vendredi 6 août 2010

Sainte Bernadette de Dijon, de Joseph Belmont



Reprise avec détails.
Voici à nouveau l'église Sainte Bernadette de Dijon que l'on doit à Monsieur Joseph Belmont architecte.
Et voici quelques nouvelles images de ce que je considère comme un chef-d'œuvre de l'architecture religieuse du XXème siècle.
Tout ici concorde pour un tel titre.
D'abord la révolution du plan et l'application des désirs de Vatican 2 fondant dans ce lieu les bases d'un nouveau rapport à la liturgie.
Mais aussi la projection externe de cette révolution avec l'image d'un édifice qui tout en gardant les caractéristiques de l'objet église (isolement et dégagement, croix visible, campanile...) sait le dépasser dans une forme étrange et originale.

édition Lyna, photographie de R. Moisy

Bien étrange objet en effet que ce cube à facettes posé sur un socle tenant un peu de la pagode chinoise.
Mais ici le cheminement du fidèle est organisé (je dirais épousé) par ce mouvement de l'auvent venant ainsi chercher sur le parvis les visiteurs. Ce mouvement un rien tendre (!) et accueillant ramène à une échelle humaine ce cube clos et sévère. C'est aussi une manière de préparation à l'espace essentiel celui finalement de la nef.
Cette progressivité est un traitement toujours important dans un lieu de culte mais j'aime aussi la brutalité des églises romanes offrant d'un coup fraîcheur et pénombre le temps de l'épaisseur d'un mur.
La modernité des matériaux et notamment ici de ces modules à facettes donne toute l'image à l'église, cette radicalité, ce désir impétueux de dire l'époque à grands renforts de matériaux et de solutions industrielles disent bien la position de l'architecte sur ce que doit être la réponse à un tel programme.
Pas de faux-semblant, pas de regard mensonger du décoratif mais une manière de puiser dans le catalogue des matériaux industriels, de les faire chanter autrement en dévoilant leur qualité sobrement certes, mais aussi avec audace.
Regardez l'intérieur, mais regardez !


Superbe...
Le dessin magnifique des colonnes et des points d'appui en métal forment une colonnade moderne et légère. C'est une forme utile et d'une grande beauté.
La simplicité de fonction est ici magnifiée par sa servitude : du métal coupé, plié et ajouré fait le motif.
Quelle invention formelle pour des colonnes internes !
Et le photographe de cette carte postale a bien travaillé. Son nom ? Monsieur Tibislawsky. C'est écrit au dos, merci les éditions Combier !
On peut ainsi voir l'effet de transparence des pointes-diamants et la lumière qui passe sous le toit courbe à droite de l'image.
On admire le dépouillement du décor qui tient tout entier dans le jeu des formes, dans l'expression de l'architecture.
Vraiment superbe...
Pour finir voici le baptistère :


Toujours chez Combier éditeur.
Ce baptistère est l'alliance d'une forme simple composée d'un cercle dessiné dans le sol et circonscrit de deux petites marches qui dessinent son espace et les fonds baptismaux qui eux-mêmes d'une grande simplicité sont exprimés au travers de cette large vasque ouverte et pour finir la céramique au-dessus dans sa rusticité artisanale est accrochée par des cordelettes.
Toute l'émotion du moment provient sans doute de cette eau comme venue du puits voisin (Puits de Moïse pas si loin) coulant sur le front et retenue ici dans ce bassin généreux.
Les glaïeuls posés là, presque abandonnés, laissent la cérémonie entièrement à ses symboles sans ostentation et dans un moment radical et serein où les formes servent une fonction.
Oui.

mardi 3 août 2010

par l'horizon et les nuages, New York

Imaginons qu'un maire de New York extrêmement conservateur décide pour maintenir une certaine cohérence urbaine que dorénavant, toute nouvelle construction devra être la copie d'une construction déjà existante.
Imaginons que, ainsi, les architectes et surtout les promoteurs décident de prendre comme modèle le plus célèbre des gratte-ciel de la ville : l'Empire State Building.
Nous pourrions alors comme skyline de la Big Apple avoir ce genre de chose :


Collées à l'ancienne par des rubans adhésifs sans utilisation de Photoshop que je maîtrise trop mal voici un paysage de cartes postales réunies par le hasard de leurs horizons et de leurs nuages étrangement compatibles.



