lundi 17 novembre 2008

Deus ex Machina Tabula rasa


Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
Il y a quelque temps (26 juillet 2008) sur seulement le regard porté sur une image, une carte postale évidemment, j'émettais de bon droit un jugement sur un bâtiment, jugement relativement négatif, trop soucieux de me laisser tout de même une porte ouverte.
La porte était bien entrebâillée puisqu'aujourd'hui je deviens enfonceur de porte ouverte et vous glisse une carte postale et un témoignage me permettant de penser que le bâtiment en question est finalement très intéressant. Remarquez que l'intérêt ne veut pas dire le goût mais tout de même quand on développe un regard et une bienveillance c'est que le penchant à aimer n'est pas loin.
Bref, revoici Michel Bezançon et Aime 2000.
La carte postale en vue aérienne nous montre bien la taille incroyable du bâtiment, énorme serpent qui lui vaudra donc le surnom de paquebot des neiges. Le sur-dimensionnement est déjà pour moi une bonne piste. J'ai le goût pour le gigantisme, pour la ville étendue dans les trois dimensions. Et puis en découle immédiatement la masse. Presque le poids. Quand ça pèse, quand la gravité est visible. Rien contre la légèreté quand elle naît de la structure et offre sa visibilité. Mais j'aime aussi l'isolement ou disons les atterrissages ! Vous savez lorsque la construction semble avoir été posée là en dépit de tout ce qui l'entoure, presque imposée surtout pas intégrée. Deus ex Machina. Quand il semble que l'architecte, la main serrée sur la maquette pose d'un geste définitif son gros jouet dans le plan en bousculant un peu les autres imitations du réel. Paf ! J'aime aussi quand c'est neuf, créé de toutes pièces, ayant bourgeonné du sol un matin. Tabula rasa. Voyez Royan, Brasilia, le Havre et la Grande Motte... et les villes nouvelles.
La neige souligne bien cela. Toujours sur les cartes postales de stations de montagne, la neige est là. Elle égalise le sol et étend une matière pure comme le carton plume sur les maquettes des architectes. Elle permet de faire surgir le bâti, souligne ses particularités un peu comme le ciel bleu uniforme et lisse au bord de mer. Oui neige = bleu du ciel pour les photographes de cartes postales. Les deux phénomènes météorologiques découpent les constructions.
J'aime aussi souvent quand dans des échelles amples les bâtiments semblent vouloir rivaliser avec la géologie, le paysage. A la fois parfois l'imitant, collines, vallée, grottes et parfois l'épousant dans un incroyable jeu de reprise et d'opposition. Le plus fort c'est Jean Renaudie. Et puis aussi les monolithes qui jaillissent, oui des érections : la Tour Montparnasse ou Marina City.
Si donc on fait l'addition de ces penchants qui ne sont qu' architecturaux (oui je sais...) eh bien il faut admettre que le paquebot des neiges de Michel Bezançon devrait me plaire. Le seul élément qui me gêne reste le traitement de façade en bois foncé, genre "on est à la montagne, voyez mon chalet". Mais je crois qu'il me suffira, soit d'aller voir, soit de trouver une autre carte postale ou encore de lire un argument bien senti pour m'y habituer. Sait-on jamais...
Si vous voulez lire ce que dit l'architecte de sa construction allez ici c'est instructif et bien documenté :
http://www.perso-laplagne.fr/Histoire.htm#4
La carte postale est une édition cap-Théojac, la photographie est de Michel Serraillier. Elle nous indique vue plongeante sur Aime 2000, oui c'est plongeant et j'imagine ce que cela doit être de faire de tels clichés en avion l'hiver au dessus des montagnes...
La carte fut expédiée en 1978.