mardi 26 juin 2012

époustouflant, époustouflant Omicron


J'ai dans ma collection deux cartes postales de la halle du centenaire à Breslau. Je pourrais tout aussi bien écrire : j'ai deux cartes postales de la halle du centenaire à Wroclaw puisque la ville porte les deux noms. Cette halle est un monstre de l'histoire du béton. Construite au début du siècle dernier, elle est sans aucun doute l'une des constructions sans pilier intérieur la plus vaste jamais construite. Et, en plus,
elle est d'une grande beauté, surtout son intérieur.
Nous devons cette merveille technique et esthétique à l'architecte Max Berg.
Voici la première carte postale :



Cette édition A. Bröse de Breslau fut expédiée vers l'Allemagne sans doute juste avant les années 20 vu la qualité de l'objet postal. La bâtisse est prise dans son reflet, d'un peu loin et ne donne pas réellement la mesure de son ampleur architecturale. On notera le titre en allemand " Breslau Jahrhunderthalle ".
Beaucoup plus récente :



Cette très belle carte postale sans aucun nom d'éditeur doit dater du milieu des années trente. On retrouve la même nomination "Breslau Jahrhunderthalle". Nous sommes plus proches et la sensation de masse devient aussi plus réelle. On notera aussi que dans sa rigueur, l'ensemble est même un peu ennuyeux et pompeux, ce que la petite colonnade et sa sculpture d'entrée n'arrangent certes pas. Mais... attention, cela reste du moins avec ce que je peux vivre depuis cette image comme l'une des constructions les plus radicales et fortes sur un carton 10 x15cm !
Et voilà qu'hier, Claude m'envoie un lien vers le site de l'un de nos anciens étudiants, Romain Tardy.
(oui je sais Romain, ça fait longtemps !)
Sur ce site nous voyons et comprenons que ce dernier avec son collègue Thomas Vaquié ont réalisé une intervention spectaculaire à l'intérieur de la halle du centenaire. Et je dois dire que je suis resté bouche bée ! Cela porte le titre de O (omicron).
Il est bien loin le "son et lumière" de jadis ! L'alliance musique et jeux de lumières et d'images projetées est vraiment parfaitement accomplie. La manière dont les deux artistes ont réussi à la fois à respecter la colossale structure et à en tirer un parti à la fois formel et cultivé de références est surprenante et j'ose, époustouflante !
Vous allez être totalement renversé de votre siège et encore nous ne voyons qu'un film ! L'expérience dans le réel doit être absolument renversante !
Prenez le temps de bien écouter les protagonistes puis ensuite de regarder le petit film. Parfois Viméo rame un peu mais soyez patients, cela vaut largement le coup !
Attention ça commence, vous allez entrer dans l'étoile de la Mort, dans Tron version Metropolis, dans une mécanique visuelle puissante. Accrochez-vous !


O (Omicron) / Making of from Romain Tardy (AntiVJ) on Vimeo.



O (Omicron) from Romain Tardy (AntiVJ) on Vimeo.

dimanche 24 juin 2012

Anton Korady avec des roses

Nous allons retrouver l'architecte Anton (Antoine) Korady avec trois cartes postales de son église de Grisy-Suisnes en Seine-et-Marne.
Nous commençons à bien connaître les œuvres de cet architecte mais il est toujours plaisant de les retrouver au travers de nos cartes postales qui lui rendent hommage sans doute parce que la qualité spectaculaire des réalisations de l'architecte le mérite.


























Les éditions d'Art Yvon nous présentent Notre-dame-des-Roses de Grisy-Suisnes en noir et blanc. Cela nous permet sans doute ici de mieux lire le dessin et le volume. On comprend immédiatement que l'église est en deux parties distinctes : ses murs en béton et son toit en bois et ardoise. Les deux se liant sur une hauteur constante et ayant toutes deux une sorte d'autonomie formelle et moderniste assez prononcée.
Le socle de béton est un rien japonisant avec ses retours de toit, ses triangles. Cela est accentué par l'effet pagode des courbures du toit qui est très spectaculaire et conforme à l'idée de geste moderne d'une église de cette période. Le clocher se doit d'être pointu, haut, fier et en ardoise ce qui confère à la fois une belle sévérité et un lyrisme réussi.
C'est une belle église moderne sans aucun doute !
On remarquera un tas de planches à droite sur le sol : les restes du coffrage ?























