dimanche 8 janvier 2012

La frontalité : Frédéric Lefever


Billy-Montigny (F), 1994, Frédéric Lefever.

Je reçois de la part de Frédéric Lefever, photographe, une série de cartes postales qui reprennent ses photographies. Comme ce dernier me l'indique dans son courrier, il s'agit surtout d'utiliser la carte postale comme moyen de diffusion de ses images et non des lieux eux-mêmes, même si évidemment il est impossible de ne pas y voir l'objet autant que son image...
Ce qui caractérise en partie le travail de Frédéric Lefever c'est un choix d'objets photographiques en déclin, lieux en déshérence dont l'abandon relatif, la suspension temporelle, placent les constructions dans un entre-deux déroutant. Nous sommes avant la ruine, nous sommes devant le chantier sans fin où parfois le store rabattu, le vide, produisent finalement un sentiment étrange que l'on connaît bien depuis l'objectivité des Becher. A trop vouloir raisonner l'objet, lui donner la parole dans sa totalité froide et non-expressive, il semble que cet objet se venge en offrant non plus son esthétique et sa forme seule mais également, en l'absence de ses créateurs, nous livre une peur et un mystère assez terribles.
Il ne faudrait pas non plus dans cette frontalité oublier la référence évidente parfois à une peinture néo-plasticienne, sorte de Mondrian urbain, hommage à l'angle droit qui cale les constructions toujours sur une abscisse et une ordonnée implacables : c'est ce qui est réjouissant aussi.
Il faut dire que Frédéric Lefever cherche bien des "motifs", vise un gibier photographique qui lui permet - du moins dans cet envoi - d'obtenir à l'aide des architectures elles-mêmes et de leurs références modernistes une composition abstraite, point, ligne, plan, tout droit sortie d'un album de ligne claire de Swarte.
On pourrait dire du photographe qu'il est debout, bien campé sur ses pieds, et qu'il se prend en pleine face, de front, les lieux. J'aime.
Mais la nature est ainsi faite que malgré ou à cause de cette frontalité, le ciel passe toujours, la lumière frise toujours, les couleurs racontent encore des histoires de météorologie, de climat.
Le béton ne peut pas s'empêcher de se teinter d'orange, le sable est plein des traces de pas, l'aluminium brille et reflète, et le soleil déjà haut forme des ombres dures qui dessinent des obliques.
La froideur est impossible, l'ennui s'échappe et, comme accompagné par le photographe, on se place à ses côtés pour non plus "viser" mais sentir.
Alors on se régale autant des lieux que de leur image. En quelque sorte, on les dessine.
Ces quatre cartes postales furent éditées par B.P.S.22, espace de création contemporaine de la Province du Hainaut à Charleroi.

Sperlonga (I), 1998, Frédéric Lefever

Hyon (B), 2008, Fédéric Lefever
architectes : MATADOR (Belgique)

Calais (F), 2001, Frédéric Lefever

samedi 7 janvier 2012

Buckminster Fuller à la Montagne

Le centre commercial, les Orres, éditions SMD expédiée en 1990

Les Orres, neige, soleil, et ski, éditions et photo : C. Fortoul

Et si Buckminster Fuller avait pris un forfait remonte-pente et location de skis aux Orres ?
En effet sur ces deux cartes postales des Orres on retrouve cette très belle forme géométrique développée par l'ingénieur (architecte ?) et qui fit son succès : le dôme géodésique.
Si la station des Orres n'a pas de mystère quant à son attribution à l'architecte Legrand qui d'ailleurs y a fait un travail parfaitement étudié, on peut s'interroger sur la présence un rien décalée de cette forme dans son architecture.
Comme atterrie là, posée en opposition, peut-être roulée depuis le sommet des montagnes, la sphère blanche aux ouvertures sombres qui la fait ressembler à un ballon de football abrite une cafétéria, un bar, un snack sur deux niveaux tout de même ce qui en fait une bien belle structure.
Comment ce choix fut-il opéré ? Est-ce là une décision de l'architecte de la station Monsieur Legrand ? Est-ce une construction éphémère ayant obtenu une existence pérenne ? Ou une construction événementielle qui par le hasard des éditions aurait été à juste titre visée par deux fois par les photographes comme suffisamment significative de la modernité de la station de ski des Orres ?
Claude Lothier saura nous dire le nom exact de cette forme et même sans doute saura nous offrir le patron pour réaliser une sphère à partir de triangles...

Il





mardi 3 janvier 2012

mystère et boules de béton...

