dimanche 12 décembre 2010

Toiles tendues, mettre les voiles.

J'aime certainement cette carte postale de manière immodérée :


Sur une plage de Palasca-Belgodère, dans un V.V.F, le génie d'un lieu inventé de rien ou presque.
Un grand carré de toile bleue (voir le ciel) est tendu vers le haut ou vers le bas par les pointes.
La tension crée les courbes enjoignant ainsi la géométrie à des efforts faisant rencontrer le cercle et le carré.
On entend le vent faire vibrer et chanter le câble d'acier sous la tension extrême et ce chant est celui premier de la résonance des cordes des instruments les plus beaux, donc les plus simples.
Et comme pour finir, mettre dessus des corps qui sautent courent dansent tombent et remontent les pentes infinies croyant parfois à juste titre arpenter le bleu du ciel.
Le point rouge d'un ballon géant rappelle sans cesse dans ses trajectoires les courbes et dessine à l'envi le parcours des tensions, des forces et de la gravité.
Joie.


Et dessous à l'ombre, voyant par transparence les réductions graphiques des corps projetés sur cet écran, un garçonnet se cache.
Il observe les points d'appui dans la toile, les pieds sous leur poids ajoutant encore à la tension.
Dessus, dessous, ombre, lumière, tension, souplesse, dedans, dehors, fort et léger, la structure de jeu est certainement l'une des architectures les plus belles que je connaisse.
Elle dit tout ce que nous attendons de l'architecture : une réponse et une stimulation à nos corps par les yeux (la couleur, la forme), par les pieds (la tension, la pente), par les oreilles (l'équilibre, le son).
Je cherche qui inventa cela.
Qui a pu comprendre ainsi que, offrir cela à nos corps, à leur jubilation vitale est un cadeau trop rare malheureusement ?
Je cherche dans mes ouvrages mais point ne trouve.
Au fond de l'image, trois pyramides de couleurs, trois tipis pourraient bien une nouvelle fois nous mettre sur la piste de Sculptures-Jeux ou du Group Ludic.
Mais comment en être certain ?


Jacques Simon dans ces merveilleux fascicules sur les aménagements des espaces libres ne nous donne pas la réponse mais nous propose une œuvre d'une certaine manière similaire du moins dans l'expérience corporelle :


Il s'agit de gros coussins gonflables dont étrangement la mollesse se rapproche pour moi de la tension du praticable de notre carte postale. La pression relative de l'air de l'un rejoint celle plus ferme des câbles tendeurs de l'autre. On le doit à Klaus Göhling.
La tension du textile fut ainsi souvent rapprochée des expériences de tensions précontraintes du béton. Je me souviens d'une photographie d'un filet de pêche séchant sur un bateau, rapproché par Monsieur Sarger ingénieur, du travail effectué sur le toit de l'église de Royan.
Mais voici un exemple plus direct :


Nous sommes à Cologne (Köln am Rhein) devant " der Tanzbrunnen im Rheinpark".
Je crois que la traduction pourrait être piste de danse ou kiosque à musique.
On retrouve là le vocabulaire de notre jeu de plein air.
Les câbles tendent une toile qui tout en se courbant se rigidifie. Suspendue ainsi, elle offre un abri léger, aérien.
Ici, c'est simple, l'architecte de cette merveille n'est rien moins que Frei Otto.
On regardera comme les parasols jaunes et rouges au premier plan semblent lourds.
Et si on ne peut arpenter la structure que par notre imagination on s'amuse alors aussi à glisser et sauter.
Pour vous prouver que le béton dit parfois la même chose :


Voici le pavillon du jardin de Stuttgart.
Vous voyez la tension, la fragilité apparente du voile de béton ?
Vous sentez l'envie qui vous vient de monter sur les courbes et de glisser sur ces petites collines ?
La carte postale est une photographie de L. Windstroser et fut expédiée en 1977.