vendredi 27 juillet 2012

école blanche

Jean-Michel venait d'arriver.
Il avait dans les yeux et dans les jambes un étrange mélange de Chartres, son ancienne ville, et de l'Italie où il venait de passer une semaine avec son ami de lycée, Antoine, comme lui nouvellement gratifié d'un baccalauréat.
Il était enfin là devant son école.

éditions Tardy



















Il avait choisi celle de Marseille pour sa pédagogie. C'est ce qu'il avait expliqué à ses parents. Mais il avait choisi Marseille aussi pour sa situation.
Il rêvait d'abord d'être loin de Chartres. C'était parfait. Il rêvait d'être loin de ses parents. C'était parfait. Mais il regrettait déjà l'éloignement d'Antoine qu'il connaissait depuis toujours.
Enfin il faudrait ici apprendre son métier, apprendre à le vivre avec d'autres de son âge et l'école lui fit une belle impression. Il se rappelait même un peu les lieux car il avait dû venir pour son concours d'entrée. Il avait donc une sensation de familiarité mêlée d'une trouille un peu pressante. Il regarda d'abord depuis l'extérieur son école toute neuve. Une succession de blocs blancs immaculés aux grandes ouvertures semblaient par leur géométrie jouer contre les rochers gris du paysage. Un ciel d'un bleu dur écrasait sa nuque. Il la trouva belle cette école.
Il devait maintenant entrer.

éditions Tardy


















Il fut d'abord un rien décontenancé par l'absence d'autres élèves. Il s'attendait à un bordel joyeux de jeunes étudiants encadrés et moqués par les anciens. Il s'attendait à une sorte de cérémonie d'intronisation, une foule accueillante. Mais personne dans ce hall de l'unité pédagogique d'architecture. Personne que cette jeune femme en bleu ciel de la tête aux pieds qui comme lui semblait attendre... Il posa son sac ni trop près ni trop loin ne voulant pas entrer brutalement dans son espace ni paraître tout de suite comme perdu. Il décida simplement de se diriger vers l'accueil où l'on rit de bon cœur à son étonnement de ne voir personne. Il avait simplement deux jours d'avance !




























On lui donna tout de même les papiers à remplir et l'accent chantant vient lui souligner son éloignement et la réalité de sa situation ! Il rit à son tour et devant un sourire esquissé par la jeune femme en bleu, il saisit l'opportunité de rompre la distance.
Quelle surprise !
Un autre accent vint lui rappeler immédiatement des souvenirs récents. Milena était italienne et arrivait tout droit de Turin, un peu épuisée également, un peu abattue ! Elle avait aussi pris un peu d'avance... ils s'aperçurent alors tous deux que leur convocation comportait bien un léger doute de date et ils rirent ensemble de ce méfait sympathique. Mais que faire de ce temps ? Visitons l'école !
Alors rapidement, son sac sur le dos, Jean-Michel accompagna Milena dans une excursion sur le campus. Elle lui raconta son oncle opérant pour Gio Ponti à Milan et lui son père maçon qui l'emmenait sur les chantiers... Il raconta son voyage récent en Italie et elle son désir un jour de voir la grande cathédrale de Chartres. Ils avaient chaud et l'ombre fraîche du hall d'accueil de l'école d'art les rafraîchit un peu. Milena logerait en centre ville dans un studio, Jean-Michel dans une chambre meublée prêtée par un ami de la famille. Ils avaient leur journée de libre. Ils n'avaient jamais vraiment connu cette sensation, une journée de libre. Dans un chahut vocal, un petit groupe d'hurluberlus vint à leur rencontre.

éditions Tardy



















Ils se présentèrent, se firent moquer gentiment de leur erreur à tous deux. Puis, naturellement, on les invita à aller se baigner là-bas, au fond des calanques. Vous verrez l'eau est chaude. Milena s'éloigna déjà avec le groupe d'étudiants.
Jean-Michel en retrait pensa immédiatement à Antoine. Il aurait bien des choses à lui écrire ce soir. Marseille.

Le campus de Luminy et l'école d'Art et d'Architecture sont l'œuvre de René Egger, architecte.
Pour de plus amples informations sur ce beau site, reportez-vous à l'excellent "guide d'architecture, Marseille 1945-1993" aux éditions Parenthèses par Jacques Sbriglio.
isbn 2-86364-075-5