbusier. Cela sera l'occasion pour vous de voir pour de vrai ces merveilles que vous voyez par écrans interposés !
Venez nombreux ! On vous attend !
Et j'attends tout particulièrement nos étudiants !
Voci le site de l'association : http://www.piaceleradieux.com/
Voici le programme :








quatre cent...

mille... lectures sur ce blog !
merci à tous.

samedi 16 juin 2012

Tournesol en bouton

Il y a longtemps maintenant que je n'ai pas fait avec vous le point sur la floraison des piscines Tournesol dans ma collection.
Voici trois nouveautés qui nous permettront sans doute d'éclairer notre printemps un rien gris. Commençons par une piscine qui vient jouer dans la cour de la mer !













Cette carte postale nous montre la piscine Tournesol d'une ville importante pour la modernité architecturale : Roquebrune Cap-Martin. C'est bien dans ce paysage que Le Corbusier a quitté ce monde suite à une baignade.
Il n'a bien évidemment pas connu cette piscine Tournesol et il est certain qu'il aurait sans doute préféré prendre son bain dans la mer juste derrière même en hiver !
L'édition de cette carte postale MIRE est datée de 1981.
Une autre :



Cette fois nous sommes à Cours (Rhône) devant la piscine et le château. On notera sans doute le désir du photographe d'allier la modernité et le passé de la ville en collant par ce point de vue les deux constructions. Quel collage ! Qui s'en tire le mieux ?
Cela nous permet de lire un peu certains des beaux détails des piscines Tournesol comme le dessin des hublots, et la manière assez belle dont les côtés de l'entrée se courbent vers le sol.



Entrons dans cette piscine :



Une nouvelle fois chez Combier éditeur, la belle coquille de métal et de résine permet les joies du bain avec bonnet obligatoire !
On notera que ces deux cartes postales Combier de Cours notent bien Monsieur Schœller comme architecte.

jeudi 14 juin 2012

soyons à l'avant-garde russe...



...et aidons nos amis à sauver l'une des plus belles constructions russes !


Dear fellow DOCOMOMO members!

Please support our petition to save an important monument of the Russian Avant-garde, the building of the Factory-Kitchen in Samara, 1931.
‘Factory-Kitchen’, i.e. canteen producing meals on industrial scale, was a vital typology for the early Soviet urbanism. By providing inexpensive and healthy food, they aimed to free people, especially women, from ‘domestic slavery’ and to give them more time for education and other forms of personal development, and, at the same time, to foster the spirit of collectivism. Every new residential area was supposed to have a factory-kitchen, and they were usually prominently placed and have expressive architecture. Sometimes they were municipal, and sometimes they belonged to a factory.
Factory-Kitchen in Samara belonged to the Maslennikov Factory. The building is absolutely unique in its plan in the shape of a hummer-and-cycle, symbol of the union of the working people. The ‘hummer’ held the kitchen and storage, and the ‘cycle’ was occupied by dinner-halls. The architect, Ekaterina Maksimova, was a VKHUTEMAS graduate and one of the very few women architects of the time.
The building underwent a number of transformations, but still retains its characteristic shape and can be restored. More than once it was under the threat of demolition, and now its future is unclear. Local activists for many years led a campaign to preserve the factory-kitchen building. Among their supporters are the Union of Architects of Russia, the State Museum of Architecture (MUAR), and well-known experts. The site was visited by delegations of SAVE Europe’s Heritage and Moscow Architecture Preservation Society (MAPS); the visit resulted in publications in the international press and petitions to save the building. It was spared the demolition, but still is not protected by the preservation law, and its condition continues to deteriorate. Official application by a certified expert stating that the building should be listed as a cultural heritage site was ignored by the Samara Ministry of Culture. Today, the owner of the buildings intends to demolish it and built a multistory commercial centre on its place. Please join your voices to our petition to the Governor of Samara Oblast pisma@samregion.ru and to the senator from Samara deputat-gd@mail.ru, urging them to take measures for the listing and preservation of the Factory-Kitchen.
Please find attached the suggested text of the letters that we hope you will send from your national chapters, as well as some images for your information. 

Vladimir Shukhov, DOCOMOMO Russia President
Anna Bronovitskaya, DOCOMOMO Russia General Secretary



mercredi 13 juin 2012

my cloud named Colline

Voici bien une carte postale que je ne pensais pas trouver un jour !
Je la dois une nouvelle fois à l'envoi de Nicolas Moulin et à son généreux colis ! Merci !
Voyez :



Alors...?
Nous sommes sur la Colline St-Cloud grâce à cette carte postale Lyna en Lynacolor s'il vous plaît. Cette Colline est de l'architecte Lemaresquier. Le photographe semble vouloir faire jouer la base de son image dans la verdure un peu minérale des aménagements des terrasses avec la sévérité aveuglée des verres fumés.
C'est beau comme le reflet de la carrosserie d'une Citroën DS noire dans la cour d'un ministère de l'intérieur, comme une couverture de Paris-Match avec Pompidou, comme un resto-route vide un soir d'avril, comme une robe de Paco Rabanne vue de loin puis de très proche. C'est beau.
Mais ne soyons pas trop dur avec cet ensemble qui s'il est fortement connoté n'en demeure pas moins finalement un héritage que je ne me lasse pas de trouver très cinématographique.
Je vois cette Colline de St-Cloud comme le décor parfait d'un film avec Yves Montand qui y dénoncerait les dessous des affaires politiques des années 70. Il lui faudrait un imper, une cigarette et une machination de droite à mettre au jour au péril de sa bien aimée belle mais fragile prise dans cette affaire malgré elle.
Souvent dans ce genre de films ne restent à sauver que les décors, les bagnoles et notre nostalgie qui sent la Gauloise en paquet bleu de nos pères.
Dans notre guide d'architecture contemporaine en France de Dominique Amouroux nous trouvons ce commentaire et cette très belle et dure image qui laisserait croire que le noir et blanc est plus flatteur avec cette architecture :