En couleur :



Toujours chez Yvon éditeur, imprimée en Draeger procédé 301, cette carte postale appartient à une série dont vous voyez le numéro 2. Je ne sais combien de cartes postales comporte cette série.
Prise depuis le sol, regardez comme cela fait remonter les pointes vers le ciel ! L'effet pagode est encore plus  accentué ! L'entrée nous ouvre des bras de béton pour nous accueillir et le traitement des contreforts donne une dimension forte et bien campée à cette église. L'ensemble plastique s'amuse bien du triangle qui est aussi la forme du plan de l'église. Voyez comme l'intérieur fait de même :



Magnifique non ?
Quelle charpente !
Depuis ce point de vue, le socle de béton semble bien n'être plus qu'un détail pour permettre l'envolée de cette charpente qui est la pièce maîtresse de l'église. Les losanges, les triangles se battent à coups de pointes et dans les espaces les vitraux viennent mettre de la lumière et de la couleur. Le photographe Plessy des éditions S.E.R.P choisit une symétrie parfaite pour faire ce beau cliché.


jeudi 21 juin 2012

Charlotte Perriand dans les livres



Alors que je termine la lecture de Une vie de création de Charlotte Perriand, livre dans lequel elle raconte son histoire et sa vie riche, incroyablement riche, mon frère Christophe m'apporte pour une relecture un livre qu'il possède depuis longtemps Intérieurs de chalets et de maisons de campagne aux éditions Massin. Il est temps que je vous dise que ce frère depuis des années s'intéresse au design bien avant moi et que son flair de frère aîné l'a amené à acheter mobilier et livres que je dédaignais alors...
Ainsi aujourd'hui est-il à la tête d'une sorte de petite bibliothèque des Arts Décoratifs des trente glorieuses, bibliothèque que je jalouse souvent le week-end quand Christophe me fait le plaisir d'apporter un ou plusieurs de ses volumes et les trois éclairs au café du dessert dominical !
En voici donc un exemple et mon cœur a sursauté lorsque je me suis aperçu que la quasi totalité des photographies de ce livre représentaient du mobilier de Charlotte Perriand ! Alors pas de carte postale aujourd'hui mais je vous connais maintenant et je sais que vous allez vous régaler. Je dois donc remercier Christophe mais aussi Claude et Gaëlle qui m'ont permis de lire Charlotte Perriand dans une version de ce livre dédicacée par l'artiste lors de leur rencontre avec celle-ci.
Je vous donne sa dédicace : " L'enfant est un créateur né".
J'ajouterai également : "quel joyeux petit destructeur !"

Une vie de création
Charlotte Perriand
éditions Odile Jacob
1998

Allez ! Regardons l'œuvre de Charlotte Perriand :



























mardi 19 juin 2012

Maroc Moderne

Commençons par un mot fort : liberté.



La superbe tour Liberté se dresse fièrement dans le ciel du Maroc en imposant sa silhouette dansante dans un ciel comme vidé. On pourra une fois encore et toujours en somme, se réjouir des lignes, des contrastes, du socle qui la porte, du traitement de ses derniers étages. Cette carte postale des éditions la Cigogne ne mérite-t-elle pas toute l'attention nécessaire ? Les connaisseurs de Casablanca auront plaisir à savoir que cette dernière fut une exclusivité de Sochepress, rond-point Lapérouse à Casablanca.
De la liberté encore !



Se peut-il que le petit palmier de la première carte postale soit celui bien plus grand de celle-ci ? Notre point de vue a pivoté pour nous montrer l'autre façade et le bleu nettoyé du ciel cette fois fait son œuvre. Il s'agit d'une édition Fisa. Aucune des deux cartes ne nomme Monsieur Morandi l'architecte de la tour Liberté.
Un peu d'ombre :



Les palmes permettent à l'église du Sacré-Cœur de se rafraîchir et d'apparaître furtivement dans un paysage immédiatement oriental. Les éditions Studio Marti jouent la carte de l'exotisme et c'est assez réussi même si on ne fait que deviner l'architecture. Préférence à l'ambiance plus qu'à l'information, il s'agit bien là de la belle école de la photographie de cartes postales !
Attention ! Merveille !