Voilà un cas bien singulier qui fait aussi la joie des cartes postales. Nous allons trouver deux architectures similaires dans deux endroits différents sans savoir ni pour l'une ni pour l'autre qui en est l'architecte, sans savoir non plus d'ailleurs s'il s'agit d'un hasard formel ou d'un vrai rapprochement d'auteur.
Mystère, mystère !
En plus, vous verrez que ces constructions ne manquent pas de références à des architectes que nous aimons bien ici comme Pascal Häusermann ou Antti Lovag.
Commençons :



Nous sommes à Port Barcarès en 1974 grâce à cette édition et ce cliché de Paul Goudin pour Dino.



Si on sait que Georges Candilis fut l'un des plus importants architectes de cette ville rien ne vient confirmer que ces constructions en forme de demi-sphères soient de l'architecte. Pourtant quelque chose de bien méditerranéen s'en dégage. On notera la différence incroyable entre ce type d'architecture et celle du haut de la carte postale avec des tuiles romanes. Le contraste est saisissant. Regardez également le détail des ouvertures dans les sphères qui sont absolument parfaitement dessinées.
Qui également nous dira quel(le) artiste a réalisé ce qui se rapproche fortement d'une colonne sans fin de Brancusi...
Et là ?

Vous ne voyez pas ?
J'agrandis...



Alors ?
C'est bien la même chose non ? Si on regarde vraiment bien, les ouvertures sont dessinées de la même manière... Nous sommes cette fois au club de La Genèse à Mejannes le Clap. Il s'agit donc encore d'un club de vacances et donc d'une architecture qui pourrait avoir été d'un lieu à l'autre éditée par le même promoteur de centre de vacances, le même client de l'architecte.
On aura compris que ces sphères sont en fait des bungalows ou des "chalets" de vacances. Mais qui a dessiné cela ?
Que sont-ils devenus ?
Je n'en trouve aucune trace sur Google Earth.

dimanche 1 janvier 2012

un modèle du genre

Pour commencer l'année, je vous propose une sorte de modèle du genre.
Une carte postale qui définirait à elle seule la typologie possible pour ce blog.
Il faut :
1 que l'on se demande ce que le photographe de cette carte postale a pu viser...
2 que l'on s'interroge sur la nécessité d'une telle image.
3 que l'on s'interroge sur la nécessité d'une telle architecture.
4 que l'on puisse dans le même moment évoquer Martin Parr, les Becher, la nouvelle objectivité, Nicolas Moulin.
5 que l'on découvre que l'on aime ce morceau de ville, sa fixité, sa modernité et son vide inquiétant.
6 que l'on découvre également que le ou les architectes de ce bâtiment pourraient bien nous apprendre quelque chose de ce goût immodéré des espaces vides comme des décors de films ou de science-fiction abandonnés.
7 que l'on puisse reconnaître aux photographes de cartes postales de cette époque le mérite d'avoir arpenté, aimé, reconnu les valeurs urbaines de tels lieux.
8 que l'on ait l'envie irrépressible d'aller voir si ce point de vue existe toujours et jubiler d'apprendre encore et encore à aimer la ville, les architectes et leurs monstres parfois qui produisent sur nous des images, des images, et encore des images.
Alors comme souhait pour cette nouvelle année, je voudrais bien avoir des nouvelles de Monsieur Ralf Walter, Monsieur J. E. Pinet, de toute personne ayant travaillé pour les éditions de cartes postales Raymon, Lyna ou Chantal.
Qu'ils nous racontent tous l'aventure surprenante et joyeuse d'avoir établi l'air de rien, l'air de tout le plus incroyable fonds documentaire de cette France urbaine.




Paris, la Défense, "les Miroirs"
Abeille-cartes éditeurs
Photographie de Monsieur J.E. Pinet

samedi 31 décembre 2011

le trou des... de... dans la mémoire.

