mardi 16 mars 2010

les images parlent

Imaginez un bâtiment dont vous entendriez les habitants dire les choses suivantes :

On y a vécu sept ans, l'été on se posait dehors, on discutait, les enfants jouaient.

Notre centre culturel, j'y vais souvent.

Quand on fait un bouquet de fleurs, il faut en mettre de différentes couleurs. C'est ça la beauté.

à..., il y avait un peu une vie de souk. On voyait les enfants jouer. Ça donnait une empreinte de vie.

Les gens aux... disent ce qu'ils veulent dire ! C'était un quartier sympathique.

Les gens avaient fait des affiches, venez pas squatter le bâtiment.

Des fois je regrette même d'être partie.

Quand j'étais gosse c'était bien.

Maintenant vous penseriez quoi de cette construction ?
Qu'elle vient d'obtenir un prix d'architecture et d'urbanisme ? Qu'il s'agit d'un nouveau quartier écologique ? D'une réhabilitation exemplaire ?
Vous auriez tort. Il s'agit tout simplement d'une affiche collée sur les murs de Pierrefitte-sur-Seine pour justifier la destruction du quartier des Poètes !
Difficile de croire à une telle communication qui fait des qualités du bâtiment les raisons même de sa démolition !
Étrange retournement de la communication !
Je vous donne maintenant la dernière phrase qui finira d'achever le ridicule de la chose, à côté de photographies d'une habitante on peut lire :

Si vous ne connaissez pas la valeur des choses, vous ne les mettez pas en valeur.

Je crois bien que cette phrase à elle seule résume l'incroyable lucidité des habitants.
Le plus tragique, c'est que la valeur de la cité des Poètes est reconnue par les services culturels et patrimoniaux car elle avait obtenu le Label Patrimoine du XXème siècle !
Doit-on rire, doit-on pleurer ?
Merci Agnés Cailliau pour cette photographie.


lundi 15 mars 2010

Denis Prisset, Prestige

Je reçois ça :



Cette carte postale de la Grande Motte est une édition Prestige bien connue des cartophiles. Cet éditeur a tenté à une époque d'essoufflement de la carte postale de relancer la machine par l'impression et l'édition de cartes plus belles, plus artistiques et plus originales.
Le choix des photographes toujours nommés et le choix aussi des sujets photographiés ont fait de cet éditeur un cas à part dans l'édition et aujourd'hui un objet de collection particulier.
Ici, dans un mode monochrome qui n'est pas sans rappeler l'article édité là, la Grande Motte de Monsieur Balladur se noie dans un ciel-mer bleu gris très impressionniste ou très Alphonse Allais !
On ne sait pas si le photographe veut nous chanter la beauté des effets météorologiques de la côte ou la capacité de ceux-ci à camoufler l'architecture de Monsieur Balladur !
J. Guillard, le Leicagraphe (!) pourrait certainement nous répondre.
En tout cas l'image peut, pour nous amateurs de ce lieu, nous frustrer un peu mais aussi nous confirmer dans l'idée qu'un horizon architecturé et moderne peut toujours répondre à certains codes de la photographie pictorialiste....
Mais voilà la personne qui me fait don de cette image troublée et troublante agit dans le réel le plus clair et le plus limpide, celui d'une photographie que l'on dit plasticienne pour dire qu'elle dépasse (eh oui) le cadre d'une photographie anodine.
Denis Prisset est son nom.
Dans son envoi généreux et surprenant, il joint un très beau petit opuscule de photographies et vous allez voir que les interrogations que nous partageons ici dans ce blog sur une photographie objective trouvent un nouvel élan.
Voyez :