Oui, il s'agit là aussi d'une carte postale ! Nous sommes au pied de l'hôtel Karabo à Restinga au Maroc. Nous admirerons l'architecture d'une modernité toute brésilienne...
Un bâtiment qui prend la courbe se pose sur de superbes pilotis en V libérant le sol que le photographe va pourtant chercher avec son cadrage. Regardez le premier plan, la terre vient contre l'objectif !



Cadrage audacieux et construction moderne font de cette carte postale des éditions Jeff datée de 1966 une superbe image. On notera un papier curieux au grain particulier. Il doit s'agir d'une carte-photo.
Par contre, je n'ai aucune information sur l'architecte de cette merveille ni sur le devenir de cette architecture.
Plus précis :



On aura reconnu la beauté rigoureuse du travail de Monsieur Zevaco, l'architecte de cette résidence des sapeurs pompiers d'Agadir. On trouvera sur le site du FRAC Centre deux dessins et un texte sur cette construction remarquable.
D'ici nous percevons le traitement en béton brut alternant avec des pans de murs blanchis, une fermeture des volumes, un traitement très sculptural de la tour et on s'étonnera du "couronnement" de celle-ci.
Les fleurs au premier plan sont inutiles à la beauté de l'architecture mais nous ne devons pas trop en vouloir aux éditions Hassan Tber car elles nous permettent tout de même de voir le travail du grand architecte.

lundi 18 juin 2012

Les enfants donnent l'échelle

Petite suite enfantine.
Rien que ce moment comme point commun aux cartes postales qui suivent. Les enfants vont animer, utiliser voire dessiner l'architecture et la ville.
Ils sont spontanés ou bien encadrés ! Ils sont les rois !
En ligne !



Dans un chemin de grue tracé au sol, dans les espaces libres des barres habitées et neuves de Creil dans l'Oise, une ligne d'enfants se tenant la main court vers le photographe de cette carte postale Combier datée de 1964.



L'image est superbe, l'architecture...
Pourtant d'une certaine manière, c'est bien là le paradoxe des lieux de ce type, offrir malgré tout un bonheur de vivre ici.
Les enfants ont cette puissance de faire de chaque espace un terrain de jeux. Ici leur signature est un jaune poussin qui habille trois d'entre eux !
Les architectes de la Cité Biondi sont Monsieur Louria de Paris et Monsieur Garnier de Creil.
Et le sable :



Là aussi, à Saint Germain-sur-Ay, les gamins s'alignent ! Ils font du toboggan une sorte de présentoir à leur jeunesse !



Qui les a arrangés de la sorte ? Eux-mêmes ou le photographe ayant trouvé cette belle idée pour animer l'image ? Les parents ne sont pas loin. D'ailleurs que vise-t-on d'autre avec cette carte postale Di Mario expédiée en 1974 ? La construction à toit mono-pente à l'arrière ? Le parc des jeux pour les enfants ? Le bonheur ? Ici, avec cette image, nous pourrions bien être à la frontière entre la photographie de l'album de famille et la carte postale.
Un chef-d'œuvre du jeu pour enfants :



Nous retrouvons ici à la Palmyre, l'ensemble du Sous-Marin du Group-Ludic que nous aimons beaucoup sur ce blog. Cette image nous le montre dans sa splendeur c'est-à-dire utilisé par les gamins. Rappelons le fonctionnement de ce sous-marin : on emprunte l'une des entrées constituées par les gros tubes blancs qui surgissent du sable et on passe sous... le terrain ! Au passage on admire alors les lumières produites par les tubes de Plexiglas et autres hublots visibles et plantés sur le sol ! On peut aussi descendre par l'échelle ici :



Voyez comme tous les regards se tournent vers ce gamin qui pose fièrement sur son échelle ! Personne ne regarde le photographe des éditions Artaud ! A n'en point douter c'est la star de cette carte postale ! On notera que celle-ci nous donne bien le nom des designers de ce jeu merveilleux et aussi le nom des architectes du très beau village de vacances "les pins de Cordouan" messieurs Villeminot et Champrit.
Vous en voulez encore ?



