dimanche 14 octobre 2012

face à face extrême

J'ai eu l'occasion de vous montrer sur ce blog sans doute l'une des plus modernes architectures du Vingtième siècle, le très avant-gardiste pavillon de l'U.R.S.S par Constantin Melnikov. Ce pavillon aujourd'hui détruit était d'une très grande audace et d'une grande beauté.
Cette avant-garde assumée et défendue par le pays en question fut quelques années plus tard oubliée, rejetée et même combattue...
La preuve passe par les cartes postales qui enregistrent ces retournements et (étrangement ?) il semble que parfois les idées politiques aient mauvais goût d'un bord comme dans l'autre, et qui plus est, aiment à s'affronter face à face par l'architecture avant que ce ne soit par les armes.
On devrait faire plus attention aux expositions internationales !
On connaît tous cela :



Pendant l'exposition internationale de Paris, face à face, l'Allemagne Nazie de 1937 et l'U.R.S.S stalinienne font la preuve de leur puissance avec deux pavillons qui se ressemblent beaucoup au moins sur le fait qu'ils ne sont que des socles puissants à leur idéologie : l'Aigle pour l'un, la faucille et le marteau pour l'autre.
Les cartes postales de ces deux constructions sont fort nombreuses et je parie que si vous fouillez un rien dans le grenier de Tata Alphonsine ou de Mémé Lucienne vous allez en trouver. Il faut dire que l'exposition internationale de 1937 fut un grand succès populaire : " vite allons voir l'architecture moderne avant les bombardements ". Une forme de prescience de la foule...
Malgré quelques grands noms de l'architecture de l'époque comme Aalto, le Corbusier ou encore Mallet-Stevens, cette exposition a du mal à devenir un point important de l'histoire de l'architecture moderne. On ne se souvient souvent que de cet affrontement idéologique.
L'architecte du pavillon de l'Allemagne nazie est Speer (cela va de soi !) et celui de l'U.R.S.S est  Iophan selon l'éditeur de ces deux cartes postales. Mais si finalement on est peu surpris par la grandiloquence néo-classique épuisée de Speer on reste surpris de pouvoir lire ainsi le retournement de la Révolution russe et la formidable machine arrière de son architecture. Tout pourtant parle de Staline : lourdeur, masse, ambition. Mais on pourrait croire que cela s'arrête à l'extérieur de la construction. Or, dans le pavillon lui-même une autre ignominie architecturale prend place :



Non, il ne s'agit pas d'un gâteau de mariage pour l'un des membres du Parti, mais bien d'un projet de Palais des Soviets ! La beaucoup plus rare carte postale Studio Henry Sarian vous donne les échelles ! La statue de Lénine aurait fait 100 mètres de haut ! Là encore, le bâtiment est traité comme socle géant à la sculpture. Pour le reste... Cela pourrait bien être une architecture de Speer !
Je vous laisse lire la phrase de Staline à l'arrière de la maquette... Comment ne pas comprendre que la guerre est là. Mais je suis troublé.
Troublé par mon désir de voir cette architecture construite finalement. Je ne sais pas pourquoi mais malgré sa laideur la possibilité qu'un tel monstre ait pu être construit me réjouit. Une telle masse, une telle lourdeur, une telle ambition présentes dans le réel auraient pu avoir un effet de saisissement presque (j'ose !) magique. Car la force des constructions aussi gigantesques c'est de ne jouer finalement que sur le rapport d'échelle avec l'humanité : ce que vous croyez impossible est bien là sous vos yeux.
Mais le Palais des Soviets ne fut pas construit... ni d'ailleurs celui prévu par Le Corbusier.
Retournons en 1937 et voyons d'autres cartes postales :



Un gros plan de la sculpture qui est portée par le pavillon. L'éditeur Chipault nous donnent les architectes suivants : Iophan et les collaborateurs français : Bonnères, Coquet et Jossilewitch.
Admirablement colorisée :



Toujours chez Chipault nous découvrons le pavillon soviétique sous un autre angle. La succession ici des emboîtements des volumes pourraient, en allant très vite, faire penser un Malévitch. Enfin un peu...
Encore un peu de promenade :



Cette fois nous sommes au pied du pavillon nazi dont le drapeau flotte sur la place. On remarquera le très beau petit train qui promenait les visiteurs.
Une vue générale :



Prise depuis le Pavillon italien, on voit au fond les deux pavillons qui se font face. On notera la qualité... médiocre des sculptures italiennes et on comprend bien qu'elles ne sont pas faites pour durer !
Dans une belle publication de l'époque éditée par les arts et métiers graphiques tout en héliogravure on retrouve la totalité des Pavillons de l'exposition de 1937. Toutes les photographies sont de Pierre Verger qui n'oublia pas de photographier notre marchand de cartes postales ! On y retrouve aussi quelques grands noms de l'architectures comme Le Corbusier, Aalto ou Sert.
Bonne visite.




retrouve-t-on nos cartes postales ?

Détails du Pavillon allemand et des sculptures d'Arno Breker. 

Aalto, Drouet, Bier, Jauvey, Bagge, Jacques, architectes

José Luis Sert, Abella, Luis Lacasa, architectes

























On reconnaît la sculpture de Picasso devant le Pavillon de l'Espagne Républicaine bien entendu ! Dans ce Pavillon, on découvrait Guernica.
Puis le Pavillon de la lumière et de l'électricité par Mallet-Stevens avec la grande Fée Electricité par Raoul Dufy aujourd'hui déposée au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Peinture que Jacques Ramondot, mon Maître en gravure, m'avait dit avoir vue de ses yeux vue alors qu'il était enfant.