Le titre mon amour pourrait nous donner une piste d'analyse, celle d'un écrasement hiérarchique des objets photographiques. A la fois exclusif, mon amour au singulier et toujours ouvert ; et cet amour se pose sur des sujets qui finalement sont redondants.
On ne voit pas, sur le choix que j'ai opéré, les photographies des gens dont on devine la proximité avec le photographe, mais on comprend que les typologies sont bien établies :
voitures, fleurs (végétaux), architectures, familiers... et toujours dans un ordre savant affirmé par sa discrétion même.
Si le monospace, carcasse de métal molle, se soulève pour laisser la place à un tumulus de pierre lourde, il y a bien là une position.
Si la rose fanée, à la limite de sa chute se pose sur le Parlement Européen, il y a bien là une position.
Si le guitariste jouant de ses cordes tendues se pose sur des pylônes électriques à haute-tension, il y a bien là une position.
La pagination de mon amour donne des pistes de lecture de la banalité apparente et feinte des images. Mais il faut aussi aimer les images une à une pour leur force d'indifférence, force puissante qui nous fait tour à tour détester notre réalité et nous livrer à sa fascination. C'est le syndrome d'Atget, ou plus proche de nous Hans-Peter Feldmann.
Je sais bien ce que je retrouve là aussi de la banalité comme grille de lecture des images, celle qui se veut chez les photographes allemands depuis les Becher une objectivité. Et l'erreur de jugement parfois provient de ce que la banalité est sur le sujet et non sur sa manière de poindre comme image.
Les Boring Postcard sont de ce monde, celui aussi d'une forme d'anonymat du photographe. Personne ne semble responsable de l'image, personne ne la porte comme regard. La carte postale alors offre cette jubilation d'une photographie née comme une génération spontanée d'images, du sol, de l'air et de ce qui se constitue comme paysage. Et finalement je crois bien que la force du travail de Denis Prisset vient aussi de là, du désir de faire des choix et du désir de faire passer ses choix comme anodins.
Une forme finalement d'inventaire ou de documentaire qui aurait été commandée directement par le réel. Celui-ci donnant directement ses instructions au photographe.
Cadre-moi toi qui a une machine à enregistrer ma mort annoncée. Les voitures finissent en bagnoles, les fleurs fanent même à Berlin, les constructions s'écroulent dans des ruines que leur perfection ne peut cacher et les amis s'effacent doucement.
C'est bien, je crois, à une vanité que nous invite Denis Prisset.
Et les 933 photographies (!) de la forme des choses (à Berlin) est l'une des plus belles. J'ai tout regardé.
Berlin à la fois touristique, détaillée, ignorée et célébrée. Des voitures, beaucoup, des motos, beaucoup, des fleurs (des roses), beaucoup et des constructions (beaucoup) en plan large ou en détails nous livrent bien une ville vue par un marcheur. Il suffit de suivre les fuyantes pour connaître la hauteur du photographe, la vitesse de son cheminement (tranquille).
J'aime les autos, j'aime les fleurs et les architectures. J'aime marcher en les découvrant. J'aime donc beaucoup le Berlin de Denis Prisset. Et sa forme des choses est bien souvent la mienne.

la forme des choses (à Berlin), 2009
47 min
933 photographies accompagnées de la première symphonie de Gustav Mahler
(à visionner sur ordinateur)

mon amour
édition P
500 exemplaires
isbn 978-2-917768-00-6
2008


dimanche 14 mars 2010

eyesore !

Hier, j'ai reçu cette carte postale expédiée par Claude lors de son denier séjour aux U.S.A. :


On y voit le magnifique Centre du Gouvernement de Boston, l'une des œuvres brutalistes parmi les plus célèbres, les plus filmées et certainement les plus belles.
Voyez ici pour plus de détails quant à ses formes inouïes de beauté.
Mais cette carte postale comme le soulève Claude dans sa correspondance possède une étrange erreur d'attribution d'architecte.
Au dos on peut y lire ceci :
Designed architect I.M. Pei and completed in 1963, Government Center is Widely regarded by bostonians as a massive eyesore. The building served as the artistic inspiration for the rock song Government Center performed by legendary Boston rockers Jonathan Richman and the Moderns Lovers : We gotta rock nonstop tonight at the Gouvernement Center, make the secretaries feel better when they put stamps on the ledgers....
Au verso, Claude a corrigé l'attribution des architectes grâce à son iPhone. Magnifique instrument lui permettant à son tour devant cette erreur fatale de l'éditeur Kittiwakecards.com de subir un eyesore !
Mais pourquoi alors qu'il est si aisé de trouver la bonne réponse cet éditeur s'est-il ainsi laisser porter à une telle erreur ?
Rappelons-donc que les architectes sont bien Messieurs Kallmann, Mc Kinnel et Knoles.
La photographie de cette carte postale est de Alana Goldstein. Photographie aux couleurs légèrement fondues et à la netteté douteuse dans les coins comme prise avec un appareil pauvre genre Holga ou Lomo, sorte de chic photographique du lowtech.
Et la Poste colla son papier sur l'image. Décidement, il n'est pas aimé ce Government Center !

samedi 13 mars 2010

la machine à inciser la ville

L'année dernière Monsieur Parent m'a envoyé une carte de vœux sur laquelle, dans un rêve palpitant, il imaginait par le dessin une machine terrible capable d'inciser la ville pour y retrouver des failles et des canyons gigantesques mais surtout libérateurs.
Cet engin monstrueux mais nécessaire, comme toutes les utopies d'ailleurs, j'avais eu envie immédiatement d'en réaliser une maquette.
Ce que je fis et je l'offris bien évidemment à... Monsieur Parent qui la conserve jalousement pour que, le jour venu nous puissions la montrer aux ingénieurs et aux politiques qui devront bien se résoudre à la fabriquer, cette fois à l'échelle 1.
Voyez :






Mais comme Monsieur Parent est un homme poli, lorsque des visiteurs viennent le voir, il a la gentillesse de montrer cette réalisation afin de bien faire passer le message.
Et le voilà photographié par une visiteuse, la machine à la main et les dessins à proximité, faisant ainsi vibrer un peu plus l'utopie et le réel.