Toujours chez Artaud, nous voyons bien le village de vacances et aussi le Sous-Marin. Surpris dans un saut courageux, un enfant utilise et s'amuse donc de cette aire de jeu si originale. On peut d'ici, un peu mieux voir le très beau travail des architectes qui ont glissé la construction sous les pins.
Un escargot :



Cette carte postale éditée par Nouvelles Images en 1986 (déjà !) reprend une photographie célèbre de Martine Franck à la bibliothèque pour enfants de Clamart que nous avons vue ici ou ici. La photographie date, elle, de 1965.
Sans aucun doute il s'agit d'une demande de la photographe mais il doit bien y avoir aussi là, une facétie enfantine comprise et perçue par la photographe. Inutile de dire que cette image sert parfaitement l'architecture, la rend aux enfants qui semblent y trouver leur échelle... en colimaçon !
Une image géniale pour une architecture géniale de l'Atelier de Montrouge. J'imagine que chacun des enfants doit avoir quelque part dans un tiroir encore aujourd'hui cette photographie et, parfois, la sortant ils pointent de leur doigt d'adulte leur visage d'enfant.
Et chose unique sur ce blog, nous avons le témoignage de la photographe Martine Franck sur cette image. En effet dans l'excellent et très beau livre consacré à cette bibliothèque, nous pouvons lire :

Mon premier reportage dans Life
par Marine Franck

" La bibliothèque pour enfants de Clamart fut mon premier reportage publié dans Life International. C'était en 1965. Stagiaire à Time Life, je faisais mes débuts dans la photographie.
Comme j'aimais à la fois les enfants et l'architecture contemporaine, c'était un projet rêvé.
Ma première vision de la bibliothèque fut prise du quatrième étage d'un HLM. Il faut imaginer une série d'immeubles autour d'un grand espace, dans lequel s'érigeait un bâtiment relativement bas et où tout était en courbe. J'ai été séduite par l'harmonie des formes. L'intérieur était d'une clarté joyeuse et les enfants semblaient heureux, épanouis, dans ce lieu où tout avait été pensé en fonction de leurs besoins.
En tant que reporter, j'aimais laisser vivre dans leur cadre mes sujets, en l'occurence, la bibliothèque. Une des choses qui m'ont particulièrement frappée, ce fut la liberté, l'aisance avec laquelle les enfants déambulaient dans la grande salle. Tout était à portée de main, les enfants passaient d'une table à l'autre, d'un bac à livres à l'autre. je n'avais qu'à les suivre le plus discrètement possible, je n'avais guère besoin de les interroger, je voyais dans leurs regards le plaisir qu'ils prenaient à être sans surveillance apparente ; je me souviens d'un calme absolu, d'un respect des lieux. Personne ne se chamaillait ni ne s'arrachait de livres.
L'heure du conte était un moment privilégié ; les enfants se mettaient en demi-cercle autour de la conteuse ; et, à les observer derrière l'objectif, je me rendais compte combien la voix humaine peut transmettre le goût de la lecture et ouvrir l'imagination.
Au cours de ce reportage, j'ai tout de même enfreint une des règles que je m'étais imposées en tant que photographe : ne pas intervenir. (Un vieux routard de Life, Loomis Dean, qui suivait mes débuts de photographe m'avait dit : "Martine, tu sais, à Life, il faut toujours avoir une photo choc", ce qu'il appelait un opener, une image d'ouverture.) Suivant son conseil, j'ai installé les enfants dans l'escalier que j'avais soigneusement éclairé.
J'avais vraiment envie que mon reportage paraisse.
Ce n'est pas ma photographie préférée mais elle est devenue, avec le temps, une de mes photos "icônes". Elle n'a pas été choisie par le rédacteur de Life mais elle a été par la suite maintes fois utilisée, pour des couvertures de livres, des affiches, tirée en carte postale, en poster, pour des collectionneurs...
C'est bien curieux, la vie d'une image !
Je n'oublierai jamais la joie que j'ai eue à faire ce reportage."

Et nous à voir vos photographies...

Espace à lire
La bibliothèque des enfants à Clamart
Gérard Thurnauer, Geneviève Patte et Catherine Blain
Gallimard 2006
un livre superbe, une architecture superbe !