L'année 2011 aura pour moi été avant tout celle de Sens, de l'aboutissement du dossier du centre commercial de Monsieur Parent et de son inscription à la liste supplémentaire des Monuments historiques.
Mais...
C'est aussi l'année de la destruction fatale du forum des halles que rien n'a pu sauver. On ne discutera pas ici encore de l'opportunité d'une telle destruction c'est maintenant trop tard mais nous regarderons au travers de quelques cartes postales devenues aujourd'hui des documents d'archives et des pièces à conviction une architecture qui ne déméritait pas bien au contraire.
L'histoire de Paris est passée dessus et je crois que ce qui se construit aujourd'hui verra dans 20 ans l'histoire de Paris lui passer dessus aussi.
Je suis pour que le trou des halles devienne un chantier permanent. Nous pourrions y tourner encore des westerns.
Je vous propose de voir une bien curieuse carte postale des halles qui résonne aujourd'hui de manière surprenante :



Cette carte postale nous propose en effet en deux vues, un jeu d'avant-après assez étonnant et donc démontre déjà une nostalgie marquée pour les halles de Baltard. Mais ce qui est vraiment étrange c'est que la vue du dessous, du chantier du forum en construction est quasi à l'identique celle de l'état actuel de la démolition...



Au dos de cette carte d'un format un peu plus grand que d'habitude, l'éditeur Procodif parle d'aménagement. La carte postale fait partie d'une série "Rétrospective" et porte le N°2. Verra-t-on des cartes postales fleurir aujourd'hui de la sorte avec en haut le forum des halles et en bas son nouveau chantier ?
Un souvenir....



Cette très belle carte postale du forum qui met bien en avant le pli des coins des tunnels de verre et l'animation dudit forum est de l'éditeur Chantal qui nomme bien les architectes Messieurs Vasconi et Pencreac'h. Mais en haut de l'image je remarque une sorte d'installation colorée, une sculpture (?). Qui pourrait nous dire de quoi il retourne ?



Chez Yvon éditeur :



Nous sommes dans une des galeries et nous regardons à travers la structure très troublée par un jeu d'ombres. Pourtant le photographe réussit à caler l'église Saint-Eustache dans les montants de cette structure et on voit également le beau volume jaune en toile tendue. Le grand mur gris est celui où le peintre Fabio Rieti fera sa belle intervention. Il s'agit là d'une très belle image d'un lieu aujourd'hui disparu.
Chez Chantal éditeur :



Ce plongeon dans le cœur nous montre le très beau traitement des volumes. J'aimais tout particulièrement l'escalier. Le point de vue très serré est assez curieux mais fait sensation ! C'est bien animé, vivant.
Par Albert Monier pour Image In éditions :



Le grand photographe de cartes postales tire son image vers le bleu qui teinte le verre du Forum. Il réussit à replacer la ville sur le dessus de l'édifice rendant mieux compte des niveaux de la construction. On devine bien les "parapluies" que l'on retrouve ici :



Cette carte postale des éditions Bernard par Philippe Varennes est datée par la Poste de 1997 mais l'image est bien plus ancienne. Le cadre bordeaux et doré ainsi que la typo de Paris veulent donner un côté chic à cette photographie qui pourtant n'en avait pas besoin, le photographe s'étant habilement amusé des parasols et des "parapluies". On passera sur le mobilier de la terrasse qui est une horreur totale, imitation épouvantable des chaises de bois Thonet.
Pour finir, la nuit tombe...



Quelle image !
Quel souvenir !
Cette édition OVET de 1985 nous invite à emprunter l'escalier. Regardez comme le prisme blanc lutte contre la dégringolade des marches... Vraiment superbe.
Et la grille rétro-éclairée du forum était encore comme pétillante et joyeuse.
La photographie est de Jacqueline Guillot.
Je vous propose quelques images de la démolition...

Et sur cette bâche blanche tendue par des ouvriers on pourra tout à loisir projeter des souvenirs nostalgiques ou des espoirs constructifs pour l'année 2012.
Bonne année à tous.








mardi 27 décembre 2011

Les Linandes en couleur

J'avais entrepris de rechercher des cartes postales du groupe de logements Les Linandes sur la demande du Pavillon de l'Arsenal.
J'avais trouvé ça et ça :



