vendredi 11 novembre 2011

un cageot, des cartes postales, un chanteur mort

Dans l'un des plus laids bâtiments de France, le boulodrome de Saint Pierre-lès-Elbeuf, se tenait ce matin une foire à tout.
Ce boulodrome malgré (ou à cause) de son appellation "Henri Salvador" n'arrive vraiment pas à avoir un intérêt constructif quelconque, il est une boîte vide un peu à l'image des chansons de son parrain.
Dans le brouhaha léger des matinaux venus à la découverte impossible d'un vase Gallée pour 2 euros ou d'une toile de Monet pour 20, était étalée une quantité invraisemblables de choses inutiles, d'objets à l'obsolescence programmée, de bibelots ravagés par leur mauvais goût de naissance.
Au milieu de tout cela, et bien loin des marchands du Temple du collectionneur peu averti, pseudo brocanteurs et vrais brigands, se trouvaient de vrais gens venus là à la fois pour vider la cave de Tata et pour gagner un peu de sous en vendant le grille-pain Seb ou la parka mauve pour la saison de ski de 1988.
Dans un cageot à légumes, deux colonnes de cartes postales modernes parfaitement rangées attendaient qu'un type comme moi juge utile de les regarder toutes, tranquillement en discutant météo, prix du mètre linéaire et ambiance matinale avec la vendeuse charmante.
Le prix du marché (c'est un mot à la mode en ce moment) est de 2 euros pour 8 cartes postales modernes et même moins "si vous en prenez beaucoup".
77 cartes postales c'est beaucoup ?
Alors je vous rassure, dans ce lot il y a du très très jubilatoire et du moyen-bien mais le hasard de la fouille permet parfois de croire à un filon. Je vous propose de voir une de ces séquences dans l'exact sens de lecture de la découverte des cartes postales dans le cageot !
Vous allez comprendre que parfois il est possible de croire au miracle de la banalité.
On y va :


Ce bâtiment sévère et grave est la "Perle de Cerdane" à Osseja. Je trouve assez facilement dans Architecture d'Aujourd'hui de 1953 (!) et dans l'excellent ouvrage Louis Arretche, in folio de Dominique Amouroux toutes les informations nécessaires. Vous l'aurez compris l'architecte de ce sanatorium, centre de santé est Mr Arretche avec messieurs Avizou, Noviant, architectes et Monsieur Rieunaud ingénieur.
Monsieur Amouroux parle de "puissante radicalité" ce que notre carte postale Dino-Fisa donne bien à voir ! On aimera aussi le joli petit logo qui dit bien l'aide ici apportée aux malades. Nous reviendrons sans doute sur l'architecte Arretche et ce livre de Dominique Amouroux ces jours prochains.
On continue :

Là... je sais... Magnifique non ?
Brasilia est toute neuve, belle, moderne et audacieuse.Vous savez que j'irai un jour sous ces colonnes d'Oscar Niemeyer et que ce jour sera sans doute l'un des plus beaux...

Toujours au Brésil :

Superbe aussi.
Le génie civil ici donne pleinement satisfaction dans ce paysage et le serpent de la route sait faire un beau bond sur ce pont audacieux. Remarquez la jolie annotation sur la carte postale Colombo par le correspondant qui nous indique la mer...

Puis...

On quitte un peu l'architecture au sens propre pour retrouver les boring postcards de Martin Parr avec cette carte postale du Bultin's Minehead dans lequel on sait que le photographe anglais a trouvé un endroit reflétant ses préoccupations. Mais cette carte postale n'est pas signée John Hinde... curieux. Signalons que l'ouvrage Notre sincère désir est votre plaisir est réédité et disponible à nouveau dans un format plus petit chez l'éditeur Textuel.

Un peu loin :

Cette carte postale d'Alger en vues multiples avec son effet graphique assez... spécial nous donne à voir un monument que nous avons vu ici mais également un hôtel remarquable de l'architecte italien Luigi Moretti.


