jeudi 18 août 2011

arlequin 10



Georgette avait accepté tout de suite de poser pour le photographe. Après tout, elle avait bien le droit d'être un peu regardée.
Elle n'avait pas vraiment choisi la maison de retraite et de repos "la chimotaie" mais comme elle avait passé toute sa vie dans l'éducation nationale, elle avait droit ici à des avantages et de plus cela n'était pas très loin de son grand fils.


Elle en était bien fière de ce garçon militaire de carrière, chasseur à la XIe compagnie et qui aujourd'hui lui racontait comment il manipulait des missiles anti-char SS 11.


SS, chez Georgette cela résonnait autrement et elle se souvenait bien comment dans la teinturerie de la rue Georges Herrewyn de Bonnières, ses parents avaient fait acte de courage et de dévouement républicain en cachant au fond de la boutique deux parachutistes anglais pendant la seconde guerre.



Elle revoyait sa mère teindre les manteaux de laine verts des aviateurs dans un grenat profond pour leur faire passer plus facilement les barrages.
Ils réussirent d'ailleurs fort bien et l'un deux revint les voir en 1955 à moins que cela ne soit en 56 l'année de son mariage avec Roger.
Cet aviateur était toujours militaire et c'est certainement cet épisode de leur vie qui conduisit son fils à devenir un militaire dévoué et efficace.
Mais Georgette était maintenant bien fatiguée surtout depuis la disparition tragique de son autre fils.
Il partit un jour en expédition avec une cordée de camarades artistes pour une Nouvelle Ascension du Mont Analogue.
Malgré les explications sur la localisation de cette montagne, Georgette ne comprit jamais où elle se situait. Qu'importe !
Elle avait dit au-revoir à ce fils alpiniste pour la dernière fois un soir de septembre. Il était très beau, un roc comme elle aimait à dire.
Mais le roc n'avait pas rencontré la montagne mystérieuse. On perdit la trace du voilier et des compagnons de cordée.
Georgette attend encore parfois son retour.



Alors dans le tiroir de la table de chevet de la maison de retraite, sous le catalogue de la Camif, bien rangée dans un étui en cuir, la photo du fils alpiniste est disponible au regard de Georgette.
Et même si, sur l'image son fils est de dos, elle est avec lui au bout de la corde rouge et cela la réconforte.



Dans son journal "Var-Matin" on annonce qu'un voilier français vient d'être repêché au large des côtes néo-zélandaises. Le petit bateau fut récupéré entièrement vide de ses occupants. Pourtant chose étrange rien ne laisse penser ni à un accident ni à un naufrage, les affaires de premiers secours et les kits de survie sont encore dans la cabine du voilier.
Un navire de l'armée française s'est dérouté pour tenter de retrouver les passagers... On dit que les chasseurs de la XIe compagnie seraient à bord.
Georgette est confiante et heureuse.

Mutuelle Générale de L'Education Nationale
Centre Gériatrique
Combier éditeur

Missile anti-char SS 11
éditions Lyna

Bonnières
rue Georges Herrewyn
édition d'art A.P

Alpismo d'alta montagna
ascensione in cordata ghiacciaio
édition Sacat Torino.