Je suis assez content de moi !
Il faut remercier les imprimeurs de cartes postales new-yorkaises pour l'excellent maintien de leur bleu du ciel et leur goût pour les nuages.
De gauche à droite nous avons :
une édition Nester's Map and Guilde Corp expédiée en 1973. L'Empire State Building est encore nommé le plus haut immeuble du monde avec ses 1472 feet.
une édition Manhattan Post Card and Co expédiée en 1966. On a un peu plus d'informations comme le nombre de fenêtres : 6500 ! nettoyées deux fois par mois, le nombre d'ascenseur : 74, le nombre d'utilisations quotidiennes : 50.000 ! La hauteur est constante...
Puis une édition Dexter Press pour Manhattan and Co. Expédiée en 1979, l'Empire State n'est plus appelé le plus haut du monde.
Un petit trait indiqué par Laurence l'expéditrice montre l'étage de l'observation.
Oui c'est haut, haut si haut, j'ai vu New York U.S.A, j'ai vu New York U.S.A, haut c'est haut, j'ai jamais rien, j'ai jamais rien vu d'haut si haut, oh c'est haut....

dimanche 1 août 2010

prenez la banane par les deux bouts

On sait que le langage populaire aime à nommer l'architecture de manière souvent drôle et toujours imagée.
Au Havre, le Volcan de Monsieur Niemeyer, appellation officielle, est nommé par les havrais le pot de yaourt.
Pour rester dans l'alimentaire et le dessert, je vous propose la banane. Ce fruit allongé et courbe sert en effet au moins sur deux constructions de dénominateur commun. Oui.
Voyez :


Deux cartes postales Gaby de la "banane" de Monsieur Tourry architecte. A noter que l'orthographe de Tourry est flottante car on trouve ce nom avec parfois un seul R et parfois deux et cela dans le même article !
Si le point de vue est quasiment similaire il permet avec un collage d'agrandir la vision de ce morceau de ville de cette manière :


Pourquoi donc l'éditeur a-t-il choisi de sortir ces deux cartes postales ?
D'ailleurs elles sont d'une étrange qualité avec un grain très visible. On remarque que la banane de Monsieur Tourry offre une façade misant toute sa qualité sur les creux des balcons. C'est bien dessiné et généreux semble-t-il. Et aussi parfaitement entretenu.
Regardez par exemple comment la façade change à partir du portique, les balcons devenant filants puis soudain la façade sur la droite se ferme de ce côté pour certainement s'ouvrir sur l'autre face ici :


La reconstruction a fait de belles choses et à Lorient nous avions déjà vu le bel immeuble de Monsieur Conan.


On retrouve sur cette carte postale Gaby pour Artaud la banane à gauche mais aussi une succession de barres bien alignées sur l'autre rive.



Une vue satellite confirme leur destruction.
Beaucoup plus proche de chez moi :


Cette carte postale Combier nous montre le quartier des Sapins à Rouen. La carte postale nomme bien l'immeuble "banane" et nous informe qu'il s'agit là du plus grand immeuble d'Europe. Elle nous donne également le nom des architectes : Monsieur Tougard, Grand prix de Rome (oui) et messieurs Bonnet et Lefèbvre architectes D.P.L.G.
On notera que la carte postale est datée par l'éditeur de 1964.
Les plus fidèles auront reconnu au loin les châteaux d'eau superbes que nous avions vu ici.


La banane de Monsieur Tougard fut sectionnée il y a peu et d'une manière vraiment, euh... ridicule et un rien prétentieuse.


On dirait du tuning de mauvais goût (ça va de soi). Mais finalement c'est dans le ton. Ça veut faire moderne et c'est certainement là aussi un Grand prix de Rome qui a fait ce geste architectural ! (un signal !)
Alors s'il faut prendre la banane par les deux bouts il faut croire que par la moitié c'est plus dur...
En même temps comment se sortir d'une telle construction, à la fois spectaculaire par son échelle et qui ne semble intéressante que par ce gigantisme. Monsieur Tougard devait avoir sur sa table à dessin un double décimètre trop long, un gabarit dont il ne savait que faire, une équerre courbée par des années de travail... et Hop ! d'un trait un immeuble !
Certainement que des raisons géographiques et urbaines (paysagères ?) ont conduit à un tel résultat de gigantisme. Et puis quoi ? être l'architecte du truc le plus long d' Europe ça fait rêver et pas seulement les architectes...

samedi 31 juillet 2010

petites (grandes) choses françaises

D'abord une église :

Oui une église.
Nous sommes à Pont-de-la-Maye devant l'église Saint Delphin.
Les architectes ne sont pas inconnus de tous ceux qui aiment Royan car ils y ont fait de belles choses. Il s'agit de messieurs Salier, Courtois, Lajus et Sadirac. (Merci Archiguide)
Cette église est bien dans leur manière : sculptée et audacieuse.
L'image nous montre bien à la fois sa volumétrie tout inscrite dans cette pente rigoureuse et dans ce jeu des détails comme le beffroi sur le toit ou encore la manière dont est réalisé le passage entre l'intérieur et l'extérieur. On admirera également comment le bâtiment fait sa propre clôture en embrassant en quelque sorte la petite place ainsi créée.
Vraiment habile, pensé et spatial.
Mais...
Une nouvelle fois je n'aurais pas dû aller voir ce qu'il en est aujourd'hui de ce patrimoine car c'est bien triste la manière dont cet ensemble pourtant si représentatif est complètement abandonné. la clôture est supprimée et l'ensemble est dans un piteux état.
En tout cas depuis Google Earth.