Je finis la séquence (mais pas le lot !) avec cet hôtel de Tunis que nous avons aussi évoqué ici. Il s'agit de l'hôtel du Lac qui inspira le plus grand cinéaste du Monde, Georges Lucas pour la plus grande trilogie de l'histoire du cinéma mondial : La Guerre des Étoiles.
Oh eh oui je sais je sais... et alors... j'ai le droit non ?
Vous voyez et vous imaginez bien que cette suite de cartes postales me tombant dans les mains les unes après les autres me donna une satisfaction simple que seul l'engourdissement de mes genoux pouvait calmer.
Pour les autres cartes postales, vous devrez attendre encore un peu...

jeudi 10 novembre 2011

Polaroid duo chez les Savoye

Parlons un peu d'un autre type d'images que j'aime beaucoup : les Polaroid.
Parlons aussi du plaisir qu'il y a, dans une architecture que l'on aime et que l'on connait bien, à emmener avec soi une personne qui découvre ce même lieu.
Le lieu ?
La Villa Savoye de Le Corbusier.
Dans le rôle du découvreur : Fabien Yvon.
L'outil de découverte ?


Un Polaroid SLR 68O chargé de quelques cartouches de film 600 de la marque disparue, encore en ma possession. Nous avons décidé que, chacun notre tour, nous ferions un cliché de la Villa Savoye au fur et à mesure de notre promenade architecturale comparant ainsi nos points de vue.
Une fois les clichés réalisés, j'ai décidé de faire éditer en deux exemplaires le livre de photographies pour recueillir tous ces Polaroid. Dans les pages consacrées à Fabien, j'ai ajouté une photographie de lui en train de faire son "shoot" Polaroid.
Ce qui est évidemment un rien étrange pour moi, c'est de penser qu'un jeune homme d'aujourd'hui n'a jamais réalisé, vu, expérimenté, ce genre de photographie.
C'était une belle manière, je crois de s'amuser de deux découvertes : une forme d'architecture et une forme de photographie. Je crois bien que Fabien a aimé les deux.
Voici le résultat, extraits, j'espère que ça vous plaira. Le livre s'appelle Villa Instantanée, un duel au Polaroid. Il fut imprimé par Blurb. Mes amis graphistes et photographes ont le droit de me dire ce qui ne va pas et il doit bien y avoir du boulot...
Belle visite.


première partie, Fabien et ses images :








deuxième partie, les Polaroid de votre serviteur:








mercredi 9 novembre 2011

France, Autriche ? Du sport !

Je voulais vous montrer ces deux cartes postales et donc ces deux architectures. Le seul point commun étant leur programme : des salles de sport.
L'une est à Vienne en Autriche, l'autre à Nantes en France.
On verra que l'une comme l'autre n'ont pas été visitées et donc il nous faudra une nouvelle fois se réjouir de l'image et de ce qu'elle nous offre. On verra que la salle des sports de Vienne a profité d'un bel article dans Architecture d'Aujourd'hui en 1959 ce qui prouve ses qualités.
L'autre, celle de Nantes est d'un grand architecte français, disparu depuis peu, Monsieur Evano.
Regardons :



Cette belle carte postale Cordia est due à l'opérateur Duchâteau. On nous donne comme titre : Nantes, la salle omnisport et au fond Malakoff.
Pas le nom de l'architecte.
L'image est superbe et donne bien à lire la volumétrie complexe de l'architecture de Monsieur Evano. Un grand morceau sombre et comme brisé en son centre offre des angles abrupts qui se trouvent comme cernés par tout un appareillage de petites constructions dont le rouge vif force les contrastes et les échelles.
Une sorte de ceinture fonctionnelle qui retient le géant. Le détail des tons différents de gris et de noirs sur la toiture me plaît tout particulièrement. On remarque aussi qu'il y a là bien un paysage mis en avant, paysage déterminé par les tours et les ponts qui semblent éloignés les uns des autres. Une sorte de clarté spatiale, de respiration certainement accentuée par la vue aérienne qui ouvre l'horizon.
Une superbe image donc.
Poursuivons en Autriche :



Cette carte postale en véritable photographie nous montre la salle des sports de Vienne par Roland Reiner architecte. Le photographe plante un arbre au premier plan sur cette photo en faisant ainsi jouer la structure naturelle et la structurelle artificielle, installant la construction dans un réseau de lignes.
Cette prise de vue me rappelle une autre construction dont nous avons parlé ici, la patinoire de Lyon :



