mercredi 2 décembre 2009

chlore et bulles

édition SOFER

Il n'avait jamais vu ainsi la piscine d'Elbeuf avant cette carte postale.
Il a fréquenté cette piscine pourtant de manière régulière à une époque.
L'école, le centre aéré de la R.N.U.R.
Il se souvient qu'on disait bien rnur en un seul coup. Parfois la Régie et moins Renault.
Tout petit, il a failli se noyer là, dans cette piscine.
Dans le bassin des petits d'ailleurs, celui qui n'est pas visible sur cette image car à l'intérieur du bâtiment en dur à gauche.
Il avait toujours peur du moment du déshabillage. Heureusement il avait une grande serviette qu'il a toujours sur laquelle était représenté un nageur avec un bonnet de bain et ballon faisant un jet d'eau avec sa bouche. Il peut vous le montrer.
Il aimait la douche très chaude et la vapeur moite et enveloppante. Il rêvait avec en même temps une belle peur du grand bassin parfois extérieur et parfois couvert d'un toit cylindrique gonflable.
Mais d'abord le petit bassin.
Il se souvient que, assis au fond de celui-ci, sur les carreaux bleus il voyait parfaitement les bulles sortir de sa bouche et monter. Il n'avait pas peur.
Pourtant une force soudaine le tira vers le haut. le maître-nageur.
Cette noyade, il a décidé dans faire un bon souvenir, c'est vrai qu'il était vraiment petit.
Enfin apprendre à nager là dans le grand bassin. Les mouvements sur le bord puis dans l'eau. Perdre pied et un jour comprendre la joie de l'eau qui vous porte. Surtout sur le dos.
Mais toujours plus tard détester avec l'école l'obligation de venir là. Pourquoi aimer ça seul et le détester avec l'école ? Les maîtres et la pudeur.
A cette époque la famille et le public pouvaient vous accompagner sur le bord. Il y avait une estrade. Et les mamies tricotaient, les nounous lisaient Clair Foyer.
Et s'il faisait chaud, en sortant de la piscine, là au coin de la rue il y avait une Renault 4 fourgonnette ouverte à l'arrière et une dame qui vendait des glaces. Trouver que c'était le plus beau métier du monde en regardant l'image représentant une inuit avec un col de fourrure pour les glaces Gervais.
Et l'odeur persistante du chlore dans les cheveux malgré le shampooing berlingot Dop.

les billes et les genoux

édition Combier, expédié en 1972 par sa mère.

De l'école Michelet il ne se souvient finalement que de peu de choses.
Un jour de pluie la parfaite démarcation laissée sur le sol entre la zone pluvieuse et la zone sèche, ligne incroyablement marquée.
Il se souvient que, assis devant le bureau de la maîtresse celle-ci lui faisait des frisettes avec son doigt pendant la classe. Il avait, à l'époque une chevelure très frisée qui le faisait toujours passer pour un fille.
Il se souvient d'une plaque d'égout largement ouverte dans lequel des objets divers finissaient toujours par tomber et des efforts incroyables pour aller à la pêche avec ses camarades aux pièces de vingt centimes brillant au fond. Il avait même muni une ficelle d'un aimant puissant de boîte de vitesse Renault que son père avait rapporté de l'usine pour tenter la récupération.
Il se souvient du beau dessin technique au fond du couloir, dessin dans une résine transparente représentant les industries d'Elbeuf dans un goût très sec qui plus tard lui fit comprendre son goût pour le Grand Verre de Marcel Duchamp.
Il se souvient de Crâne d'œuf, il se souvient qu'il en avait peur, il était le surveillant dans la cour de récréation et avait l'un de ces minuscules appareils radio japonais collé à son oreille. Il crut bien plus tard le reconnaître dans l'un des personnages de la Guerre des étoiles.
Il se souvient que, sur le chemin d'aller ou de retour, avec ses frères ils jouaient à faire des pétards avec des paquets de gitanes bleues qu'ils faisaient éclater sur leurs genoux, il se souvient aussi de la jubilation, les jours de pluie (nombreux) de faire des boules de papier et de les voir se coller sur les façades de briques après un lancement bien ordonné.
Il se souvient de la main rassurante de ses deux frères, l'un au milieu, plus responsable, entraînant les deux autres.
Et puis parfois ils allaient prendre en route le fils du boulanger. Ils essayaient toujours de voir si le distributeur de bonbons sur le trottoir devant le café ne pourrait pas tout de même sans argent laisser tomber une boule de gomme. Et parfois, même souvent, oui ça marchait.
Et dans la cour de l'école il se souvient que là, sous la haie de thuyas des parties de billes incroyables avaient lieu, des parties de deux cents ! Héroïsme des joueurs, tremblement de la perte, la boîte jaune de Nesquik revenait à la maison victorieuse et lourde ou vide et triste. Mais quelle partie !
Dans la rue, sur les pavés humides des petits bouts de fil de toutes les couleurs échappés des usines textiles juste derrière jouaient avec le vent.
Il se rappelle aussi cette petite barrière qui fermait la cour en deux dont il ne comprenait pas l'usage. Pourquoi interdire un aussi bel espace ?
Et puis, il apprit à lire dans cette école et, exactement devant ce trottoir, garée là une camionnette de dépannage arborait sur sa carrosserie un "Bendit" marque d'électroménager. Il se souvient de sa jubilation à comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une faute d'orthographe mais d'une marque et que ainsi les mots pouvaient jouer de leur son de leur sens. Oui.
Ils se rappelle aussi le jour où ses parents, un samedi, vinrent les chercher, ses frères et lui à l'école pour leur montrer la nouvelle maison en construction.
Le départ.

un impact



Comme un impact de balle sur la tour.
Soleil dedans.
Bring the noise.
La défense.
Vision de l'an 2000.
La banque Crédit Lyonnais.
La vision était juste.
Elle ne tombe pas, même pas vaciller. C'est solide la banque.
Les architectes : Dubuisson et Jausserand.

Mais voyez-vous l'ombre de l'autre tour qui se dessine dans cette façade ?