Reste à espérer que la commune verra dans cette église un patrimoine de l'architecture religieuse du XXème siècle et qu'elle accordera de l'attention à cette réalisation d'architectes qui n'ont pas, et de loin, démérité. Le patrimoine c'est aussi ces petits édifices dans nos villes.
Quelle abandon tout de même de la part d'une municipalité quel manque de regard sur ce type d'édifice... Dommage. La carte postale est une édition Aquitaine-couleurs expédiée en 1971.
Et maintenant :


Reçu ce matin par la poste ce foyer de la Mutuelle Nationale de la D.G.J (?) à la Bourboule aussi nommé Les Planches.
Pas grand-chose certes, mais bien dessiné et presque audacieux avec ce toit tout plié et couvrant un plan circulaire. C'est extrêmement lumineux et ouvert, bien fini là aussi dans les détails (regardez bien) et au milieu ainsi du paysage, ma foi, ça prend sa place avec fierté.
C'est un rien pimpant et chaleureux.
J'aime.
Le photographe de cette carte postale Y.P.A est nommé : H. Bigay mais pas l'architecte et c'est dommage car lui non plus ici n'a pas démérité et j'imagine que le dessin de la charpente à l'intérieur de la construction doit être un beau spectacle.
Merci Claude pour cette trouvaille.
Un intérieur :


Surtout la charpente.
Oubliez la décoration et regardez bien tout de même cette charpente en lamellé-collé. Elle ondoie en courbes et contre-courbes assez joliment non ?
C'est gracile et la simplicité des piliers me réjouit, oui.
Il faudrait voir cela de l'extérieur et comprendre ce que cela couvre.
Mais voilà une petite chose qui ne manque pas d'un certain attrait.
Nous sommes au restaurant de l'étoile tenu par Enrico et Marika à Thoiry.
Il y a un jardin d'hiver, un jardin d'été, la cuisine est soignée et le menu touristique. Il y a même un menu touristique pour les gourmets avec comme spécialité le... couscous !
Le téléphone ? Je vous sens disposé... le téléphone est le 21 ! C'est un peu court je sais mais nous sommes en 1974 !
Parfois, les petits choses de l'architecture par leur attention, leur simplicité nous font croire qu'il est possible que le quotidien trouve de la beauté.
Il faudrait encore que ceux qui sont en charge de préserver fassent leur travail.

vendredi 30 juillet 2010

Fabuleux Skateboarding 3D de Sebastian Denz


Pendant notre voyage d'études en Espagne, j'avais découvert ce livre dans l'exposition consacrée aux livres de photographie au sein du Photo-Madrid.
J'en avais rêvé.
Le livre d'un grand format et d'une qualité d'impression irréprochable présente des photographies de Sebastian Denz en anaglyphe (vision du relief) de skateurs en plein action ou au contraire posant d'une manière égale devant l'objectif stéréoscopique de Monsieur Denz.
La qualité du relief est vraiment magnifique ce qui parfois avec ce genre de procédé est un peu difficile.
Ici rien à dire, chaussé des lunettes rouges et vertes mise à disposition dans l'ouvrage on est saisi par la grande présence des protagonistes dans l'univers urbain du skate.


Je vous ai déjà dit que j'aimais les skateurs et combien je les enviais. C'est en fait ce livre que j'attendais pour faire l'article consacré à Jérémie avec ce petit montage.


Dans ce livre on peut reconnaître quelques lieux importants de l'architecture comme le Volcan de Niemeyer au Havre. D'ailleurs le photographe a fait des études d'architectures et cela explique un peu certainement son goût pour les spots bien marqués de ce point de vue.
Il me semble également reconnaître le toit de la cité radieuse à Marseille. Mais j'ai un doute que Jérémie lèvera.
En tout cas, je reste sur le derrière !
Je réalise depuis maintenant plus de dix ans des vues stéréoscopiques et je sais la difficulté qu'il peut y avoir à ce genre d'entreprise. Mon brave Vérascope Richard (50 ans) serait bien trop faible je crois pour ce type d'images.
Mais au-delà de cette question, reste l'exploration d'un univers urbain que j'aime. Je crois que finalement comme avec les photographies de Monsieur Darzacq, cette question d'une liberté corporelle dans la ville me fascine moi qui suis si empoté.
Je remarque aussi que dans cet ouvrage, les skateurs ne sont pas de jeunes adolescents mais des adultes jeunes certes mais dont on sent la grande expérience. Je ne sais pas s'il s'agit d'amis du photographe ou de rencontres heureuses sur les spots (!).
C'est un superbe livre, une mécanique visuelle donnant envie de voir, regarder et glisser au travers de la ville. Et tomber aussi... sur le derrière!
J'essaie de vous donner un aperçu mais sans lunettes anaglyphiques vous ne verrez pas le relief; mais on en a tous une paire qui traîne quelque part, et surtout cliquez sur les images pour les agrandir :