Et comme c'est lui qui me le demande, je ne peux lui refuser de vous montrer cette photographie.
Vous comprendrez ma joie, j'en suis certain. Ce photomontage est de Marie Cerbin.

Ivry, des briques

Pendant une de mes promenades à Ivry-sur-Seine il y a un an, j'avais vu de très beaux immeubles en briques.
Gardant ce souvenir bien inscrit, à mon retour j'avais jubilé de reconnaître dans l'une de mes cartes postales ces immeubles, toujours et encore surpris de cette résistance de la mémoire et aussi de l'incroyable coïncidence d'avoir une carte postale de ce lieu.
Je me demande même si finalement ce n'est pas, à rebours, le souvenir de la carte postale qui me fit regarder les immeubles bien plus que le contraire. Enfin... Vous me suivez ?
Bref, sachant que j'allais séjourner à nouveau quelques jours à Charenton, je m'étais promis carte postale en main de retrouver les immeubles et dans un jeu que vous connaissez bien, surtout Julien Donada, de reposer l'image contre le réel.
Mais voilà, alors que je chante mes capacités de mémoire, il se trouve que... j'ai oublié la carte postale !
Donc sur les lieux j'ai dû tenter de me remémorer la carte postale pour retrouver le point de vue.
1 la carte postale :



Celle-ci nous indique qu'il s'agit d'habitations H.L.M, du groupe Robespierre. L'éditeur est "Guy" en exclusivité pour Lyna-Paris.
Pas de date.
Le point de vue est superbe et dans mon souvenir je voyais très bien ce chemin plaçant l'œil au dessus mais j'avais complètement oublié la cheminée pourtant si présente et le vide avant les immeubles.
J'ai donc placé mon point de vue entre les immeubles :



2 les photos :





Il semble que l'architecte soit Monsieur Chevallier qui a construit beaucoup de logements sociaux à Ivry.
Ce groupe appartient bien à cette architecture de la fin des années trente qui perdurera parfois jusqu'aux années cinquante, la guerre agissant comme un creux stylistique évident.
En tout cas, il s'agit d'un très bel ensemble aux détails remarquables et à la qualité de construction superbe. Un bel espace aussi offrant une rue intérieure créant ainsi de l'espace urbain ouvert et aéré.
Il ne faut pas manquer d'aller les voir lorsque l'on va à Ivry voir les étoiles de Monsieur Renaudie ou les beaux ensembles de Madame Gailhoustet.

l'expérience de Janvier

Lors de mes derniers messages, je faisais appel à vous pour résoudre un problème de portée sur une charpente en lamellé-collé à Offoy.
Un lecteur du nom de Janvier nous donne toutes les précisions nécessaires. C'est vraiment très clair et limpide.
Je me suis pris au jeu et j'ai tenté l'expérience décrite.
J'espère que c'est bien cela.
En tout cas, c'est évident. La tige de métal courbée tient en effet toute seule en équilibre lorsque la courbe est dirigée vers le bas et demande un pincement des doigts lorsqu'elle est dans l'autre sens.
On comprend donc la logique constructive qui pousse à suivre le sens de la force au lieu de la contrarier.
Je me souviens des fils tendus par des petits sacs pour une maquette de la Sagrada Familia de Gaudi.
Voyez donc et faites aussi l'expérience !
Merci encore Janvier !



mercredi 10 mars 2010

portée ? L'autre sens

Bon.
je retrouve ça :


Cette carte postale me tient à cœur car elle me fut envoyée par Capucine qui me fit au dos un beau dessin.
Mais regardez bien .
Vous voyez que là la poutre en lamellé-collé est dans le sens inverse de celle d'Offoy et on devine bien à droite la colonne (c'est un peu fort), le pilier sur lequel elle repose.
D'ailleurs c'est étonnant comme les deux courbes bien qu'inversées se ressemblent non ?
Ainsi que le goût pour une décoration euh... design !
Tout cela ne me donne pas de réponse pour Offoy !
Alors si parmi mes lecteurs certains sont d'habiles architectes qui peuvent nous expliquer comment ça tient...
Nul doute qu'ils auraient la reconnaissance de tous ici...
Tenez en prime je vous donne l'ange dessiné par Capucine au verso de cette carte.
Du talent non ?
Au fait nous sommes dans le bar de la Maison Familiale de Vacances P.T.T du Cap d'Agde.
Une édition SL expédiée en 2010 mais la carte est bien plus ancienne !