Formellement les deux constructions se ressemblent surtout depuis les images ! Pour le reste difficile d'être affirmatif même si les piliers rejetés à l'extérieur et rendus visibles semblent dans les deux cas servir à porter les gradins et former au-dessous un espace utile, une galerie de circulation ou même la billetterie. Manière internationale de gérer l'espace.
Comme Architecture d'Aujourd'hui a consacré un article je ne m'étendrai pas davantage en faisant une analyse certainement moins riche que cet article de 6 pages !
Surtout que, pour ma part, je n'ai pas arpenté cette architecture !
Alors regardez et réjouissez-vous !













lundi 7 novembre 2011

faire le mur



Je ne sais pas ce que tu es devenu.
Je ne suis même pas certain que tu te souviennes de moi.
Pourtant nous avons ri ensemble et parfois même pris des torgnoles par les plus grands.
Il faut dire qu'on le cherchait bien, faisant conneries sur conneries comme de couper les fils à plomb au pied des bancs.
Mais on s'en foutait pas mal.


Toi, tu croyais qu'il viendrait te chercher finalement ton père. Il viendrait dans la Simca Aronde neuve que tu l'avais vu conduire un soir en rentrant chez ta grand-mère. Lui, tu ne l'avais pas vu, mais sa bagnole si et autour de cette silhouette mécanique tu avais imaginé la vie de ce père dont tu ne savais qu'une chose pourtant : son indifférence à ton égard.
Un matin, dans le réfectoire, ta place en face de moi était vide. Tu étais parti m'avait juste dit Monsieur Brémond le surveillant.
J'avais chialé comme une madeleine dans les toilettes et j'avais été chahuté par les autres à cause de ça.
Je m'en foutais.
J'avoue que je t'ai oublié longtemps. Et heureusement car la vie c'est comme les murs de briques ça a l'air solide et puis un jour faut peu de choses pour que ça tombe.
Alors aujourd'hui, je glisse encore parfois mon doigt sur les joints des murs pour juger de la qualité du travail des maçons comme on nous avait appris. Moi, j'aimais bien faire ça, la maçonnerie. C'était bien de voir son travail, c'était une chose rassurante et vraie. Soit ça tenait, soit ça tombait. Pas compliqué comme la vie des adultes et la nôtre...
Non, un mur c'est un mur. Dedans, dehors, pas de mystère.
Toi tu n'étais pas vraiment là, toujours à rêvasser, à croire, à espérer. Tu disais qu'il y aurait toujours un con de maçon pour faire les murs des prisons et des foyers des pupilles sans se poser la question de pour qui il était ce mur. Le mur, toi tu voulais te le faire...
Un jour, j'ai cru te voir dans un film... oui !
Un film marrant où y avait un môme qui faisait les 400 coups comme on disait à l'époque. Même qu'à la fin le gars il se barrait au bord de la mer.
On ne sait pas s'il arrive vraiment à partir ou si la mer finalement le retient comme une barrière, ça te ressemblait vraiment et puis le gars qu'a filmé ça on aurait dit qu'il avait vécu le truc, tu vois ?
Bref...
Je sais pas si tu te souviens de moi.
J'ai arrêté d'être maçon maintenant. J'ai un fils. Il s'appelle comme toi Antoine. Mais il veut pas reprendre le métier, il aime pas les murs, comme toi.


Foyer des pupilles de Lille
l'atelier de maçonnerie
photo de Herman, Lille. Pas de date, pas d'histoire...


Maillols à la barre

Voici exactement ce que vous aimez voir sur ce blog.
Une architecture spectaculaire, parfaitement marquée par sa période, un rien étrange, ayant pu être mal considérée il y a peu, revisitée aujourd'hui, une architecture volontaire sur le front de la Modernité, une architecture sans détour mais aussi avec une certain poésie à rebours qui satisfait les gens de ma génération y voyant un avant-goût des mangas ou de la Grande Motte.