Est-ce bien le toit de la cité radieuse à Marseille ?

ici c'est bien le Volcan de Niemeyer au Havre :






Pour Jérémie un spot marseillais qu'il connaît peut-être :




l'une des images que je préfère, du skate en forêt :



Skateboarding 3D
de Sebastian Denz
éditions Prestel
2010
disponible sur Amazon...

un gendarme à New York

Hier soir, pour la 72, 86, 54ème fois j'ai regardé cette merveille du cinéma français qu'est le gendarme à New York.
Bien m'en a pris car... Il se trouve que nos gendarmes logent à l'Americana Hôtel, établissement que vous avez pu voir dans un article Arlequin ici. Morris Lapidus and Associates, architectes en 1962.
Collision des fictions, joie des retrouvailles, plaisir du collage, me voici heureux en entendant l'un des gendarmes évoquer cet hôtel comme lieu de leur séjour et en le reconnaissant comme un vieil ami sur mon écran de télévision.
Sinon...
Bon il faut reconnaître que ce film est un absolu chef-d'œuvre reléguant l'œuvre des Straub et Huillet aux oubliettes.
La parodie de West side story est à mourir. Remarquez je n'aime pas plus l'original !
Alors pour le plaisir des yeux voici quelques images volées sur mon téléviseur et je vous redonne la carte postale.
Il faudrait savoir si le tournage a bien eu lieu dans cet hôtel, si les décors intérieurs des chambres et du hall sont bien ceux de l'établissement.
Mince... je n'ai pas regardé sur le générique de fin !
Il me faudra donc revoir le film une 102ème fois !
Voici la carte postale :

Au dos on peut lire en anglais que l'hôtel contient 2000 chambres et suites toutes avec bar et réfrigérateur et deux téléphones !
Il y a aussi quatre restaurants, un Fabulous Royal box Club. On apprend aussi que l'équipe de l'hôtel est multilingue (ce qui est confirmé par un épisode du film). L'hôtel possède également son propre garage, un centre commercial (également confirmé dans le film) et un théâtre...
Sur cette image on voit Louis de Funès suspendu sur le pignon de l'hôtel, enfin, sa doublure !


Et voici New York en morceaux dans ce film :




jeudi 29 juillet 2010

Dentelle toute fraîche


La carte postale est encore tiède des doigts de la factrice.
Cette carte postale nous montre la Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais par les architectes Moatti et Rivière.
Plus précisément encore l'aile contemporaine, façade courbe en verre sérigraphié.
On devine l'effet de creux et de bosse sur cette façade qui semble ainsi subir une onde mystérieuse qui la déstabilise. Il est question ici de référence directe à l'objet même de ce qui est protégé par le musée car le motif et la souplesse de cette façade évoquent les cartons perforés des métiers à tisser la dentelle.
C'est, on en convient spectaculaire et iconique.
Il faudrait s'amuser à établir une liste des bâtiments qui citent ainsi leur contenu programmatique sur leur façade.
Je pense par exemple, pour rester dans le contemporain, à Manuelle Gautrand et le centre Citroën sur les Champs-Elysées avec son jeu graphique autour du logo aux doubles chevrons de la marque automobile.
Mais cette dernière fait structure.
Ici c'est moins certain.
Il faudrait aussi se demander en quoi cela est nécessaire pour faire architecture. Il s'agit bien là je crois d'une question d'image et d'assurance sur la modernité, d'une manière d'excuse presque, de justification de cette modernité s'obligeant à la référence en un jeu de miroirs et de langage.
Reste sans doute une façade finalement assez étonnante mais qui une fois la déclaration d'intention passée ne devient qu'un geste de plus. Le spectacle.
Il y aussi le très beau porte-à-faux. Cela m'intéresse un peu plus. J'aime l'idée de la suspension d'une forme même si le pilier (pilotis) peut aussi être l'objet d'une recherche structurelle et formelle. Mais je suis toujours sensible à un volume en équilibre et au lieu et à la méthode qui permettent cette tension équilibrée entre chute et suspension.
Alors on peut sur You Tube trouver l'un des architectes évoquer cette construction. On peut entendre comment le langage achève finalement l'intention architecturale, comment cela emballe :
"... mais vous savez un bâtiment ce n'est pas le flacon mais le parfum qui en reste..."

Merci à Claude en tout cas pour cette nouvelle pièce dans ma collection.