mardi 9 novembre 2010

Pierre Dufau pour de vrai (oui...)

Parce que finalement je croise assez régulièrement son œuvre au travers des cartes postales, je propose un petit récapitulatif du travail de Pierre Dufau.


Je commence par une carte postale absolument superbe et étonnante du Paris-Sheraton Hôtel.
Il s'agit bien d'une carte promotionnelle éditée par l'hôtel-même et certainement offerte aux clients venant ici chercher confort et luxe au milieu des années 70.
Au verso on lit : Le plus grand hôtel de la Rive Gauche, les pus belles chambres de Paris.
Rien que ça... et en anglais également !
Mais la photographie que l'on doit à un mystérieux Groupe MSP est surprenante :
Bleu, bleu, bleu.
Je ne sais pas quelle réalité cette image prend en compte mais le bâtiment est ainsi (il faut bien le dire) totalement magnifié comme se détachant du ciel, en faisant partie, et surgissant du fond de l'air d'une nuit tombante.
Le dessin aride et fermé presque secret de l'ensemble est encore accentué par ce traitement et il est à parier que la retouche de l'image fut un gros travail...
Mais quelle image ! Quelle qualité d'impression également !
Le bordel lumineux du bas de l'image qui fait penser à un temps de pose long qui contraste parfaitement avec la tranquillité radicale de l'hôtel un peu esseulé. L'hôtel affiche quatre étoiles, j'en donne autant pour la carte postale !
Partons pour Bordeaux :


Cette carte postale aux éditions Elcé nous montre la nouvelle Préfecture de la Gironde. Elle nous donne le nom de Pierre Dufau comme architecte mais associé ici avec Jean-Pierre Dacbert (?) dans une Association des Architectes Parisiens. Il s'agit bien plus sûrement de Jean-Pierre DaGbert ici mal orthographié par l'éditeur.
La construction semble un prisme pour les reflets de la ville. Il semble bien que ce goût pour l'effet miroir qui tente la fameuse intégration n'arrive pas ici à éradiquer la géométrie puissante de l'ensemble. Et même dans un jeu de reprises, les reflets les uns dans les autres font une mise en abîme de l'immeuble se reflétant dans lui-même et révèlent encore plus par les lignes croisées et les angles cette géométrie.
Ces brisures des reflets divers troublent la lecture du bâtiment et à la fois en font sa particularité.
La carte postale est d'un grand classicisme de cadrage, pas d'effet, la préfecture au centre dans une symétrie solide. Le creux sombre sous le bâtiment semble vouloir nous parler d'un travail de jonction très poussé entre le sol paysagé en jardin et gradins et la construction même.
Ce même travail :


Ici la carte postale Elcé nous montre le très beau travail de jardin à la base de la Préfecture, on reconnaît bien ce style de l'époque de sculpture intégrée faisant suite et prolongeant la construction. On connaît cela à la Grande Motte mais je pense aussi aux constructions de messieurs Andrault et Parat qui comportent à leur base le même type de jardin. Souvent d'ailleurs cela est maintenant totalement abîmé.
On voit ici un jeu de courbes, de vides, de plantations qui offrent un grand contraste avec la préfecture dont on devine ici dans ce tout petit détail en contre-jour la transparence.


Nous sommes dans le quartier Mériadeck de Bordeaux l'un des plus beaux ensembles sur dalle. L'éditeur nous donne bien encore le nom de Monsieur Dufau mais orthographie encore étrangement son associé en Bagdebert !
Reste encore un beau document montrant les qualités du travail paysagé et architectural d'une époque souvent à tort décriée.
Et encore :


Toujours la Préfecture de Bordeaux, cette fois dans une édition qui se veut artistique. Pour appuyer cette différence le photographe joue habilement des lignes et construit une image dont la composition met en avant une tonalité bleue grise et des lignes franches. Le photographe Michel Guillard est nommé et travaille pour IN' EDITE. Le nom même de cet éditeur dit son désir d'images exclusives se détachant de la production habituelle des cartes postales. Si on peut dire que le photographe a fait ici un beau travail, on regrettera l'énorme et disproportionné bord noir si conventionnel de l'image d'art qui finit par être un tic bien embêtant. La qualité de tirage de la carte postale est pourtant irréprochable et la matité lui apporte également une grande qualité et sert bien la belle image de Monsieur Guillard. Qui reconnaîtra le bâtiment reflété par celui de Monsieur Dufau ?
Les deux architectes sont parfaitement nommés au dos de cette carte postale sans date.
Au nord:


J'ai tout de suite aimé cette carte postale et donc la construction qu'elle présente. Nous sommes à Créteil devant son hôtel de ville. La carte postale Lyna pour Abeille-Cartes nous donne bien le nom de Pierre Dufau et nous indique également la hauteur de la construction : 75 m.
Comment ne pas être sensible à une architecture à la forme si appuyée qui sans complexe affiche son mode de construction ?
Comment ne pas voir ici une structure solide comme une pièce de génie civil habillée d'un voile de verre ?
Et les courbes donnent à l'ensemble la sensation d'un mouvement de rotation que le piéton doit faire fonctionner dans un cinétisme à échelle humaine.
C'est beau.
Cela me rappelle dans son concept constructif là aussi une œuvre de Messieurs Andrault et Parat : la Tour Totem. Est-ce juste ?
Le photographe ne peut s'empêcher de cadrer la croix de Lorraine dans l'image mettant en contraste sa solennité lourde et épuisante avec la puissance formelle de la construction de Monsieur Dufau.
L'architecture gagne à ce jeu et c'est tant mieux.