On retrouve cette barre Saint-Just de Rennes dans notre guide d'architecture contemporaine en France et voici ce que nous en dit Monsieur Amouroux :



On remarque que le point de vue n'est pas tout à fait identique et que nous avons en fait d'une image à l'autre tourné autour de la barre qui est bien étoilée...
On s'amusera, si on aime comme moi les automobiles Renault, de la présence de deux Renault 16 blanches sur le même cliché de la carte postale, carte dont le cliché est signé NEDELEC (?). La carte postale nous indique également que la réalisation de cette barre Saint-Just est due au groupe Lamotte/S.R.P.I et nous donne bien le nom de Monsieur Maillols comme architecte D.P.L.G à Rennes.
Deux détails nous permettent d'admirer le très puissant et sculptural travail des brise-soleil :


Rappelons-nous que Monsieur Maillols est aussi l'architecte des Horizons dans la même ville de Rennes. Un Maillols à la Barre et les Horizons en vue à Rennes.

dimanche 6 novembre 2011

Mériadeck décortiquée

Pour ma part, j'aime les dalles.
Non par esprit de contradiction avec la pensée commune sur l'échec de ce type d'urbanisme mais bien parce que je leur trouve souvent des qualités qui me réjouissent.
J'aime justement leur vide régulier lié aux horaires des bureaux, j'aime la minéralité volontaire et artificielle fabriquée par l'abandon des espaces verts et des bassins asséchés, j'aime les œuvres d'art du 1% laissées là sans égard, j'aime les courants d'air revigorants qui circulent dans les canyons entre les tours.
J'aime Beaugrenelle et j'aime Mériadeck.
Pour la dernière, Mériadeck, il semble que je ne sois pas le seul puisque je reçois ce lien vers un très riche et passionnant site qui lui est consacré. Toutes les informations sur l'histoire, les architectes et les constructions y sont décortiquées avec soin. Un beau travail.
Pour fêter ça, juste une carte postale La Cigogne qui nous montre la dalle au temps de sa splendeur.


Le photographe choisit de viser surtout les aménagements des espaces verts et les petits arbustes ainsi que le bleu du bassin. Au fond l'architecture contemporaine retrouve l'ancienne ville avec la visée sur le clocher de l'église comme si un espace avait été ménagé exprès pour la viser.



Il ne faut pas oublier lorsqu'on regarde ainsi nos cartes postales d'architecture de se dire qu'elles sont aussi des documents sur la manière dont la ville elle-même a décidé de les installer dans des espaces verts (ou pas). Souvent cette notion d'espace est révélée par les cartes postales démontrant ainsi que le paysage urbain aussi veut faire image. Il y a là matière à réflexion sur le rapport entre ce qui est construit et ce qui est laissé à la circulation. Ce qui est tout particulièrement intéressant avec les dalles c'est bien qu'elles sont également des espaces construits et souvent à plusieurs mètres de hauteur. Mais comme par miracle, l'image produite sur nos cartes postales (images sans doute désirées par les concepteurs) est celle d'un parc, d'un jardin suspendu, sorte de Babylone, laissant loin dessous les autos, les camions et les... utopies.
N'oubliez pas d'aller là :
http://meriadeck.free.fr/Meriadeck/Accueil.html et à droite de cette page dans ma gare de triage...

samedi 5 novembre 2011

Thomas Nègre à Hambourg.

Thomas Nègre ?
Je ne le connais pas et pourtant...
Je reçois cela par la Poste !





Si les lecteurs commencent à m'envoyer des cartes postales, il ne me restera plus grand chose à faire !
Merci Thomas pour ce bel envoi... mais comment diable avez-vous eu mon adresse ?
Alors remercions Thomas et regardons bien cette belle carte postale qui nous vient d'Allemagne et d'Hamb(o)urg en particulier.
On remarquera que les trois constructions résolument contemporaines sont photographiées dans des moments d'éclairages particuliers, à la nuit tombante, comme si par le jeu des lumières les constructions disaient encore plus leurs particularités.
Regardons en détail cette carte postale René Menges :


Ici le Dockland, grand prisme penché qui veut jouer au bateau. Une autre vision ici :


Voici le Berliner Bogen qui par cet éclairage nous dit bien sa transparence et sa structure High-tech.



Enfin :



Le Deichtorcenter semble toujours être photographié sous cet angle qui lui donne une image très particulière faisant jouer l'angle bien plus que de raison...
Les trois architectures sont des œuvres des architectes Bothe, Richter et Teherani.
Comme quoi, il est encore possible de trouver des cartes postales d'architectures contemporaines, peut-être plus facilement à l'étranger...
Merci encore Thomas et faites-nous encore partager votre voyage !