Les deux cartes postales des éditions Lyna sont des photographies de Ralf Walter, un incontournable de ce blog.
Il choisit de nous montrer la ville nouvelle bien implantée et prise dans son espace vert déterminant toujours au premier plan des espaces libres, de jardins ou de jeux. Finalement il ne fait rien d'autre que de rendre compte de la réalité du lieu, et je m'excuse, mais oui, il arrive à la photographie de dire le réel. Il ne faut pas en avoir honte...
Ce qui saute aux yeux c'est bien évidemment la polychromie de l'ensemble qui travaille le jeu des volumes en soulignant et aussi en même temps en brouillant parfois la lecture des façades. C'est simplement superbe comme travail mais je n'ai pu trouver aucun renseignement sur ce travail fin de peinture sur l'architecture. Pourtant, il semble que cela fut bien une "mode" si on regarde le travail de Jacques Kalisz, Emile Aillaud ou même dernièrement sur ce blog le travail des gradins-jardins de messieurs Andrault et Parat.
La couleur se pose souvent soit comme un mode de liaison au paysage, sorte de passage entre le sol et le ciel, soit comme affirmation d'une réminiscence des volumes. C'est, je crois, le cas ici et les couleurs chaudes de terres de Sienne, d'ocre et d'ombres brûlées peuvent à l'envi jouer de l'architecture de terre ou des façades vénitiennes...
Pourrait-on dire qu'aujourd'hui la couleur revient par l'intermédiaire des sérigraphies sur nos façades contemporaines, sérigraphies parfois cache-misère architecturale et solution un rien Artie pour faire dans le coup...
Mais on préférera ça à cette mode du rose saumon qui monta sur nos ravalements de façade à la fin des années 80 début des années 90...
Reste que cet ensemble des Linandes est très beau, sophistiqué même et que la ville de Cergy possède là un héritage moderne dont elle se doit de préserver l'originalité, la qualité et la polychromie.
Cet ensemble des Linandes serait (pas d'affirmation certaine) du grand architecte Roland Simounet, excusez du peu...
Ironie des images et des mots, au dos de la deuxième carte postale expédiée en 1987, la réponse à un jeu nous dit : " Celui qui aime bien, jamais n'oublie."
Pas de doute que l'ensemble des partenaires municipaux, urbains et patrimoniaux de Cergy aiment les Linandes. (Enfin on espère.)
un collage :




jeudi 22 décembre 2011

la politesse d'un bilan.

Il est temps de tirer le bilan de l'année 2011 qui fut, il faut bien le dire pour ce blog, d'une incroyable richesse et pleine de rebondissements.
On commencera par la fin avec quelque images de mes cartes postales sélectionnées par le Pavillon de L'Arsenal pour leur nouvel espace d'exposition sur Paris.
Merci Christine Hoarau-Beauval et à toute l'équipe pour cette collaboration vive et pétillante.
Hier je fus même surpris par la quantité de cartes postales choisies finalement. L'espace est superbe et la maquette numérique fait parfaitement son travail. L'ensemble est d'une belle richesse et ne loupez pas les petites vidéos sur les écrans tactiles. Celle reprenant un film d' Epstein avec Perret et Le Corbusier est simplement incroyable ! Ainsi que la vidéo sur le C.N.I.T où l'on peut entendre Messieurs Zehrfuss et De Mailly sur le chantier...Une visite s'impose.

Un peu au hasard de mes souvenirs :

exposition à la Maison des Arts d'Evreux d'une grande partie de la collection sur invitation du Comité de Vigilance Brutaliste par Emmanuel André. Merci.

conférence au Café Perdu à Rouen. Merci.

publication dans étapes (graphiques) d'un article sur la collection et sur ce blog. Merci.

participation au colloque de l'Institut National du Patrimoine autour de la carte postale comme document de recherche. Merci

participation au colloque sur le Label Patrimoine du XXème Siècle à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Chaillot. Merci.

achat par le F.R.A.C Haute Normandie d'une partie de la collection exposée à Evreux. Merci.

résidence du Comité de Vigilance Brutaliste au PLOT HR avec Thomas Dussaix, édition de cartes postales. Merci Jean-Paul Berranger et Marc Hamandjian.
exposition instabilisation(s) en conclusion.

conférence à Marrakech à la Dar Al-Ma'Mûm Artist Regency sur une carte blanche offerte à Nicolas Moulin. Merci.

Nomination comme blog du mois par la "Ressource" de la Cité de l'architecture et du Patrimoine. Merci.

un article dans le journal La Croix. Merci.

un peu plus de 230 000 pages lues depuis son existence...

Et...

l'inscription sur la liste supplémentaire des Monuments Historique du centre commercial de Sens dans l' Yonne dessiné par Monsieur Claude Parent.
Je n'en reviens toujours pas.

MERCI A TOUS, merci pour votre fidélité, vos messages d'encouragement, vos critiques constructives et toutes ces opportunités de faire aimer cette architecture du XXème siècle, la nôtre, la défendre et la faire partager par un moyen populaire et superbe : la carte postale.
Merci aussi pour vos envois de livres, vos donations, vos envois de cartes postales !

L'année prochaine s'annonce également très riche...on verra !

Quelques vues du Pavillon de l'Arsenal qui ne rendent pas le fourmillement de la documentation et la scénographie: