Aujourd'hui c'est circulez il n'y a rien à voir.
Tout partout est construit pour le flux, le passage.
Les designers du métro font des sièges anti-SDF en supprimant les bancs pour que ceux-ci ne s'y allongent plus.
Mais parfois, au détour d'une carte postale, on trouve des espaces d'attente, des lieux conçus pour que l'on puisse là passer les quelques minutes, heures parfois qui nous séparent d'un événement à un autre.
L'arrivée de la tante de Marseille (jeu de mot oui oui), du cousin d'Amérique ou encore du supérieur hiérarchique qui vous dira dans un rendez-vous attendu ses quatre vérités...
D'abord :
Cette carte postale Graphokopie Sander nous montre le foyer de la maison de la Culture Nationale de Rathenow.
Des fauteuils confortables, des luminaires bien brillants donnant une lumière un rien égale et indifférente, le brillant d'un sol entretenu et le vide sidérant du milieu de l'image indiquant bien que là, normalement un passage actif se fait pour rejoindre l'escalier.
Plafond et colonnes simples jouent ensemble un air de rigueur sérieuse mais réchauffée par un malheureux caoutchouc et cette lumière provenant du fond de l'image.
Personne...
Mais ce qui est étonnant c'est que je possède deux exemplaires de cette carte postale. je note à chaque fois au dos que le correspondant est un homme et qu'il est question de vie militaire...
La ville Rathenow est même orthographiée Ratenove. Une ville sous garnison française après guerre ?
Mais voici notre paquebot qui arrive à l'heure :
Que dire ?
Magnifique non ?
Nous sommes dans le hall d'entrée de la Gare Maritime du Havre. Nous sommes en édition de luxe Estel en photographie véritable.
Quelle merveille éditoriale ! Photographie parfaite se jouant de toutes les sources de lumière, Lieu superbe où le plafond en caissons fait briller la géométrie du pavage. Sobriété du décor dans un grand chic à la française.
Mais quand photographier un lieu tel qu'une salle d'attente avec cette lumière sans qu'il n'y ait personne de présent ?
Après le bateau, attendons l'avion :
Là aussi, comment dire...
Beauté simple d'un vide sans appui, là aussi plafond aux caissons superbes d'une grande simplicité mais à la plastique redoutable, j'aime également les peintures (céramiques ?) aux graphisme bien typé.
Tout suit : mobilier aux banquettes moelleuses, dessin des ouvertures et des guichets et le comptoir central...
Regardez bien on nous observe :
J'aime l'état d'abandon de la jeune femme au premier plan. Il est... 11h08. La correspondante indique le 29 août 1961 et qu'elle se trouve devant le bas-relief ultramoderne (sic). La carte postale, une édition Ryner, est datée par le tampon de la poste mais également par la correspondante qui ajoute même l'heure... 11h... soit huit minutes avant l'heure indiquée sur la pendule. Le hasard !
Le même lieu en couleur :
Les petites vitrines centrales sont remarquables aussi, petites boîtes de verre.
Il semble que l'architecte soit simplement Monsieur Pouillon ! Malheureusement la carte postale Ryner ne nous le précise pas.
En tout cas, il est certain qu'un aussi bel espace pourrait bien être de ce grand architecte.
Aussi beau ?
Oui, je trouve !
Évidemment ici ce n'est pas tant l'espace architectural qui est remarquable mais bien son aménagement.
Nous sommes dans le hall d'entrée de la clinique Manhes à Fleury-Mérogis.
Les sièges de Bertoia font ici merveille. Et puis le superbe comptoir d'accueil traité comme un Rietveld. Oui...
J'ose...
Mais si, regardez bien ce très beau volume. Et tout est à l'avenant, plafonnier-boules, plafonniers-carrés répartis comme au hasard de ce plafond. La jeune femme est souriante et le rouge des pots de fleurs font l'éclat du lieu comme ça.
La lumière de l'entrée écrase le paysage extérieur.
J'aime beaucoup cette image.
Et moins, beaucoup moins... design :
Dans une saturation épouvantable de matériaux riches et disparates, dans un goût qui mélange le pittoresque au plus délirant ridicule, dans un espace qui déclare haut et fort son incapacité au silence visuel ou même le flou d'un bouquet de fleur réussit à être laid, des femmes descendent un escalier.
Où est Marcel Duchamp ?
Elles ne sont pas nues, en maillot de bain, elles sont observées par l'amie qui attend dans l'humidité moite de ses cuisses et de ses fesses chauffées par le cuir épais d'un fauteuil en cuir hideux.
Au loin, un groupe de jeunes adolescents maigres et attentifs au jeu du photographe et à la plastique disponible des jeunes femmes attendent au bar en sirotant une limonade trop chère.
Je voudrais apporter ma solidarité là encore aux plantes vertes obligées de faire bonne figure dans un environnement aussi factice où la fontaine électrique balbutie un gazouillis de chasse d'eau.
Que dire de la malheureuse reproduction d'un tableau sur le mur de droite, certainement le prétexte culturel du propriétaire y voyant l'image même d'un bonheur déclarant à la fois sa classe sociale et son incompréhension des choses de l'art.
L'hôtel Royal de Bénidorm. N'y allez pas. Où, au contraire, allons-y rire de notre monde perdu entre son désir fou du bonheur simple d'un maillot de bain deux pièces et son joyeux problème de temps libre !
J'adore !